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La religiosité d'un foulard

Nos mères, pour autant qu'elles se soient, il y a moins de quarante ans, battu, et ont été fortement battues par la violence du mâle, afin d'exprimer leur féminité indépendamment de ce qu'attendait d'elles la société patriarcale de leur temps, constatent aujourd'hui que nos filles se battent pour porter une étoffe voilante dans la crainte, c'est-à-dire comme protection, des coups d'un dieu patriarcal (n'oublions pas que tout ce qui regarde un dieu est de l'ordre de l'idéologie : une idée non pas traitée dans sa réalité propre mais dans sa propre idéalité), d'un père, oncle, frère ou d'un importun délaissé ; ce voile ressemble fort à ce qu'elles ne peuvent acquérir du bonheur espéré d'amour qu'ainsi elles cachent et que nos mères eurent le courage, et parfois obtinrent, d'entrevoir en leur époque. Du tissu d'une minijupe on passe au tissu d'un cache-tête. C'est dire aussi la violence de l'incommunication entre nos deux sexes, et celle de la partie mâle de l'humanité se montre d'autant plus à nous que la trace de ses coups est visible et les cris forts, bien qu'on tente de les étouffer, alors que c'est la relation même entre les deux sexes qui se cache derrière une étoffe : ici le garçon est excessivement raide et là, la fille ou se cache ou s'expose excessivement.

Et pour ces ferveurs du voile, il reste plus de cent cinquante années à courir jusqu'au 1789 du calendrier de l'Hégire ! (d'autres, qui ont un calendrier encore plus vieux ne sont pas moins retardés pour cette sorte d'affaire, sachant que la croyance est un facteur vieillissant d'autant plus le monde qu'elle s'en sent digne). Que veut dire ce retour du regard des filles qui se baisse lors qu'un homme pose les yeux sur elles ? Humm ?

Dans le problème de la séparation des sexes, qui traite donc des possibles de leur rencontre hors de la violence, nos mères, même si leur projet ne s'est pas, dans son entièreté, réalisé, avaient pour détermination leur propre bien-être et celui de leurs enfants à venir et voyaient la liberté qu'elles obtenaient leur profiter comme source possible d'un bonheur envisageable, le notre. Et la manière dont on pose aujourd'hui ce problème est que nous nous trouvons maintenant confrontés à la mutilation sexuelle institutionnalisée (il n'y a pas assez de mosquées pour notre actuel ministre de l'Intérieur !) sous couvert d'une "liberté religieuse inscrite dans la Constitution" ; et la disposition laïque de notre société, qui sépare le privé du collectif pour préserver ce collectif d'un privé trop ostentatoire, se voit titiller par l'ardillon du doute quant à sa propre réalité "bourgeoise". C'est là un fruit des laisser-aller volontaires de nos gouvernants, nos leaders, pour de plus sombres projets pourtant bien connus : afin que cette forme d'organisation sociale, qui écrabouille la coparticipation pour l'écarter de ses aptitudes, perdure, il lui faut effectivement plus de malheur physique encore, vu que ses capacités à générer les malheurs psychiques trouvent de moins en moins de résonance ou d'aprobation, et ceci d'autant plus que la contestation pratiquée de sa manière de faire, trouve sa cohérence dans la compréhension de ce qu'elle fait.

La remontée (comme le remugle des égouts mal entretenus) des religions patriarcales (voir oppositions binaires de caractéristiques sociales) est une conséquence de la perpétuation de la forme patriarcale de notre société au stade avancé de son immobilité, de son manque de dynamique qui mène à cette odeur de pourri du religieux institutionnalisé, c'est-à-dire comme support indispensable à la perpétuation de l'État du moment. Dans ce genre de situation, au contraire du projet de nos mères, c'est l'enfant qui trinque, et dur, et elles se trouvent désappointées, comme nos filles, jusqu'à l'interdit devant l'immobilité de ces leaders. C'est l'école qui n'est pas adaptée à l'enfant, comme l'usine au "travail", comme l'usage de l'énergie à un bien-être durable, et non pas le contraire ; tout comme l'activité humaine n'est pas adaptée à cette organisation sociale : cette organisation sociale désaccorde les besoins humains. En conséquence, que l'humain dissone avec cette société ne peut que lui être profitable, à lui et à ses enfants ! L'école n'est toujours pas adaptée à l'enfant, l'usine au "travail", l'usage de l'énergie au bien-être des gens. Ce ne sont pas nos filles et nos fils qui sont inadaptés l'un à l'autre, mais bien le mode de leur approche dans l'école laïque, la manière dont est réalisée la mixité ; on le sait bien, que diable ! On sait que de les séparer ne résout pas le problème mais l'amplifie. On sait que là où on a donné du temps aux élèves pour prendre connaissance de leur spécificité, il n'y a pas de violence entre les sexes. C'est d'abord la négation de la sexualité qui amène à la violence et ensuite la violence qui amène à la négation de la sexualité et, outre que ce qu'on appelle le respect de l'enfant tient aussi dans le respect de sa sexualité, c'est-à-dire de ses amours à elle/lui, ce sera donc dans une situation positive de l'école vis-à-vis de la sexualité que cette violence s'amenuisera.

Car ce foulard de religiosité dénonce aussi la faillite présente de la pensée du progrès humain (pas technologique, humain) possible dans les têtes de nos filles, qui ne voient plus, dans ce bonheur, que le fait de le bouger de trois millimètres vous amènera inéluctablement à un malheur plus grand encore !!! Cela montre la fragilité, la faiblesse de leur espoir de se réaliser un jour en dehors de ce contexte patriarcal, auquel nos mères refusaient ce genre d'autorité. Comme ce foulard montre aussi "l'exacerbération" de la seule rigidité sexuelle, du besoin d'aimer en souffrance, des garçons qui se sont résignés à ne pouvoir jamais avoir une relation d'amour sincère avec les filles.

Nos mères avaient pour substrat théorique les encore frais travaux d'un Freud sur la vérité de la sexualité et de sa satisfaction et les limpides travaux d'un Reich sur la socialité de la sexualité satisfaisante, ou bien les formes altérées des comportements sociaux comme, par exemple, ceux des doux Surréalistes et des plus précis Situationnistes, car ces descriptions de notre réalité voulaient dire quelque chose de présent, elles décrivaient quelque chose de tangible dont le désir demandait sa réalisation. Ce substrat qui est maintenant perdu dans les ombres du spectacle, voit sa tangibilité soigneusement camouflée, triturée, pervertie avec minutie et scélératesse par nos philosophes au péristaltisme anesthésié, nos journalistes toujours en quête de nouveauté déjà rancie, et nos psychologues de la vie à jamais quotidienne de téléspectateur, pour qui tout est devenu automatique, c'est-à-dire pour qui tout ce qui était directement vécu s'est changé en une représentation, puisque ce vécu leur est impossible à vivre.

Il arrive ainsi que, parce que la République conçoit une libre expression personnelle de sa religion, on ne puisse plus porter un mot sur la religion, et que la moindre critique portée sur la religion se voit qualifiée de "raciste" quand bien même une religion ne soit, tout comme le racisme, qu'une idéologie, et en rien une "race".

Ce qu'on cache est que les religions patriarcales obligent toujours à une mutilation sexuelle (Paul de Tarse parlait de la "circoncision du coeur"), c'est-à-dire qu'on ne peut pas être, par exemple, adepte de religion musulmane ou juive sans être circoncis physiquement et sans vouloir que son enfant mâle ne le soit pas, et en conséquence que la femme soit excisée et exige la circoncision de l'enfant mâle ; que toutes les justifications relatives à l'hygiène amenant à la pratique du retrait du prépuce par l'adulte chez l'enfant, et la circoncision, relève d'une mécompréhension personnelle de sa propre hygiène, relève de l'hygiène mentale, c'est-à-dire sont d'ordre maniaque, comme le fait religieux obligatoire, ostentatoire. Et cette maniaquie relève elle-même de l'éducation qu'on a subi de s'être vu/e interdire par la violence et la meurtrissure, la persuasion et la détermination, la possibilité de l'autosatisfaction à son escient ... et de ne rien pouvoir comprendre à une relation amoureuse.

La laïcité ne pourrait pas être ostentatoire dans un République religieuse ; la religion peut, dans une République bourgeoise se montrer et s'exprimer dans la rue, qui est publique, mais elle n'a pas à se montrer dans ses écoles, qui sont le ferment même de la laïcité, de la multiplicité pour tous. Et la laïcité ne peut pas avoir d'ayatollahs car justement elle prône la tolérance et elle est modérée, ce qu'aucune religion patriarcale ne peut accepter. C'est la laïcité qui défend physiquement le corps de l'enfant et de la femme en ayant prononcé que la circoncision est une mutilation des organes génitaux, répréhensible par ses lois (art. 16-3 du Code civil et art. 222-9 et 222-10 du Code pénal). Nos mères ont été battues par leur pères, grand-pères, oncles pour ce qu'elles étaient, et elles ne l'ont plus admis afin que cela ne soit plus admis car c'est inadmissible ; nos filles en sont encore à ce stade de barbarie car des garçons qui ne se comprennent pas, ne peuvent comprendre ce qui les touche et qui leur est caché par la religion, la situation sociale.

Ainsi, de même que la pollution présente ne se fera ressentir que dans un siècle, c'est à nous de faire en sorte que "la liberté" (qui n'est pas de la "licence" pour A.S. Neill, le créateur de Summerhill, qui existe encore !) qu'on permet à nos enfants maintenant ne demande pas autant de temps à la réalisation de leur bonheur en leur temps. Le port sous un prétexte religieux d'un voile qui masque la chevelure (Ô toison moutonnant jusque sur l'encolure ... Charles Beaudelaire) uniquement de sexe féminin, ne montre finalement que le manque d'hier d'un tel projet ! Il faut comprendre qu'un câlin, bien qu'il se puisse discuter, ne se marchande pas.

Il faut aussi rappeler que, pour toutes les sociétés de types patriarcales, monothéistes ou plurithéistes, la femme est légendairement l'origine du malheur du monde et qu'elle doit pâtir tous les jours de son existence, comme reviviscence à cette légende, de cette malheureuse idée du monde. Toute société patriarcale exulte la rigidité musculaire comme pouvoir rédimeur de la spongiosité de l'humain mâle qui a été raidi par une blessure et en craint, car il se trouve alors à une distance astronomique de l'abandon à l'amour, la mollesse ; elle exulte la guerre, la compétition, l'accaparement du travail de l'autre. La réaction alors infantile (qui ne peut plus être enfantine) est de se révolter sur sa propre résignation, c'est-à-dire de refuser qu'on puisse ne pas aimer ... en aimant de haine. C'est la même idée qui domine dans la relation pornographique où, finalement, la femme doit réparer ce dont elle est censée être l'instigatrice après en avoir été l'initiatrice -- la flasquicité d'une émotion d'amour dans une âme mortifiée -- en procédant des mêmes schémas d'anesthésie rituelle !

octobre 2003