TRAICTE DE L'EPILEPSIE,
Maladie vulgairement appellée au pays de Prouence, la gouttete aux petits enfans.
Compofé par M. Iean Taxil, Docteur en Medecine, natif des Sainctes Maries, Medecin
d'Arles.
A Lyon, M. DCII.
LIVRE I, Chapitre 7
Qu'il eft vray femblable que l'Epilepfie en ce
pays de Prouence eft causée par
influence.
Avant que refpondre à la queftion propofée, ie me fuis aduifé que ce terme influence eft peu cogneu
du vulgaire, & la verité d'icelle, eft fouuent mife en controuerfe aux plus fameufes efcholes, & toutefois
c'eft le fondement de ma propofition, fans l'adueu de laquelle ie baftirois fur le fable. A ces occafions defirant aucunemẽt
fatifaire aux curieux, ie me fuis deliberé toucher quelque chofe en paffant des influences, & de la verité
d'icelles, puis ie tourneray le fil de mon difcours fur cefte questiõ, fçauoir, qu'elles fõt les caufes
de l'Epilepfie en ce pays de Prouence : Pour donques entrer en matiere, il eft à noter que les cieux qui font marquettés
d'vne milliaffe de feux, & fabriqués de plufieurs & diuerfes pieces, ont de grãdes & fignalées
puiffances fur nos corps, y apportant de diuers & notables changemens, imprimant premierement fes qualités à
l'air (lequel reçoit facilement toute alteration) & | ceft air nous les cõmunique encore plus fort, nous
voyons cela tous les iours aux temps & faifons de l'année, en la mutatiõ des iours & des mois, le
tout prouenant par le cours ordinaire & iournalier du Soleil par le Zodiaque, & de l'oppofition qu'il a auec les
autres eftoiles, & felon que l'air eft par telle difpofition celefte efchauffé, humecté, refroidi, ou
deffeché ; il produit de mefme le changement à noz corps, engendrant tantoft des maladies autumnales, tãtoft
hyuernales, ores eftiuales, & autrefois vernales, ou printanieres : De toutes telles chofes, on en peut rendre raifon,
& rapporter les effects fufdits à ces qualités manifeftes, que le ciel nous cõmunique par fa lumiere
& mouuement : mais il y a d'autres propriétés & vertus au ciel, lefquelles nous font de mefmes communiquees
ça bas, fans toutefois que les fens puiffent iuger quelles elles font ; mais font feulement fentir leurs effects,
& telles vertus fõt appellees des medecins & aftrologues influences, il s'en pourroit donner vne milliaffe
d'exemples : toutesfois pour n'attacher mon difcours à fi longue defoigne, i'en defduiray feulement quelques vnes
en paffant des plus cognues & familieres comme la fecrette communication qu'à l'eftoile polaire auec l'aymant,
lequel s'il a touché vne fois vne aiguille de boyffole, ou d'orloge folaire, on la voit toufiours tourner à
cefte part, quoy qu'on tourne l'orologe à rebours, & au contraire. La fami- | liarité qu'ont les eftoiles
de la vierge, & du faigittaire auec la mer indigne, laquelle lors que le Soleil eft à iceux, eft tranquille &
nauigable, & au contraire la mefme mer s'effarouche, s'enfle, & mugit effroyablement, lors que le Soleil eft conioinct
auec Pifces, & Gemini. La mer Perfique tout à rebours à le Gemini, & le Pifces pour familier, &
eft fort tranquille lors que le Soleil eft en ces fignes, & la Vierge & le Sagittaire luy font ennemis. Ie ne dis
rien du fleux & refleux de la mer Occeane, car on fçait affes qu'apres auoir prou philofophé fur les caufes
de tels effects, on eft contraint d'accourir à la fecrette vertu de la Lune qui fait cela. Quelle fecrette familiarité
a le Soleil auec le coq ? lequel par vne certaine influence, venant de ce bel aftre, eft refueillé entre tous les
animaux, lors qu'il eft à noftre Nadir, (c'eft à dire à l'oppofite de noftre midy) & battant les
aifles, eft contraint en chantant de notifier fa ioye, & lors que ce flambeau s'approche plus pres de noftre horizon,
enuiron le frcupule, qui eft le temps de la poincte du iour, ceft animal de mefme efueillé de nouueau, recommence
à chanter. Enfin qui ne fçait, que le tourne-fol eft contraint de fuyure le Soleil, cõme l'ombre faict
le corps, regardant toufiours auec la fleur ouuerte, le corps de ce bel aftre ? & lors qu'il ne le peut plus voir, quand
vient la nuict clofe fe ferme & s'encline en bas. Il y a beaucoup de gentils efprits, lefquels brauant l'ignorãce
| & ne fe pouuant fentir genés dans l'obfcurité des chofes, veulent rendre raifon de tout, difans, que
tous ces beaux effects que nous auons dit, prouiennent de la nature des chofes mefmes, ou bien s'ils viennent du ciel, qu'il
faict cela par fa lumiere, mouuement, ou chaleur : mais les bonnes gens ne fe contentent pas eux-mefmes, & on leur propofe,
tant & tant d'autres difficultés femblables, qu'en voulant rendre raifon de touit, ils font feulement cognoiftre
leur opiniaftretré ; & ils font tout cela pour n'eftre contrains confeffer qu'il y des proprietés occultes
au ciel ; mais fi on les contraint voyant les effects des chofes baffes & terriẽnes, de confeffer qu'elles ont
certaines vertus attachées à leur fubftances & formes, lefquelles font indicibles ; & les caufes d'icelles
ne tumbent fur la cognoiffance d'aucun fens, cõment pourryẽt-ils mieux penetrer la nature des chofes qui font
encore plus grandes & fi efloignées de nous que la viuacité de l'entendemẽt les peut à peine
cognoiftre ? fi les chofes fis-ie que nous manions & fentons tous les iours, ont enclofes dans elles des vertus à
nous indicibles ; cõme l'ambre d'attirer la paille, l'aymãt d'attirer le fer, l'azur
de purger la melancholie, pourquoy voudriõs-nous priuer les cieux & tous fes flambeaux, qui font de fi
excellentes formes (au moins par deffus ces pierres & metaux) des proprietés occultes, attachées à
leur fubftãces, que nous appellons influẽces ? [D] Il femble vrayement que c'eft fans raifon de recoignoiftre
chafque forme doüée de fi excellentes qualités, & defpouiller la forme de ces flambeaux d'icelles
difons, difons pluftoft auec Ariftote, en recognoiffant la foibleffe des chofes celeftes, que tout ainfi que la chauue fouris
à la veuë trop debile pour voir & contempler la clarté du Soleil, que ainfi les yeux de noftre entendemẽt
font trop caffieux pour recognoiftre les vertus excellentes du ciel ! Que s'il eft vray (cõme dit Platon) que chafque
efpece d'animaux eft fauorifiée particulièrement de quelque aftre du ciel, d'où leur procederoit cefte
faueur , finon de quelque vertu fecrette de ceft aftre, qui fymbolize auec leur forme, & nature fecrette d'iceux animaux
? Quand on oppofera à ces donneurs de raifon, l'experience que lon a eu de tout temps, que l'oppofition des hautes,
& fignalées planetes : il arriue indubitablement (fi Dieu ne deftourne le coup) des grands changemens au monde,
comme guerre, pefte, famine, inondatiõs, changemẽs d'eftat, & des republiques, comme tres-bien ont remarqué
Ptolomée, Leupolde, & Alcabice, trois grãds mathematiciens. Que refpõdront
nos gẽs là deffus ? quelle caufe manifefte donneront-ils à ces changements ? Certes ie ne fçay,
& fi fuis bien affeuré, que par telles cõionctions cela eft aduenu, au grand eftonnement des plus fages
: comme lors que Saturne, | Iupiter & Mars s'affemblerent l'an mil' trois cens quarante cinq, & le vingt quatriefme
de Mars, au figne d'Aquarius, il nous produirent des effects finiftres & admirables, l'an quarante huict, deftruifant,
fi nous croyons aux hiftoires, prefque les trois quart du mõde, par peftifere poyfon. Guy de Chauliac, vn des premiers
medecins de fon temps, qui eftoit lors medecin du Pape Clement VI. eftant en ce temps là le fainct Siege Apoftolique
en Auignon, dict que ce fuft la plus grande mortalité qu'aye iamais attaqué les humains, & que la pefte
d'Hippocrate defcrit en fes Epidemies, ni celle qu'arriua anciennement du temps du Pape Gregoire, n'eftoit riẽ au
refpect de celle-là, pour autant qu'icelles eftoyent particulieres & regionales, & cefte-cy uniuerfelle.
C'eft vne hiftoire du tout efpouuantable qui ne peut eftre racontée fans grand'horreur, qui voudra, la peut lire
au lieu allegué, où il treuuera que les caufes de tels lamẽtables effects, font rapportées par
le mefme autheur, à la coniõction & vertu des fufdites planetes. L'an mil cinq cens vingt & quatre,
il arriua vne autre conionction, de ces trois fuperieures planetes, aux fignes des poiffons, qui denotoyẽt fi grãde
abõdance d'eau deuoir aduenir, que tous les Aftrologues d'Afie, d'Afrique, & de l'Europe, eftimoyent que ce deuoit
eftre vn autre deluge vniuerfel, occafion qui confeilla au Prefident Auriol de Thouloufe, quoy que fes amis [D2] luy
remonftraffent, ne fe fouenant plus des promeffes que Dieu fit à Noé, de faire vne arche pour fe fauuer en
ce temps là. Mais Dieu regiffant les aftres, ne permit telle affluence d'eau, qu'elles fubmergeaffent de nouueau
les humains ; toutesfois en effect de ces propriétés celeftes, qui ne furent du tout retranchées, cefte
année là plufieurs fources desbordarent, plufieurs riuieres verfarent, & plufieurs mers s'eftendirent
fort loin de fes limites : & le ciel iouant fon perfonnage, ietta fi grande quantité d'eau, qu'il eftonna beaucoup
de gens. Mais las ! nous pauures Frãçois, eftant encore tous cailleboutés du fang efpãché
par nos guerres ciuiles, tous vlcerés de pefte & tous deffechés de famine, ne nous fouuenons nous pas
de cefte grande conionction diametrale, qui arriua l'an mil cinq cens foixante deux de Saturne auec Iupiter ? occafion pour
laquelle, encore que ces effects n'arriuaffent fi toft apres : ce Prince
des Mathematiciens Noftradamus, efcriuit au Pape Pie IIII, qui regnoit pour lors, comme appert par le Diaire qu'il
fit en cefte mefme année, & l'affeuroit d'vn grand efchec, qu'il preuoyoit arriuer à l'Eglife ; qu'il
preueuft fagement, comme auffi menaçoit le Royaume de France, de tous les maux en general que nous auõs veu
arriuer defpuis, & Dieu veuille par fa grace (en nous conferuant noftre Prince) que nous en foyons entierement defliurez
; comme auffi des efuenemens defquels | les aftres nous menaffent de l'année mil fix cens &
fix : que fi telles incommodités, à tout le moins des maladies, nous fuffent arriuées par l'excés
des qualités premieres, qui doute qu'on n'euft trouué fon contraire, par l'excés d'autres qualités,
opposãt le chaud au froid, le fec à l'humide, &c. Mais rien moins fans aucun remede, tout à paffé
comme il auoit efté predict, & que les influẽces promettoyẽt, & note tres-biẽ le docte
Aueiga,
auec Fernel, que aux années contagiées par influences, les faifons font quelque fois plus regulieres, que
beaucoup d'autres où il n'y aura point de pefte. Ie fçay bien que plufieurs fe font trouués ennemis
iurés des mathematiques, combien qu'à la verité ils ne fuffent ignorans d'icelles, & qu'ils
recognuffent combien de profit on en pourroit tirer, fi elles eftoyẽt traictées ainfi qu'il faut, & principalement
celle qui predit par le mouuement des cieux, le changement de l'air; mais voyant que chafcun
s'empefchoit à predire, & que parmi vne infinité de predictions, il n'y en euft pas vne qui rencontraft,
à iufte occafion comme il leur fembloit, ils condamnerent pour l'abbus la fcience mefme. Voyla pourquoy ils en ont
efcrit contre, & à deffein, toutesfois fi on prẽd garde aux predictions des hommes mieux entẽdus,
on treuuera qu'on les reiette à tort, puis qu'elles font fi admirables, qu'elles rauiffent les efprits, & des
plus doctes, & des plus idiots ; les contraignant de croire, qu'il y a quelque [D3] chofe de diuin en elles. Hippocrate
au liure de aere, aequis & locis, ne dit-il pas que le medecin qui fera verfé à l'Aftrologie, predira
quelles maladies affligeront le peuple l'année future ? Je laiffe à part plufieurs hiftoires anciennes, d'où
nous en pourrions tirer une infinité d'exemples, me contentant de propofer feulement ce que nous auons veu de noftre
tẽps, foubs le nõ de du Billy, mais de quel homme parle-ie ? n'eftoit-il pas confumé en toutes les parties
de philofophie, medecin de fa profeffion, mathematicien meteorologique, non pas tant de fon
bon gré, que par la priere des Princes & des Rois ? Tel fut ce grand Noftradamus,
comme i'ay ia dit, les efcrits duquel nous lifons auec efpouuantement. Fœlix qui potuit rerum cognofcere caufas.
Mais la science me dira-on eft, des chofes vniuerfelles, non des particulieres, les predictions d'iceluy fe font entenduës
iufques aux plus baffes, rien n'empefche, puifque le ciel gouuerne en general le monde inferieur, & fes parties, le
ciel efmeut les elemens, les elemens, le corps de l'homme ; & le corps, la mafe du fang, & les efprits font agités
auec le fang, & noftre ame qui fuit fouuẽt le temperament du corps en fes actions, ne fera elle pas auffi efmeuë
auec eux ? Il eft facile aux medecins des Princes, de fçauoir de l'eftat à venir d'vne terre, par le moyen
de leur natiuités, outre que la phyfique faict grande ouuerture à la cognoiffance de leurs paffions, | d'où
dependent toutes les tempeftes qué y furuiennent, fi elles ne font moderées de la crainte de Dieu, & reprimées
de ieuneffe, par bonne education. Ie ne diray rien de ceft ancien philofophe Thales Milefius, lequel comme fut vn iour repris
d'vn fiẽ amy, de ce qu'il l'eftimoit trop contemplatif à l'Aftrologie, fcience qui ne le pouuoit enrichir,
à fon iugement . Il mõftra bien à celuy-là qu'il auoit bien le moyen de s'enrichir, par le moyen
de cefte fcience : car preuoyãt par la fcience des aftres, la cherté qu'il y aurait de l'huyle l'année
fuyuante, il vendit tout fon bien, & l'employa à l'achept de l'huile, & par cefte forte il s'enrichift :
car il arriua qu'il y euft telle cherté d'huile l'année fuyuante, qu'il le vendit ce qu'il voulut : Ariftote
homme de grande authorité nous fait foy de cela, tels nous ont failly, nous n'auons plus qui bandent leurs efprits
à vne fcience tant diuine, finon quelques ignorãs, qui pour affecter quelque profit aux libraires, font deshonneur
à l'Aftrologie, donnans par ce moyen occafion à plufieurs, de l'appeller mere d'impoftures. Au refte pour
conclure cecy, Dieu à donné ce pouuoir aux animaux bruts, de preuoir plufieurs chofes à venir, comme
l'Alcion de preuoir la tẽpefte. En aura-il defpouillé l'hõme qu'il a conftitué maiftre par deffus
eux : & qui eft doüé d'vn vray rayon de diuinité ? Que fi on s'abufe en telle prouidence, pource
que tout ce que nous fçauons eft pofterieur, [D4] à fa caufe, il ne faut pourtant eftimer que la fcience
foit vayne, autrement le laboureur augureroit mal, qui opineroit par les fleurs abondance des fruictsn & le medecin
vne crife en vne fiebure ardente, par vne grande rigueur ; les nauchers la tempefte, par l'eflancement des Daulphins dans
le port ; & le capitaine les ambufches, par quelque apparence, puis que le cõtraire peut arriuer, par l'implication
des caufes : les animaux ne font pas moins deceus en leur preuoyance : car bien que l'aduenement des hirondeles ameine auec
foy couftumierement en ce pays le Prin-temps, neantmoins, comme on dit, ver non una dies, non una
reducit hirundo, eftant quelquefois preuenuës du froid extreme qui les extermine : de mefme pouuons nous dire
de leur defpart fur la fin de l'Automne, que bien fouuent font precipitées en la mer par les pluyes. Or pour retourner
à mon droict fil, ie voudrois demãder à ceux qui n'adiouftent point de foy aux influences & puiffances
occultes du ciel, d'où vient que pour peu qu'vn homme foit bleffé à la tefte, eftant à Paris
il eft en grand danger de mort, où au contraire en ce pays on en void plufieurs enormemẽt bleffez, qui à
grãde peine feulement auront-ils la fiebure. Ie fçay bien qu'ils me diront incontinent que c'eft à
caufe du froid, qui eft tant ennemy des playes de tefte, lequel eft extreme à Paris, au refpect d'icy, qua'infi foit,
les playes font | tref-mauuaifes là, au respect de ce pays : mais ie leur oppofe, Malte, Naples, & plufieurs
autres lieux, ou il faict autant ou plus de chaud qu'icy, & cependant les playes de tefte y font auffi tref-mauuaifes
& mortelles. Tous les medecins curieux auec Galien, ne recoignoiffent-ils pas que ceux qui tombent malades lors que
la Lune eft in Ariete, ou Libra, auec les planetes falubres, que tels malades ne font point en danger de mort, & principalement
fi les mefmes planettes fe font rencontrez à la natiuité d'iceux ? & au contraire icelles maladies font
mortelles fi la Lune eft au Taureau, à l'Efcorpion, ou Aquarius, auec les planettes malignes ? mais par quelles qualitez
manifeftes fe font ces chofes ? Galen qui n'efpargnoit rien pour fe faire cognoiftre de vif & grand iugement, dict pour
toute raifon de ces effects qu'il cognoiffoit cela eftre veritablement par experience, & qu'il l'auoit premierement
appris des Egyptiens, & que fans s'enquerir plus auant, il le falloit croire ainfi, attendu que l'experience le faisoit
voir veritable : foit doncques affez parlé des influences quelles elles font, & que vrayement il y en a, &
retournons à noftre propofition, que l'Epilepfie eft caufée par influence en ce pays de Prouence. La verité
de cefte propofition fe monftrera en cefte façon, c'eft que ie prouueray que l'air eft caufe de cefte affection en
ce pays ; fecondement, qu'il ne peut faire cela que par certaine influence, pour la premie- [D5] re partie, ie la verifieray
par cefte raifon demonftratiue, c'eft puis que cefte maladie affecte principalement & plus particulieremẽt ce
clymat de Prouence que nul autre, il faut neceffairement que la caufe en foit auffi particuliere en ce clymat, & de
laquelle chafque particulier foit ainfi alteré, veu que par telle & femblable caufe font faictes les maladies.Or
l'air eft vne chofe laquelle feule eft capable de ces qualitez dictes, fçauoir commune à tout le pays, &
dequpy chafque particulier vfe, vueille-il ou non, & dequoy auffi neceffairement il eft alteré, on peut donc
conclure, que puis qu'il eft tel, & feul puiffant d'eftre tel, qu'indubitablement il eft caufe de l'Epilepfie en Prouence,
cela eft fi clair, que ne m'efforceray de le preuuer d'auantaige, car de dire que la maniere de viure, l'exercice, ou le
temperement des Prouençaux faffe cela, il n'eft pas vray femblable, parce que ces chofes font pluftoft particulieres
à chafque indiuidu, que communes à deux, ou trois feulement, car on en void peu qui viuent de mefme façon,
qui ayent mefme temperement, & moins qui s'exercent en mefme façon, cependant ce font les caufes des maladies
populaires, comme on peut colliger des efcris d'Hippocrate, & Galen. Quand au fecond point, il faut de neceffité
que l'air aye cefte qualité ennemie de noftre fanté, enclofe dedans foy, laquelle luy arriue, & y foit
entretenue par quelque chofe qui le contagie toufiours, & | en tout temps, comme cefte maladie eft toufiours, &
en tout temps commune aux habitants de ce pays. Or ne peut-il eftre que quelque influence, ce que ie verifie en cefte façon,
tout ce qui peut rendre l'air malin, vitieux, & propre à engendrer maladie, il faut que ce foit quelque
vapeur efleuée de la terre, des eaux, ou de quelque antre, cauerne, ou miniere, & autre telle corruption
de ça bas, ou bien que ce foit du propre degré & temperement de chaleur, froideur, humidité, ou
ficcité, que les Aftrologues deleguent à chaque degré d'eleuation, qu'on appelle vulgairement clymat,
qui luy eft communiqué par le cours ordinaire du Soleil : ou biẽ par certains afpects celeftes qui nous font
ainfi ennemis. Et outre ces trois caufes, il ne fe trouuera qu'vn air puiffe eftre malignement affecté, mais ce ne
peut eftre des deux premieres caufes, que l'air eft ainfi difpofé à faire cefte maladie : dõques de
neceffité, c'eft de la derniere, qui eft de l'influence, premieremẽt ce ne peut eftre des vapeurs efleuées
de la terre, eaux, &c. Car cela ne feroit fi vniuerfel, & n'arriueroit ainfi à tout le pays comme faict,
auroit ia failly, & ne feroit de fi longue durée, veu que telles caufes font tranfitoires & muables, &
par cõfequent leurs effects : car les vapeurs ne durẽt toufiours, & les eaux croupiffantes font fouuent
abfumées, ioinct à ce, que ceux qui feroient efloignez de telle caufe (comme
il eft tref-veritable qu'elle ne pourroit eftre par | tout le pays) auroyent leur air exempt de telle malignité,
mais ny ceux des valons, ny ceux des montagnes, ne font exempts de la furie de ce mal. Pour le fecond point, fi c'eftoit
de l'excez de la froideur, chaleur, ficcité, ou humidité, qui nous feuft communiquée par les aftres
felon noftre degré d'eleuation (comme de ces deux points celuy cy feroit le plus foutenable, parce que le cerueau
par telle qualité eftant intemperé & affoibli facilemẽt, il fouffriroit cefte maladie) lors que
par les faifons tel temperament fe changeroit comme il fait notoyrement quatre fois l'an, l'air ne feroit pour lors attaint
de cefte qualité, ennemie de noftre cerueau, mais pluftoft eftant changée en vn contraire, comme de l'Hyuer
en Efté, ou de l'Automne au Printẽps, tant s'en faut qu'il y euft pour lors des Epileptiques, que mefmes ils
deuroyent guerir. Comme par exemple, fi on prefuppofoit, qu'icy en Prouence par vn certain degré de chaleur, l'air
caufaft debilitation au cerueau, & par confequent l'Epilepfie, lors que ceft air ainfi chaud feroit changé, &
feroit refroidy comme en Hyuer, la caufe ceffant cefferoient auffi les effects, & ne verroit-on des Epileptiques que
lors que l'air auroit ces qualitez chaudes, & de mefme pourroit-on dire des autres temperatures : mais on void tout
au contraire, que foit l'hyuer, foit l'efté, face chaud, face froid, toufiours y à quantité
d'enfans Epileptiques. Donques nous conclurrons fort | bien que l'air ainfi qualifié, eft propre pour engendrer
l'Epilpefie par vne certaine vertu du Ciel à nous incognuë, que nous appellons influence : que fi tu trouues
quelques regiõs en mefme ligne, & mefme eleuatiõ que nous, & qui ne foient toutesfois fubiectes que
rarement à l'Epilpefie, ie te refpons, que nul agent ne peut rien pour fort qu'il foit, fans la difpofition du fubiect,
& que à ce ayde la nature du pays, & que le regime des habitans les rend ainfi difpofez, comme lors que la
canicule eft conioincte auec le Soleil, fa vertu n'engẽdre pas toufiours, ny par tout des fiebures continues, mais
en certaines années, & en certaines regions, felon que les corps fe trouuent difpofez.