Lundi 6 mai

C'est fini. Le vie peut reprendre son cours, un peu plus appréciable et douce - comme lorsqu'on vient de frôler un accident ou que l'on a sentit, tout près de soi, le souffle de la mort. Garder cette sensation constamment présente à l'esprit, c'est le plus difficile, mais c'est également la seule manière de faire en sorte que cela ne se reproduise pas, de ne pas avoir à revivre ça.

Mardi 7 mai

Contrôle des douanes en rentrant du travail hier soir. A côté, un chien accro à toutes les dopes reniflait la voiture d'un couple de jeunes. Ils m'ont laissée repartir sans me fouiller. Comment dois-je le prendre ?

Mercredi 8 mai

Grosse décompression à la base. A 15 heures, tout le monde était en train de faire la sieste, de glander sur la terrasse. Activité maximum : tourner des pages, changer de CD, allumer une cigarette. GFIV : Glandeurs Fainéants Inactifs Velléitaires.

Jeudi 9 mai

On peut toujours avancer qu'il s'agissait d'un cas de force majeure : faire barrage au fascisme. Le fait est que le GFIV est allé voter à droite - comme des millions d'autres pompiers volontaires chargés de réparer les conneries des politiciens. Pour des gens qui revendiquent une sensibilité anarchiste, c'est assez difficile à avaler. Pendant l'espace de quinze jours, le GFIV a été pro-Chirac. J'en connais qui ont bien rigolé de cette situation absurde.

Et si nous restions de droite, définitivement ? Après-tout, comme dit Bill, le plus difficile - le premier pas - est fait ...

Vendredi 10 mai

Je suis en retard ce matin. Pas le temps d'en dire plus : bonne journée à tous mes lecteurs !

Samedi 11 mai

Lonesome Pat a ressorti sa guitare électrique pourrie et il passe en revue des vieux blues (Honest I do, I'm a king bee, Baby what you want me to do). Le signe que les choses vont mieux et que l'orage est passé. Il fait un sacré boucan, mais j'éprouve du plaisir à l'entendre massacrer ces vieux standards en tapant du pied sur le plancher. Le vote néo-vichy, si agressif, est directement dirigé contre ce genre de choses - de bruyantes manifestations de vie.

Dimanche 12 mai

Je n'osais pas me relire. Et puis l'autre jour, suite à une erreur technique, j'ai dû mettre mon nez dans les archives pour opérer à des vérifications. J'ai commencé en haut d'une page et j'ai continué non stop jusqu'à la fin. J'ai découvert qu'il y avait une sorte de fil conducteur qui courait tout le long - Je le sens mais je serais incapable de le définir (Si quelqu'un pouvait m'éclairer à ce sujet...). Il y a aussi une forme de suspens soft : on se demande si tout cela ne va pas s'arrêter brutalement. Mais ça continue quoi qu'il arrive, malgré le 11 septembre, le choc du premier tour, et surtout en dépit de ces journées grises où il ne se passe rien de remarquable.

Lundi 13 mai

Parmi les petits plaisirs de la vie apparus dans le sillage des nouvelles technologies, il y a ceux que procurent les compilations maison. J'aime de plus en plus l'enchaînement aléatoire des morceaux sur la playlist de l'ordinateur. A chaque fois, une nouvelle B.O. pour un film imaginaire (Tortoise en générique, Swell et Sparklehorse pour les plans road movie, Jon Spencer pendant les scènes d'action).

Mardi 14 mai

Il existe un facteur dont on ne tient en général pas assez compte lorsqu'il s'agit d'éclairer les comportements de nos semblables : la mauvaise foi. Je veux parler de cette forme d'aveuglement qui consiste à se détourner de la réalité lorsqu'elle n'est pas conforme à l'idée que l'on se fait d'elle. Le déni du réel peut être le fait d'un individu - souhaitant, par exemple, échapper à ses responsabilités morales. Il peut également se manifester sous une forme collective. On rit facilement de la mauvaise foi des autres; on décèle plus difficilement celle que l'on s'est forgée soi-même.

Mercredi 15 mai

Ce soir, tout le monde devant la télé (c'est rare). Bill a scopé "Blue Velvet". This magic moment...

Jeudi 16 mai

Après avoir été donné pour mort, tué par le hip hop et l'électro, le rock fait un retour en force avec the Strokes, White Stripes et autres Hives. Il est aisé de dire qu'il en a toujours été ainsi : allez/retours cycliques; à chaque mort annoncée du rock, renaissance surprise - du type explosion punk. La différence, c'est que cette fois-ci nous avons vraiment cru qu'il ne s'en relèverait pas. Rock n' roll can never die - et nous avons eu tort d'en douter.

Vendredi 17 mai

Un motif d'engueulade avec Lonesome Pat. Il m'a enregistré des kilos de cassettes pour la voiture (j'ai déjà dit que je ne pouvais pas rouler avec seulement le bruit du moteur). Il y a mis tout son coeur, comme un DJ bossant les ambiances, les ruptures de rythme et tout, pour me faire découvrir des tas de trucs très bien. Seulement voilà, j'en revient toujours à la même cassette. Face A : Beck (Mutations), Face B : Ron Sexsmith (Whereabouts). C'est de ma faute à moi, si je ne m'en lasse pas ?

Samedi 18 mai

Quelques bonnes résolutions pour ce long week-end : ne pas regarder la télé, ne pas trop surfer, lectures et promenades en décors naturels.

Dimanche 19 mai

Il n'est pas si facile d'être oisif. On se lève parfois avec une vague liste de choses à faire. Mais cette liste reste floue, vous n'arrivez pas à préciser clairement en quoi consistent ces trucs si urgents qui devraient être traités là, tout de suite, au lieu de continuer à prendre un petit déjeuner à rallonge en lisant l'Anthologie de l'humour noir de Breton. Culpabilité, dirait le freudien. Possible. Toutefois, ce sentiment ne me précipite jamais dans l'action stupide et aveugle. Je résiste. Et ça passe.

Lundi 20 mai

Il y a ce week end, au village du GFIV, ce qu'on appelle dans la région une foire à tout. Tout le monde semble trouver normal - et même apprécier - les nuisances qui accompagnent cette manifestation populaire : voitures garées sur les trottoirs, impossibilité de circuler dans les rues étroites, badauds curieux, odeurs de fritures, bruit de l'animateur qui parle non-stop dans un micro, etc... Il me semble que les free-parties pourchassées par la loi entraînent moins de perturbations. Ce qu'on encourage d'un côté et ce qu'on interdit de l'autre donne une vision assez exacte de la société française, de plus en plus rétrograde et réactionnaire, repliée sur ses traditions pétainistes.

Mardi 21 mai

Je découvre le dernier Neil Young, Are ou passionate ?, et je le trouve plutôt bien. Je me suis fait avoir par les critiques qui ont accueilli ce disque avec une moue blasée. A cause d'eux, j'ai failli rater des chansons magnifiques comme Mr Disappointment ou Let's Roll. Les albums ratés de Neil Young (Time's fade away,On the Beach) sont plus attachants que les pseudos "classiques".

Mercredi 22 mai

J'aime cette période de l'année, incertaine, qui hésite entre souvenirs de l'hiver qui s'effacent et promesses de l'été à venir. J'aime les premières lectures au soleil lorsque l'air est encore chargé d'humidité. J'aime ce moment de l'entre-deux, où les choses n'ont pas encore complètement quitté leur état passé et n'ont pas encore tout-à-fait basculé dans le nouveau.

Jeudi 23 mai

Je ne suis pas bon juge en matière d'art sur internet car je n'ai pas la patience d'attendre l'affichage au-delà de trois minutes. Les écrans qui affichent "uploading" me donnent brutalement l'impression que je suis en train de gâcher ma vie. Ceci dit, je ne pense pas que le réseau ait permis le développement d'une forme d'art significative, directement issue de ce médium.. La chose nouvelle, et qui aurait fait rêver bien des artistes du XXème siècle, se situe du côté des espaces de communication du type forum et mail liste. C'est là que se passent les choses les plus intéressantes. Tout ça pour dire que l'ouverture des nombreux messages de la GFIV-Connection est une expérience très agréable - comme de retrouver tous les jours une bande d'amis dans le même café d'habitués.

Vendredi 24 mai

Je ne le sens pas, ce printemps. Au moins, on n'attrape pas de coups de soleil.

Samedi 25 mai

Certains jours, le monde semble plein de ressources inexplorées, de chef-d'œuvre à peine cachés et n'attendant que d'être découverts, de plaisirs mystérieux et inépuisables. D'autres jours, le monde semble se clore sur du connu, morne et terne, où l'ennui seul paraît avoir gain de cause. Cyclothymique ?

Dimanche 26 mai

J'aimerais tellement m'installer dehors au soleil ! Mais le jardin est tout détrempé par le pluie, ce matin.

 

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