Etude sur Dautry - Théophilanthropie de Saint-Simon
par Philippe Brindet
17/05/2008

Dans les Archives de Sciences Sociales des Religions, Année 1965, Volume 20, Numéro 1, p. 7 - 29, on lit un article de Jean Dautry, intitulé "Nouveau Christianisme ou Nouvelle Théophilanthropie ? Contribution à une sociologie religieuse de Saint-Simon"

Cet article assez sympathique en ce qu'il ne se cantonne pas à une analyse scientifique de l'histoire tout en ménageant une place importante à l'érudition, étonne aussi par son défaut d'objet. Il pose une question à laquelle indubitablement, la réponse de Dautry est négative. Mais, la plupart des informations qu'il donne présentent un intérêt étranger à cette question.

On peut extraire les informations suivantes :

1°) Saint-Simon va osciller toute sa vie entre un déisme conforme aux idées rationalistes du 18° siècle et un christianisme athée, même anti-théiste. "Le Dieu de Saint-Simon, quand il a recours a lui, n'est qu'une prosopopée." (Dautry, page 9)

2°) Pendant la période révolutionnaire, Saint-Simon a été proche des cultes révolutionnaires dans le mouvement jacobin de l'Etre Suprême. Sa concubine irlandaise a dûe figurer à Cambrai sur un char de la déesse Raison qui portait la mention suivante : "Mépris des prêtres et surveillance par le peuple !" (Dautry, page 15). On note qu'à cette époque, Saint-Simon était agité par les idées syncrétistes de Dupuy, l'auteur de l'"Origine de tous les cultes" et qu'il édite avec lui un jeu de cartes républicaines dont la "Dame de Coeur" est remplacée par une "Liberté de culte" coiffée du bonnet phrygien et portant la mention "Dieu seul" et qui réunit le Talmud, le Coran et l'Evangile "symboles des trois plus grandes religions" (Dautry p 16).

3°) Le saint-simonisme va à la fois se fonder sur les aspirations de la bourgeoisie juive, comme les amis de Saint-Simon, Elie Halévie et Rodrigues, et sur le racisme qui inspirera plus tard le mouvement colonialiste de la Troisième République.

4°) On n'a trouvé aucune trace positive de la présence de Saint-Simon dans l'établissement de la théophilanthropie en 1797. Mais en 1802, fondant une "religion de Newton" dans les "Lettres d'un habitant de Genève à ses contemporains", il utilise "un patron" très proche de la théophilanthropie et du culte décadaire (Dautry, p 17).

5°) La religion de Saint-Simon est une religion censitaire qui fait dépendre le salut du montant de la souscription à la Société de Newton ... Elle est particulièrement raciste : "Apprends que les Européens sont les enfants d'Abel ; apprends que l'Asie et l'Afrique sont habitées par la postérité de Caïn. Vois comme ces Africains sont sanguinaires, remarque l'indolence des Asiatiques ; ...." (Dautry, p 21).

6°) Saint-Simon inspirerait la maxime de Vichy : "Travail, famille, patrie" (voir Dautry, p. 7 : "Je propose de substituer le principe suivant au principe du christianisme : l'homme doit travailler. Le homme le plus heureux est celui qui travaille. La famille la plus heureuse est celle dont tous les membres emploient utilement leur temps. La nation la plus heureuse est celle dans laquelle il y a le moins de désoeuvrés."