Le catholicisme jacobin en vacances.
Philippe Brindet
20 juillet 2008

Après une époque de clergé démocrate, clergé tant décrié par les intégristes de droite, nous sommes insidieusement passés à une période de clergé jacobin.

Le curé démocrate du passé déduisait du devoir d'amour pour tous les hommes, dogmatiquement défini par le Concile Vatican II, que la démocratie était le meilleur des régimes politiques et que l'Eglise devait s'en inspirer sans aucune réserve. C'était à la fois très vague (quelle démocratie ? les curés démocrates devaient préciser qu'il s'agissait d'une démocratie de type marxiste, mais ils devaient tirer sur la description peu convaincante d'un communisme primitif décrit dans quatre versets des Actes des Apôtres, ce qui est peu) et très précis, parce que sans citer aucun passage des Constitutions concilaires, la référence au "Concile" marquait simplement le fait qu'il existait une Eglise révolue d'avant et une Eglise démocrate d'après. C'était simplement donner raison à Loisy, Montalembert, Grégoire et Talleyrand. Un tout petit peu décevant ...

Aujourd'hui, le curé jacobin s'est construit par une lente maturation et suit l'évolution de la plupart des intellectuels de gauche, en France au moins. On retrouve la même évolution chez les anciens communistes des pays du Bloc soviétique. Orphelins des marxisme-léninismes de type soviétique ou de type chinois, ils sont retournés aux sources : le jacobinisme terroriste de 1793, opposé au constitutionalisme bourgeois libéral de 1789. Parmi les intellectuels théoriciens de ce retour à Robespierre et Saint-Just, on citera le français Alain Badiou, et en Yougoslavie, Lazlo Ziszeck, ce dernier résident en France. Pour trouver des illustrations du curé jacobin, on pourra se référer à trois publications : Témoignage Chrétien, Golias et Le Parvis.

Dans une homélie du Dimanche 20 juillet dans une église baroque de Haute-Savoie, on pouvait entendre du curé jacobin de service l'affirmation suivante :
"Le Royaume des cieux, c'est ce vieux rêve d'égalité, de liberté et de fraternité pour tous les hommes parce qu'ils sont aimés par le Christ."
S'y ajoutait un appel "vibrant" à renoncer aux exclusions, aux accusations vaines puisque nous sommes tous des frères libres et égaux. Catholiques de tous les pays, taisez-vous, ne contestez pas votre curé, circulez.

Notons que l'affirmation sur le Royaume des Cieux se lit à l'identique chez Lacordaire et chez Renan au XIX° siècle. Elle se lisait, plus dramatiquement chez les curés jureurs de 1793 comme Joseph Lebon, le bourreau d'Arras. Il s'agit d'une constante bicentenaire dans le clergé catholique : il suffit d'éradiquer ceux qui sont moins frères que les autres, les fameux ennemis du peuple, pour que les survivants soient tous des frères libres et égaux. Et des frères, il y en aura toujours assez.

On se pose la question de savoir comment de telles balivernes peuvent-elles être prononcées devant deux cent personnes, membres de la bourgeoisie moyenne supérieure, passant ses vacances avec un budget hebdomadaire moyen supérieur à deux fois le SMIC mensuel. Parmi ces deux cent personnes, se trouvaient un nombre important, supérieur au tiers, de vieillards ayant dépassé soixante-dix ans, rescapés de la Seconde Guerre mondiale ..., mais aussi une dizaine d'enfants en bas âge. Aucun jeune entre 12 et 30 ans. Absents, éradiqués, avortés ...

Revenons sur le terme de balivernes utilisé pour qualifier le sermon du curé jacobin. Balivernes parce qu'aucun individu ayant acquis un niveau de connaissances, même élémentaires, ne peut prendre au sérieux une "religion" jacobine. Ces bigoteries d'assassin devraient faire horreur à toute personne de bon sens. Et pourtant, il n'en est rien. L'auteur de ces lignes est le seul à être sorti pour terminer la séance en perfusion sur la terrasse d'une brasserie voisine. Et pour jouir du spectacle de deux cent catholiques se ruant à la sortie pour faire la queue chez le pâtissier voisin. Comme si de rien n'était depuis deux siècles. Pendant que je crevais de colère et de honte.

Balivernes quand le jacobinisme est en cause ?

Le jacobinisme présente deux dangers : l'Etat et la guillotine. Tant qu'on ne rapproche pas ces deux horreurs l'une de l'autre, le jacobinisme est une ridicule élucubration de malades pervers. Par ailleurs, il faut souligner une différence essentielle entre le démocratisme, plutôt "libéral", du jacobinisme terroriste. Le démocrate et le jacobin invoquent tous deux un "dieu trine", aux noms de la Liberté, de l'Egalité et de la Fraternité. Mais, le démocrate réserve cette infernale trinité à un "Homme" purement théorique. Dans la pratique, le démocrate est pour la propriété privée, la "récompense" des mérites. Bref en un mot, pour l'oppression des classes inférieures par l'élite et les possédants. Le fait que les deux tiers de la population en France se trouvent en économie de survivance l'indiffère absolument. Le bon démocrate se trouve, lui, dans le bon troisième tiers. Par contre, le tsunami à vingt mille kilomètres de chez lui l'meuvent au plus haut point.

A la différence du démocrate, le jacobin est un homme pratique qui s'encombre peu de théorie, sauf dans la phase, que l'on souhaite aussi longue et prolongée que possible, de la verbalisation de son fantasme. Pendant cette phase de verbalisation, il lui est très facile de se cacher dans le démocratisme du passé. Mais, l'Histoire montre que le jacobin a une visée pratique extrêmement précise : éliminer les ennemis de la liberté selon le vieux principe "pas de liberté pour les ennemis de la liberté". Lorsque le jacobinisme rencontre l'Etat et la guillotine, le sang coule à flots.

Les "braves" paroissiens en vacances du vicaire savoyard de service ne liront bien entendu jamais ces lignes. Mais ils seraient bien étonnés de ce qu'ils qualifieraient d'outrances. L'homme à qui ses paroles valent ce vengeur commentaire était un homme de plus de soixante ans aux cheveux gris, lunettes, avec cet air de plaisir et de contentement de soi qui exige une longue méditation sur ses propres mérites. Une nourriture saine, des plaisirs simples et voilà le curé jacobin parfait. Le curé jacobin est toujours environné d'accortes quinquagénaires, aux petits soins pour lui, à sa dévotion pourrait-on dire si on ne se méprenait pas sur le terme. Il n'aura jamais cet air de chat qui boit du vinaigre que Pétion disait de Robespierre. En un mot, le curé jacobin est un brave homme qui ressemble à ses paroissiens, ravis de lui serrer la main à l'entrée et à la sortie du lieu où il a officié.

Plus encore, le curé jacobin n'utilise que des images que les paroissiens ont ingérées à la messe, à la télévision, à la radio. Le sermon du curé, le paroissien l'a déjà lu cent fois dans les journaux et les revues de la grosse presse. Le paroissien n'a jamais rien lu d'autre, ne connaît rien d'autre. Si par "malheur", le discours chrétien authentique lui tombe sous les yeux, il ne voit aucune différence avec le discours jacobin ambiant parce que le paroissien n'a pas les moyens intellectuels de déceler la déviation des idées de cette doctrine qu'a opéré le curé jacobin.

C'est là la très grande faiblesse de l'enseignement en "paraboles" qui est le fond du Nouveau Testament et donc du christianisme. La parabole se retourne.

Pire encore. En droit, la parabole ne se sépare pas de tout un environnement biblique et catéchétique. Or, l'application satanique du Concile Vatican II a éliminé l'enseignement de la science sacrée même aux plus observants des paroissiens. Par exemple, l'immense majorité des catholiques est persuadée que tous les hommes sont "fils de Dieu", alors que le Concile Vatican II, à la suite de la Tradition de l'Eglise, affirme que sont "fils de Dieu" les seuls baptisés. Les chrétiens sont, dans leur immense majorité, persuadés que tout homme peut atteindre le Ciel, alors que dans les textes mêmes de Vatican II, seuls les communiants ont part à la Vie Eternelle.

Un fois coupé des racines de connaissance, le paroissien est une proie facile pour le curé jacobin qui utilise alors toutes les ressources que la société met à sa disposition pour pervertir la science chrétien.

Ainsi, lors du même office, le curé jacobin a récité une "Préface" de fantaisie qui rejette la guerre et les ennemis de la paix. On se serait cru à la Conférence mondiale pour la Paix de 1949 à Wroclav.

Il n'est plus possible d'imaginer une transformation de l'Eglise qui ne passe par l'élimination du clergé français. Les jeunes prêtres, sélectionnés par ce clergé moribond, sauront-ils se révolter contre leurs maîtres déments ?