Les tendances thermidoriennes de la République française
Philippe Brindet
3 décembre 2008


Plusieurs affaires récentes, et même en cours de développement, rappellent aux Français un passé à la fois honteux et terrible. En 1793, une faction avait pris le pouvoir en France et y faisait régner un climat de terreur dans le but prétendument humaniste de promouvoir la vertu.

Un ancêtre du discours contemporain sur les valeurs de la République.

Selon toutes vraisemblances, les agents de l'Etat sont profondément inspirés par cette doctrine. Les affaires récentes montrent que ces agents appliquent les procédures de sorte que le peuple ressente un contrôle complet, réputé "sécurisant".

Ainsi, les honnêtes gens applaudissent aux violences spectaculaires de l'arrestation au petit matin d'un journaliste assez "fou" pour ne pas déférer à la troisième convocation d'un juge d'instruction.

Les mêmes honnêtes gens applaudissent à l'incarcération sans jugement d'une tribu de néo-ruraux en possession d'un matériel d'escalade et d'un exemplaire d'une brochure de philosophie "situationiste", dont deux membres auraient été vus cachant un plan usagé des voies de chemin de fer dans une poubelle.

De même, tout le monde du meilleur des mondes applaudit quand une escouade de gendarmerie avec chiens policiers débarquent à grands coups de godillots et forces aboiements dans un collège pour fouiller vêtements et cartables de gosses de treize ans.

Des affaires comme celles-là, il en est connu de nouvelles tous les jours. Toutes tendent à imprimer dans l'esprit public deux choses.

La première chose maintenant bien acquise est que l'Etat veille paternellement sur la sécurité des assujettis. Ces derniers en sont absolument ravis et, par catégories sociales, demandent toujours plus de contrôles, d'internements et d'éliminations de prétendus déviants. Un jour ce sont les "pédophiles" pour lesquel les mères de famille exigent les peines les plus infâmantes. Le lendemain, ce sont les "schizophrènes", qui devraient être enfermés jusqu'à ce que mort s'en suive. On pourrait multiplier les exemples à chaque lobby ou association de victimes, d'usagers, de consommateurs qui se fixe une catégorie adverse à haïr et que l'Etat est sommé d'éliminer au nom des "valeurs de la République".

En échange, l'Etat-qui-nous-veut-du-bien s'est aperçu, il y a déjà longtemps, que sont les honnêtes gens qu'il doit terroriser et pas les malfrats, qui se moquent bien de l'appareil d'Etat. Par contre, terroriser le bourgeois, voilà une tâche tellement facile. Vous arrêtez un pauvre ahuri à six heures le matin, en faisant le plus de bruit possible pour que les voisins, presque aussi terrorisés que lui, entendent tout, cachés derrière les rideaux clos. Vous le gardez dans un trou à rat pendant vingt-quatre ou quarante-huit heures. Vous en faîtes ce que vous voulez. Puis, si vous n'avez rien de pire à lui faire subir, vous le relâchez. Il rentre chez lui, penaud. Personne, et lui le dernier, ne parlera plus jamais de cet internement arbitraire. Les voisins penseront les pires choses de lui et se mettront seulement à le surveiller à tout hasard. Ils feront leur profit de cette salutaire leçon.

S'il existe quelques politiciens, des ministres manipulés par leur Cabinet, acquis au jacobinisme, il semble que ce soit la classe de la haute fonction publique, caste ayant entièrement investie la direction des ministères, qui soit acquise à ce terrorisme d'Etat sur lequel elle fonde son empire incontesté et croissant depuis deux siècles.

Il serait temps que les vrais politicens exercent leur pouvoir de contrôle de l'Administration et de ses effarants abus de pouvoir. Justice, Police, Fisc, Education. Quatre chantiers pour une rénovation profonde par élimination du terrorisme d'Etat.

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