Le républicanisme d'un cardinal
Philippe Brindet
18 décembre 2008




On rappelle qu'un cardinal est, de nos jours, un ecclésiastique de haut rang, membre de l'Eglise catholique romaine, et membre de l'assemblée qui, à la fois, fournit le successeur du Pape actuel, et participe au vote lors de son élection. Enfin, le cardinal est nommé par le Pape. Il est souvent un évêque en charge d'un diocèse.

Et c'est là, semble-t'il, l'origine de la question. En effet, en tant que "papabile" et en tant qu'"électeur", la question du républicanisme d'un cardinal est assez terne. Par contre, quand le cardinal est aussi responsable d'un diocèse, dans un pays comme la France, la question de son républicanisme prend une autre couleur.

Un "Colloque" avait été convoqué sur cette question au sujet du défunt Cardinal Lustiger. Selon toutes vraisemblances, le colloque, qui a réuni des personnalités politiques éminentes, s'est limité à chercher les vertus républicaines du défunt. Et, semble-t'il, la recherche a satisfait les désirs des participants.

Les quelques rapports de ce colloque parus dans la presse ne m'ont pourtant pas édifié sur cette question.

Il semble que deux faits fondent le républicanisme du cardinal défunt. Selon un ancien secrétaire personnel du défunt, le cardinal défunt fut un élève de l'enseignement public. On a trouvé plus digne de dire qu'il en était même le "fils", ce qui est bien grandiloquent pour la petite chose dont il s'agit. Enfin, un premier ministre à la retraite s'amusait de la virulence du cardinal lorsqu'il entrait dans son bureau.

Cette virulence dite posthumement est une simple copie du verbiage produit autour des décès de deux icônes médiatiques dont on disait la même chose à l'égard des "puissants", l'abbé Pierre et la soeur Emmanuelle.

Si le républicanisme d'un ecclésiastique se mesurait à l'aune de son impertinence à l'égard des puissants, on ne serait pas bien exigeant. D'autant qu'il semble qu'on n'ait rien trouvé de mieux au sujet du républicanisme du défunt.

Or, le "cardinal républicain" du Colloque se trouve être le successeur d'un évêque constitutionnel, Gobel, dont on peut rappeler que, le 6 novembre 1793, il abjura le catholicisme et offrit sa cathédrale pour la représentation d'un spectacle véritablement républicain offert à la déesse Raison, avec participation de l'Opéra de Paris et de la musique de Gossec. Cette manifestation eut lieu le 7 novembre dans la cathédrale sous la présidence de l'Anacréon de la guillotine, Chaumette, et fut répétée le 9 avec procession. La déesse Raison, jouée par Mademoiselle Maillard, premier sujet de l'Opéra, fut ensuite reçue à la Convention. L'ecclésiastique "républicain" Gobel fut guillotiné quelques mois plus tard et sa cathédrale servit d'entrepôt.

Si certains voulaient donc exiger une véritable manifestation de républicanisme de la part d'un cardinal, l'Histoire pourrait les inspirer très rapidement.

Du coup, on se demande ce que cherche l'organisation qui a tenu ce Colloque au Collège des Bernardins de décembre 2008. Cherche-t'elle à revenir au temps de la République révolutionnaire ?

On se souviendra que la Constitution civile du Clergé de 1792, qui institua l'"ecclésiastique républicain" auquel malheureusement le Colloque sur le "cardinal républicain" semble ne pas s'être intéressé, exécuta un redécoupage des diocèses de France de façon à les faire correspondre aux départements de la France républicaine.

L'organisation qui a tenu ce Colloque au Collège des Bernardins a sollicité (*) du Siège Apostolique la restructuration des provinces ecclésiastiques en France, de sorte que, dans la mesure du possible, elles coïncident avec les régions administratives civiles.

Le Souverain Pontife Jean Paul II a décidé d’accéder à la demande qui lui était présentée.

Le Cardinal Lustiger était Président honoraire de la CEF. Voilà donc un véritable brevet de républicanisme : appliquer l'esprit d'une Constitution républicaine, vieille de deux siècles. Serait-elle encore en vigueur ?

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