Comment Dieu peut il laisser exister une pareille misère ?
Philippe Brindet
19 décembre 2008




Je regardai l'année se terminer. Et je me demandai à nouveau toutes les belles choses que Dieu a voulu que nous puissions contempler. Les belles actions de nos voisins, la lutte quotidienne pour se perfectionner. Les choses du monde naturel qu'il nous a été donné de voir.

Mais, alors que je voulais louer Dieu de sa Providence, des voix autour de moi s'époumonnaient pour hurler de frayeur, de dégoût et de révolte. "Une année de plus pour toutes ces catastrophes, ces guerres injustes, ces assassinats terrifiants. Tous ces pauvres qui s'enfoncent dans la crise économique encore un peu plus, avec leurs peurs pour le pain du lendemain."

Et j'entendai l'histoire de tel homme politique américain, immigré vietnamien, élevé au Mexique, qui rentre au séminaire des Jésuites de Mexico et qui, un beau jour de ses vingt ans, se révolte contre la misère. Il abandonne la vie religieuse, traverse la frontière vers le Nord et s'installe en Floride. Il se retrousse les manches, devient avocat des pauvres. Et finalement, il est élu député de la Louisiane. En vingt ans. Ceux qui rapportaient cette histoire, la qualifiait de "success story".

Je n'ai rien dit.

Il ne faut jamais rien dire. Et baisser la tête.

Et pourtant, nous savons pourquoi.

o o o


Je me souviens de cet été. Quelques personnes discutaient tranquillement sur une terrasse de bar au bord de mer. Et ces personnes évoquaient les pauvres, sans argent, incapables de venir profiter du bon air de la mer. "La vie valait elle encore d'être vécue ? Leur vie était-elle encore digne ? Après tout, quand la vie est indigne, certains exigent qu'on les achève."

Non. Là c'est trop d'indécence !

Alors ? Pourquoi ne pas s'en prendre à Dieu qui "laisse les pauvres sans accès au bon air de la mer !"

o o o


Il me revient un autre souvenir. En cette fin d'année, une vedette de je ne sais trop quoi, chanson, cinéma, politique, avait été saisie d'une "fièvre acheteuse". Pendant quarante minutes, à Sidney où elle était en visite, elle aurait acheté pour 5.765 dollars de produits de luxe. "Quelle honte !", ont grondé les braves gens à demi morts d'envie.

Mais ce n'était sûrement pas le moralisme qui dressait ces redresseurs de tort, gavés de foie gras et de cadeaux imbéciles, de Noël ou de je ne sais trop quoi. C'était de l'envie qu'ils ressentaient. Et une envie dévorante qui dissout le sens critique et le discernement. Et cette envie de posséder la richesse de gens plus riches que nous, me rappelait quelque chose.

D'un coup, il me semblait que l'accusation de l'indignité de la vie miséreuse était l'exacte symétrie de cette envie dévorante qui nous fait maudire la richesse de ceux qui sont "mieux" que nous.

o o o


Mais et Dieu, dans tout çà ? Comment Le mettre en cause ? Pourquoi Le mettre en cause dans ces piteux sentiments humains de pitié condescendante et d'envie dévorante ?

Combien de "grandes" consciences de l'humanité, les misérables, se sont révoltées ainsi. "Plus jamais la misère ! Plus de pauvres ! Plus de souffrances ! Et toi dieu, je te maudis ! Parce que s'il y avait un dieu, il ne pourrait admettre çà. Comme çà existe, alors tu n'existes pas. Je te néantise ! Et moi, moi, qui suis parfait, je prends ta place. Je vais faire le bien. Lutter contre la misère, la maladie et la pauvreté, le racisme et l'exclusion ! Moi ! Moi ! Moi seul ! "

Pantins grotesques !

o o o


Le christianisme est d'abord une Histoire. L'Histoire de la Révélation de l'action de Dieu dans le Monde qu'Il veut restaurer depuis la Chute qui nous transfère d'une société divine, dans laquelle nous vivions aux premiers temps de l'humanité, à une société terrestre, entièrement soumise au règne physique de la mort. Toute vie humaine comme toute vie animale va vers son terme.

Et la souffrance de l'homme sans Dieu n'est pas différente de celle de l'animal. Et le chrétien ne se distingue en rien de l'homme sans Dieu. Aussi la souffrance n'est pas imposée par Dieu comme une "prétendue juste punition" du péché originel. La souffrance s'est imposée par la seule volonté de l'humanité qui a refusé de rester à la place que Dieu lui offrait en miroir de son Amour divin pour faire en sorte que l'homme, chaque homme, soit réellement l'image de Dieu. A cause de la cruelle tentation de Satan, pensant "être comme Dieu", l'homme s'est rangé dans le règne animal dont il était le couronnement, le sommet, l'achèvement. Naturellement, il est devenu soumis à la souffrance, à la misère et à la mort, non pas à cause d'une "punition divine", mais parce que cette souffrance, cette misère et cette mort sont le lot de toute créature vivante dans le monde créé.

o o o


Après une Première Alliance dans laquelle Dieu proposait à l'homme d'adhérer à sa Loi pour établir un règne de Dieu sur la Terre, parmi les hommes qui se rallient à cette Loi, Dieu a concédé à l'hommme, à tout homme une Seconde Alliance qui, sans annuler la Première Alliance, accomplit, parachève, la Première Alliance.

Dans la Première Alliance, l'homme reste un homme mortel. A sa mort, l'homme attend le Jugement des Vivants, justifié qu'il est par la Loi.

Dans la Seconde Alliance, l'homme qui reconnaît que Jésus est Dieu, le Fils de Dieu, possède, après sa mort par la Loi, l'espérance d'être associé à la vie divine par la Résurrection du Christ lors du Jugement des Vivants.

o o o


La misère humaine provient de la seule volonté de l'homme, de chaque homme et de tous les hommes. Dieu n'en a pris aucune initiative. Mais cette souffrance de l'homme est décuplée par rapport à la souffrance naturelle de la vie animale, à cause de l'Appel à la Sainteté que Dieu envoie à tout homme.

Aussi, le chrétien craint autant que tout homme la misère et la souffrance. Autant et plus que tout homme, il entend lutter pour réduire l'emprise mauvaise de la souffrance sur l'aspiration de chaque homme à la vie de Sainteté en Dieu, offerte dès ici bas.

Mais, cette misère, cette souffrance, rappelle tous les jours au chrétien le Don merveilleux de Dieu à l'homme, à tout homme, de devenir le frère de Jésus Resuscité, Rédempteur de l'humanité. Cette Rédemption, faite une fois pour toutes par le Jésus historique, mort et ressuscité sous le règne de l'empereur romain Tibère, fait de chacun de nous le frère de Jésus Sauveur, lorsque nous reconnaissons qu'Il est Dieu.

Mais Dieu ne s'impose à aucun de nous. Notre liberté de Le reconnaître dans Jésus Sauveur est entière. Et beaucoup d'entre nous refusent de confesser qu'Il est le Seigneur Dieu. Ils sont alors conduits à nier la souffrance ou à nier Dieu.

* * *