Pourquoi la consommation ne peut pas relancer la croissance.
Philippe Brindet
12 janvier 2009, révisé le 17 novembre 2010


La question de savoir si la croissance peut être relancée ou non par la consommation peut facilement devenir une vraie "fausse-question". Mais, dans le contexte de la crise historique initiée lors de l'année 2008, on peut penser qu'il s'agit d'une vraie question, et que sa réponse est parfaitement négative.

La croissance

La croissance dont on parle communément est celle du PIB, du Produit Intérieur Brut. Le PIB est obtenu par l'addition de toutes les valeurs ajoutées, en se basant sur les résultats fournis par les entreprises, et les administrations publiques. La valeur ajoutée de l'ensemble des biens, produits ou services, publiques ou privées, est déterminée par la relation simple :
Valeur Ajoutée = Valeur des biens produits - Valeur des productions intermédiaires à la production des biens + Marge commerciale entre ventes et achats pour les biens revendus en l'état
La richesse d'un pays ou de toute entité économique est assez mal représentée par la valeur absolue de son PIB. Aussi, on préfère dire que la richesse s'améliore si le PIB augmente et se détériore si le PIB diminue. L'idée fixe des politiciens est de se ménager une raison d'être ré-élus. A cette fin, ils pensent que l'élévation du niveau de vie de la majorité de leurs électeurs les incitera à les maintenir dans leur poste. Et cette élévation de leur niveau de vie est menacée par la démographie quand la population augmente. Le plus sûr est alors que les revenus augmentent, donc que le PIB augmente.

Le rôle de la consommation

La question de savoir si la consommation peut relancer ou non la croissance, mesurée par l'augmentation du PIB, remonte à l'idée de l'opposition entre consommation et production. Cette idée est renforcée par le fait que la consommation des produits finaux n'est pas apparente dans l'expression algébrique du PIB. Mais, du fait que la plupart des agents économiques transforment seulement des biens, sans en créer de nouveaux, la plupart des agents économiques producteurs sont aussi consommateurs. Et beaucoup d'entre eux sont des consommateurs de produits finaux et peu de produits intermédiaires au sens de la valeur ajoutée.

Lorsque la production d'un agent est très largement excédentaire de sa consommation, on pourra admettre que l'agent économique est plutôt un producteur, ou plutôt un consommateur dans le cas réciproque.

Mais, tout nous montre que production générale et consommation finale sont deux grandeurs dépendantes. On se retrouve dans le cercle logique de savoir de l'oeuf et de la poule lequel sort de l'autre. Les économistes tranchent implicitement en affirmant que la production est commandée par la consommation, en affirmant que l'offre est provoquée par la demande.

C'est l'une des raisons pour lesquelles un grand nombre d'économistes politiciens, ou de politiciens économistes, pensent à tort que la stimulation de la consommation assure par nature la croissance du PIB. Pour parvenir à rejeter le dogme keynesien de la relance de l'économie par la consommation, on peut formuler le raisonnement suivant.

Contre les politiques keynésiennes

La situation économique est tenue pour mauvaise ou médiocre. C'est à tout le moins la situation d'aujourd'hui. Pour qu'elle soit bonne, il faudrait que la production soit plus importante. Mais les producteurs nous informent que leurs marchés sont saturés et qu'ils ne peuvent trouver de nouveaux débouchés. Il n'est donc plus question de leur demander de baisser leurs prix, d'autrant plus que l'autorité qui demande une baisse des prix, est celle qui fixe l'impôt, et particulièrement, l'impôt sur la Valeur Ajoutée, qui se réduit si les prix de vente des biens finaux baissent plus vite que le prix d'achat des biens intermédiaires. L'Etat ne peut laisser les entreprises baisser la valeur ajoutée.

La solution est limpide pour l'Etat et ses nervis. Quand l'Etat a besoin d'argent, il lui suffit de créer un impôt nouveau ou d'augmenter un taux déjà existant. L'assujetti paiera. L'idée pour résoudre la crise économique est exactement la même. Qui est l'"asujetti" du secteur productif ? Le consommateur. Le secteur productif a besoin d'argent ? Il n'y a qu'à obliger les consommateurs à acheter plus, de la même façon que le contribuable est astreint à la hausse permanente de l'impôt.

Mais, cette prétendue solution au problème est invalidée à cause de deux faits concurrents.

Les producteurs sont essentiellement des consommateurs

On a déjà dit que la plupart des producteurs étaient eux-même des consommateurs. Ainsi en est-il des salariés qui sont aussi bien producteurs que consommateurs. Ils financent la plus grande part de leur consommation par leur production. Et la situation est la même pour tous les agents producteurs, personnes physiques, qui tirent leur revenu de leur travail, professions libérales, artisans, commerçants. Le fait que certains d'entre eux soient constitués en sociétés, commerciales ou non, ne doit pas entraîner une dissimulation de la réalité. Ainsi, la plupart des entreprises dont les dépenses, ou charges hors impôts, dépassent un certain seuil, mettons la moitié des dépenses, en charges de personnel notamment, sont en réalité des consommateurs. Leur consommation ne peut provenir que de leur production. Stimuler leur consommation est dans la conjoncture économique adverse un voeu pieux.

Le crédit n'est pas la même chose selon les circonstances

L'autre fait concurrent est que l'argent de la consommation est ou bien plus vieux que celui de la production, pour la consommation des biens intermédiaires, ou bien futur pour la consommation des biens finaux.

Lorsque les consommateurs sont aussi des producteurs, ce qui est le cas général ainsi qu'on l'a affirmé plus haut, l'argent de leur consommation n'existe pas encore.

Il existe alors deux solutions : celle du crédit à la consommation et celle de l'orientation de l'épargne vers la consommation.

Le crédit à la consommation a eu son heure de gloire. Mais, il a aujourd'hui révélé ses limites par deux faits récents :
- la perception du danger provoqué par un endettement excessif des Etats et des grandes entreprises ;
- la mise en faillite des institutions de "crédit idiot", lors de la crise des "subprimes".
De toute façon, le crédit à la consommation n'est jamais qu'une stratégie d'orientation de l'épargne des producteurs. Or, si les producteurs n'ont plus d'argent, ils n'ont plus d'épargne non plus. Il en résulte que la relance de la consommation par le crédit est illusoire. Ou alors, les producteurs ne sont pas en crise et on a fait l'hypothèse contraire !

L'autre solution est celle de l'orientation forcée de l'épargne vers la consommation. Les contrôleurs de l'économie se disent que, de toutes façons, il y a toujours quelqu'un pour avoir de l'argent ! Ou alors la vie de contrôleur de l'économie n'a plus d'intérêt et autant se suicider tout de suite.

Or, parmi les contrôleurs de l'économie, le plus important d'entre eux, l'Etat, sait que la psychologie primaire des contribuables est toujours la même. Les contribuables les plus miséreux gardent toujours un petit quelque chose. Quand "ça ne va pas bien", le rôle de l'Etat est justement d'aller le leur prendre quand il en a besoin. Et l'Etat a toujours besoin ...

Et la méthode Coué a toujours ses adeptes. L'idée de la relance de la croissance par la consommation se fonde sur la croyance en l'existence de ce "petit quelque chose" qui manque justement à la consommation. Débloquer le frein du consommateur à donner ce "petit quelque chose" serait donc le fin du fin de l'art économique qui, chacun le sait, est grand.

Malheureusement, le problème du consommateur est qu'il vit à crédit, et de toutes façons, au-dessus de ses moyens depuis plus de trente ans. L'Etat a lui-même fabriqué de la dette pour des raisons idéologiques. Les entreprises ont suivi, parce que, en France elles sont dirigées par les fonctionnaires des impôts qui ont imposé cette idéologie. Les particuliers des années 60 sont parvenus dans les années 2000 à l'âge de la retraite en tirant une traite sur le travail de leurs enfants et de leurs petits-enfants.

La mondialisation change le monde économique de manière catastrophique

Dans le même temps, des huluberlus, généralement enfants de fonctionnaires d'Etat, ont imaginé une économie mondialisée. Cette idée très compliquée a un effet très simple. Elle tend à aligner les revenus d'un consommateur moyen d'une zone économique développée sur ceux d'un consommateur moyen d'une zone économique pauvre.

Dès les années 60, cette tendance était indiquée par Jean Fourastié qui notait la baisse continue des revenus du travail, revenus évalués en produits divers de consommation, comme le kilo de blé. Sa méthode d'évaluation a été beaucoup critiquée parce qu'elle était non monétariste semble t'il. Mais il vaiat raison dans la volonté des contrôleurs de l'économie de réduire la richesse personnelle de façon à la communautariser. Mais la rémunération des facteurs de production baissant, plus les consommateurs consomment, moins forte est la marge d'augmentation de la consommation future. Ils ont mangé le patrimoine avant-hier, dilapidé l'épargne des revenus hier. Et nous sommes aujourd'hui sans possibilité de consommer plus.

La chose étonne, parce qu'on dissocie production et consommation, alors qu'elles sont non seulement liées ce que tout le monde sait, manifestement de manière incorrecte d'ailleurs, mais qu'elles sont aussi imbriquées dans les mêmes agents ce que les économistes refusent de prendre en compte.

En fait, la cause de la crise économique est bien la pauvreté masquée par une richesse de pacotille. La consommation ne pourra donc pas être la voie de la croissance. Il nous semble que, dans une certaine limite, les "pays pauvres" ne voient pas leur richesse, tandis que les "pays riches" cachent avec effroi leur misère.



Annexe 1

Les millionnaires en millions de dollars US
(source FMI : http://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_pays_par_PIB_(nominal))

Classement 2006
RangPaysmillions de USDpart du PIB mondialTx accroissement 2006
1États-Unis13 244 55027,45%
2Japon4 366 4599,05%
3Allemagne2 915 8676,04%
4Chine2 644 6425,48%
5France2 398 9464,97%
6Royaume-Uni2 252 2134,67%
7Italie1 852 5853,84%
8Canada1 269 0962,63%
9Espagne1 225 7502,54%
10Brésil1 067 7062,21%
-----------------------
Monde 48 245 19868,89%
Classement 2007
RangPaysmillions de USDpart du PIB mondialTx accroissement 2006
1États-Unis 13 811 20025,41%4,10%
2Japon4 376 7058,05%0,23%
3Allemagne3 297 2336,07%11,57%
4Chine 3 280 0536,04%19,37%
5Royaume-Uni2 727 8065,02%17,44%
6France 2 562 2884,71%6,37%
7Italie 2 107 4813,88%12,09%
8Espagne1 429 2262,63%14,24%
9Canada 1 326 3762,44%4,32%
10Brésil 1 314 1702,42%
11Russie 1 291 0112,38%
12Inde 1 170 9682,15%
------------------
Monde 54 347 03871,20%
On remarque que le nombre de membres du club des millionnaires en millions de dollars augmente de 2006 à 2007. Les Etats-Unis demeurent de loin les plus riches puisqu'ils représentent le quart de la richesse mondiale, mais cette part se réduit.

On note l'arrivée de la Russie en 2007 dans le club. Il est bizarre que les médias, sur ordre d'on ne sait quel pouvoir, ne citent jamais ce succès de la Russie, alors qu'ils citent l'Inde qui est en effet le douzième membre du club. Pourtant, la Russie la dépasse en onzième membre.

On remarque que la France a été devancée en 2007 par le Royaume-Uni. Il faut noter aussi les fortes croissances de l'Espagne et de l'Italie que la France rejoint inexorablement dans une Union méditerranéenne "imprévue".

Les Etats-Unis et le Japon, malgré des dépenses publiques énormes qui gonflent artificiellement leur PIB, sont entrés en récession dès 2006. Des Etats comme la France sont probablement dans le même cas. Les chiffres du PIB servent en réalité à masquer la réalité en situation de crise économique alors qu'ils sont mieux adaptés à une situation d'économie de progrès.

La même critique doit être faite sur les statistiques de l'épargne des ménages. Le passage à l'Euro a masqué un appauvrissement général de l'épargne qui s'est évaporée dans la conversion à cause de deux opérations que manifestement les gouvernants français n'avaient pas prévues : l'appauvrissement de la zone dollar et le financement de la réunification de l'Allemagne.

Mise à jour du 17 novembre 2010

Liste 2008 du FMI
RangPaysPIB (millions de dollars américains)?
Monde 57 940 936,25
Union européenne 16 442 193,24
1États-Unis 14 259 753,53
2Japon 5 070 694,39
3Chine 4 904 691,55
4Allemagne 3 354 408,31
5France 2 676 501,03
6Royaume-Uni 2 184 681,33
7Italie 2 119 331,61
8Russie 2 111 217,55
9Brésil 1 574 068,91
10 Espagne 1 464 572,91
11Canada 1 336 779,82
12Inde 1 235 274,20
Liste 2009 du FMI
Rang Pays PIB (millions de dollars américains) Evolution par rapport à l'année précédente
Monde 57 937 460 -0,60%
Union européenne 16 447 259 +3,08%
1 États-Unis 14 256 275 -2,44%
2 Japon 5 068 059 -5.20%
3 Chine 4 908 982 +8.74%
4 Allemagne 3 352 742 -4,97%
5 France 2 675 915 -2.19%
6 Royaume-Uni2 183 607 -4,92%
7 Italie 2 118 264 -5,04%
8 Russie 2 109 551 -7,90%
9 Brésil1 574 039 -0,19%
10 Espagne1 464 040 -3,64%
11 Canada1 336 427 -2,64%
12 Inde1 235 975 +5,67%


On remarque que la Chine se rapproche de plus en plus vite du Japon, poussée par l'aide volontaire des Etats-Unis. D'après un calcul, en conservant le taux de variation du PIB 2009, la Chine devrait prendre la seconde place au classement en 2033. (Note de l'auteur : ceci n'est absolument pas une prévision, mais seulement une façon de comparer les taux de croissance de la Chine et du Japon en 2009.)

On remarque que la France se maintient très correctement dans les 5 premières nations.

On remarque aussi que la Russie a fortement cru en 2008 et a maintenu son 8° rang en 2009. Le travail économique des Russes est particulièrement à saluer alors que leur démographie est mauvaise et leur système industriel retardataire. Elle subit cependant la plus forte baisse du PIB du club des douze millionnaires. On note cependant que le taux de chômage de la Russie est de 7,8% quand celui de la France est de plus de 10 % (Source FMI