La terrible affaire Williamson et Svenmark
Philippe Brindet
9 février 2009


Mgr Williamson, évêque de la Fraternité saint Pie X est un traditionaliste. Conservateur préhistorique d'avant 1870, il a hélas accepté des audaces beaucoup plus modernes qui le conduisent à proférer des abominations.

Dans l'affaire du Décret de lever d'excommunication, Mgr Williamson a peut être été instrumentalisé par la télévision suédoise. En effet, la déclaration abominable de Mgr Williamson n'a pas été réalisé en lien avec cette levée d'excommunication. Cette minable déclaration n'a pas non plus été une déclaration autonome en ce sens qu'un journaliste serait venu le trouver sur un rendez-vous pris un mois à l'avance pour lui demander de manière neutre et informative son opinion sur le sujet.

L'interview dont il s'agissait a été diffusée par la télévision suédoise SVT-1 lors d'une émission hebdomadaire "Uppdrag granskning", le soir du 21 janvier 2009, soit le soir même du jour de signature par le Cardinal Ré du décret du Vatican. Selon toutes vraisemblances et examen des éléments de fait, il semble que ce concours soit fortuit. L'interview de SVT-1 aurait été conduit au début du mois d'Octobre 2008, la lettre de Mgr Fellay implorant une levée des sanctions prises contre les quatre évêques, date du 15 décembre 2008.

En réalité, le vrai sujet de l'émission "Uppdrag Granskning" était consacré au scandale que constituerait l'ordination d'un ex-pasteur luthérien suédois, Sten Sandmark, qui se serait converti dans le groupe lefebvrien et qui serait en passe d'être ordonné prêtre de la Fraternité Saint-Pie X. Ce pasteur apostasiait le luthérianisme parce qu'il ne pouvait en conscience bénir les unions homosexuelles. En effet, l'Eglise luthérienne suédoise impose cette cérémonie à ses pasteurs depuis peu. Nous n'avons pas pu consulter une transcription complète de l'émission de SVT-1, mais seulement l'extrait de 5'48 fourni par la télévision suédoise elle-même et diffusé par plusieurs internautes sur des sites de diffusion YouTube et DailyMotion. On note que certains de ces internautes sont eux-mêmes négationistes.

Il semble que, exaspérés par l'apostasie de leur pasteur pour les luthériens et par son ordination intégriste pour les catholiques progressistes, les Suédois aient littéralement lynchés Mgr Williamson au moyen de l'émission "Uppdrag Granskning". Au sujet télévisé sur l'ancien pasteur luthérien Sten Sandmark, ils ont mélangé un interview de Mgr Williamson, téalisé dans le séminaire allemand où se trouve Standmark en formation, interview destiné à démontrer que la conversion de l'ancien luthérien était le fait d'extrêmistes pro-nazis.

En visionnant l'extrait, on peut constater que le journaliste, à peine visible de dos, demande froidement à Mgr Williamson si aucun Juif n'est mort dans les chambres à gaz. Et ce dernier, piégé, répond aussi froidement qu'"en effet aucun Juif n'est mort dans les chambres à gaz". Comprenant qu'il proférait une opinion négationiste, honnie dans le monde entier, il entre alors dans une argumentation d'"historien" sur l'évidence de l'impossibilité de la suppression de 6 millions de Juifs à cause de la hauteur des cheminées et du danger qu'aurait présenter le gaz pour les Allemands eux-mêmes et en "limitant" la Shoah au chiffre déjà effrayant de 2 à 300.000 morts, mais, souligne-t'il "pas dans les chambres à gaz". Il s'agit simplement d'une reprise des arguments du négationiste Faurisson.

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Une telle entrevue est absolument abominable à la fois dans ce qu'elle dit et dans ce qu'elle laisse entrevoir de la personnalité de Mgr Richardson. On note que depuis, après un lourd silence au cours duquel les progressistes se sont déchainés contre Benoît XVI, qui a du perdre ses dernières illusiions à leur éganrd, le Vatican a exiogé de Williamson qu'il "renie ses propos". Une telle solution ne résout rien. Mgr Williamson a fini par concéder une déclaration, que les progressistes ont fait interpréter par les médias comme la preuve qu'il persistait dans sa thèse négationistes. Ceci est inexact. Mais, Mgr Williamson n'a ni abjuré sa déclaration, ni fait repentance à l'égard des Juifs. On peut d'ailleurs se demander si cette chose n'indiffère pas tout le monde d'ailleurs.

En fait, Mgr Williamson s'est encore davantage moqué du monde, peut être relativement inconsciemment. Il a dit qu'il allait "rechercher des preuves pour vérifier si son opinion est fausse". En particulier, il a déclaré à Der Spiegel qu'il allait "étudier les écrits de Pressac". Ceci est suggestif, mais exaspérant parce que, dit Mgr Williamson, "cela va prendre du temps" !

Le côté suggestif de la déclaration est que Pressac est un ancien négationiste, disciple de Faurisson, qui, à la fin de sa vie, a découvert que le négationisme était une épouvantable forgerie et Pressac a, au contraire, découvert les liens entre les industries allemandes et les SS dans l'industrie concentrationnaire et les chambres à gaz.

Ainsi, Mgr Williamson révèle qu'il a besoin de temps pour déclarer qu'il s'est trompé. Pourquoi du temps ? Son orgueil ne lui permet-il pas de réagir plus vite ? Ou cherche t'il à utiliser au profit de sa faction les destructions exécutées par la fureur des progressistes dans l'Eglise ?

On fera deux remarques.

Tout d'abord, on se demande si Mgr Williamson était conscient qu'il s'agissait d'une entrevue qui serait diffusée. En effet, avec un sourire qui pourrait indiquer une effrayante duplicité, il termine l'entretien en disant qu'il pourrait être condamné en Allemagne pour de tels propos. On hésite pour comprendre s'il faisait de l'"humour", comme s'il n'attendait que cette occasion d'affronter la justice allemande, ou si il considérait qu'il limitait ses propos précédents au cadre confidentiel d'un entretien privé. Comme il était face à une caméra et avec des journalistes de TV, on a plus que des doutes.

Enfin, tout le monde n'ignore pas que le négationisme de la Shoah s'épanouit dans deux milieux : l'extrême-droite et certains milieux islamistes, comme le milieu dirigeant iranien. On n'osait pas imaginer que les traditionalistes catholiques étaient infestés de cette abomination à un si haut degré de leur hiérarchie.

Que des spécialistes, de manière privée, mènent des recherches, silencieuses mais scientifiques, pour apprécier les modalités de l'abomination de la Shoah, on peut l'admettre, on devrait l'admettre. Mais, des opinions publiques, de plus de personnages religieux quelque soit leur niveau, ne peuvent pas porter sur de tels sujets, parce qu'il existe un consensus à la fois sur la réalité de l'évidence historique d'une part et sur la qualification criminelle de sa négation, d'autre part.

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Il semble que SVT-1 n'avait pas imaginé la formidable collision entre cette abomination et le décret de lever d'excommunication. Mais, les journalistes de l'émission étaient clairement conscients que le délit pénal en droit allemand que commettait Mgr Williamson ne serait réalisé que grâce à leur diffusion du 21 janvier 2009 au soir. Il s'agissait donc bien d'une opération médiatique menée par SVT-1 qui visait à provoquer une affaire judiciaire engageant l'organisation lefebvriste, un peu comme une contre-offensive à l'apostasie de Sten Sandmark qui, répétons le, était le sujet principal de l'émission.

Ainsi, la traduction du suédois d'une page du site Internet de SVT-1 [1], portant une date de publication à l'heure de la diffusion semble révéler le montage produit par SVT-1 :
"- Je ne pense pas que six millions de Juifs aient été gazés. Mais attention, je voudrais vous faire une remarque à ce propos. Il est contraire à la loi en Allemagne. Vous pourriez me voir jeté en prison avant de quitter l'Allemagne. J'espère que ce n'est pas votre intention, "a déclaré Richard Williamson au reporter.

Probablement il sera l'objet de poursuites et peut-être recherché par la police allemande - après la diffusion de l'interview."
C'est cette indication qui fait douter que Mgr Williamson ait compris le caractère public de l'entrevue, et démontre que le journaliste qui savait pour quelle émission il tournait, savait ainsi qu'il participait à la commission d'un délit au moins en Allemagne. Pour les deux individus, la chose n'est pas saine. Elle est même abominable.

En effet, l'opinion de Mgr Williamson est parfaitement méprisable. Mais la tactique du journaliste est elle aussi absolument condamnable. Elle constitue une provocation à un délit pénal dans plusieurs pays dans lesquels l'émission devait être diffusée, doublée d'une délation méprisable.

Ceci personne ne le dit. C'est dommage. Mais c'est la vie ...

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Une autre question cependant. Il est probable que l'épiscopat catholique suédois était au courant du sujet et de la programmation de l'émission sur Sten Sandmark. Etait-il au courant de l'entrevue avec Mgr Williamson ?

Si les évêques catholiques suédois étaient au courant des déclarations négationistes de Williamson, une autre question se lève alors. L'épiscopat catholique suédois était-il en lien avec le Dicastère du Cardinal Ré qui a signé son Décret le matin du jour de l'émission de SVT-1 ? Parce qu'alors, si la réponse est positive, une alternative est soulevée : ou bien l'épiscopat a averti le Cardinal Re du caractère criminel de l'interview de Williamson et alors le Cardinal Re a signé en sachant que l'un des membres du quarteron d'évêques intégristes était aussi négationiste, ou bien l'épiscopat suédois le lui a caché.

Le Pape savait-il ? Selon de plus récentes déclarations du Vatican, il semblerait que non. Mais alors, cela signifie que beaucoup de gens savaient et ont manipulé le Pape pour obtenir la catastrophe que l'on sait. De tout ce qui précède, la débâcle du négationisme de Williamson pourrait servir deux factions : celle des progressistes qui hurlent trop forts pour être honnêtes, et une faction intégriste qui ne veut à aucun prix de la restauration de Benoît XVI.

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Il existe par ailleurs des ouvrages, écrits en France notamment, sur le caractère négationiste ou sur la collusion avec l'extrême droite des milieux intégristes. On peut citer les livres de l'activiste lesbienne Fiametta Venner, d'origine libanaise selon Wikipedia, ou des articles de son amie Caroline Fourest. Ces livres et ces articles datent d'avant 2005. Que la Curie romaine ne connaisse pas leur existence est vraiment douteux.

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Les progressistes, rassemblant les ex-marxistes, les activistes homosexuels et lesbiennes d'une part et les féministes classiques d'autre part, qui hurlent plus fort que tout le monde sur le négationisme de Mgr Williamson, cherchent à obtenir une excommunication définitive, factuelle sinon juridique, de tous les intégristes en bloc. Une telle exclusion rendrait indiscutable la victoire totale des progressistes aussi bien dans la rédaction des textes du Concile Vatican II que dans leur interprétation révélée par la pratique courante. Pour appuyer leur action déstabilisatrice, les progressistes insistent sur le fait, patent selon eux, que "le Vatican savait que Mgr Williamson avait enregistré des propos négationistes".

Or, toute l'action du Pape Benoît XVI vise à priver les progressistes de leur victoire et à parvenir à une ré-interprétation des décisions autoritaires du Concile Vatican II dans le cadre de la Tradition vivante de manière à enrayer, autant que faire se peut, la catastrophe qu'aura été la mise en oeuvre de ces décisions. On note à ce propos que le Pape a choisi, il y a déjà plusieurs années, une ligne étroite selon laquelle les prétendus acquis du Concile sont incontestables, mais que leurs applications sont souvent criticables. Un exemple classique est celui du retournement de l'autel que le Cardinal Ratzinger critiquait dans l'un de ses derniers ouvrages, L'Esprit de la Liturgie.

Jean-Paul II, dans sa dernière Encyclique, avait emprunté une voie très semblable. Il avait été extrêmement sévère sur les dévriations qu'il notait sur la question du culte eucharistique. Il est vraisemblable que Benoît XVI est profondément marqué par cette critique et que son Motu Proprio Summorum Pontificum, édifiant le rite traditionnel comme rite extraordinaire à côté du rite ordinaire imposé par le Concile, correspond à son double souci de restauration du culte eucharistique et de l'unité dans l'Eglise romaine.

L'accident dont Mgr Williamson est la cause, est une menace sérieuse contre cette action si nécessaire de notre Pape Benoît XVI. Il permet en effet de remobiliser les troupes progressistes vieillissantes et assure leur investissement autour des épiscopats nationaux, extrêmement fragiles sur ces questions. D'ailleurs, de nombreux évêques se sont crus obligés, en Allemagne notamment, de donner des gages bien gênants à la faction progressiste.

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On peut trouver paradoxal que l'accident abominable provoqué par Mgr Williamson provienne en fait d'un excès d'ouverture au monde par un traditionaliste qui place le Saint-Siège dans une position extrêmement délicate dans le monde, alors que la Saint-Siège se pose en promoteur de l'ouverture au monde exigé par le Concile Vatican II.

On peut penser que d'une manière certaine, l'étendue du problème rencontré par l'Eglise dans cette affaire, pour la part qui concerne ses membres, provient majoritairement de la place abusive qu'a pris le monde dans la vie interne de l'Eglise. Les libéraux travaillent dans l'Eglise sous l'influence de l'activisme idéologique des Lumières tandis que les intégristes semblent de plus en plus radicalisés sur les idéologies pitoyables de l'extrême droite.

Seul un changement de paradigme pourrait permettre de vider le problème révélé par le Concile et de replacer l'Eglise sur la voie que son Instituteur a choisi pour Elle.

Notes

[1] Source était encore accessible le 1° février 2009.