De Williamson à Küng, un duel de négationistes
Philippe Brindet
25 février 2009


On ne rappelle pas l'abominable déclaration de Mgr Williamson. Abominable, non pas parce qu'elle a été révélée en même temps que le Décret de levée de l'effet de l'excommunication de 1984. Elle a seulement été catastrophique à cet égard. Non. Cette déclaration est abominable en elle-même.

Les effets catastrophiques de cette déclaration honteuse doivent cependant s'analyser pour ce qu'ils impliquent dans l'Histoire de l'Eglise.

Tout d'abord, la situation née de la catastrophe du choc entre le Décret du Vatican et la diffusion suédoise révèle que l'Unité de l'Eglise n'a jamais été un état aussi inaccessible. On compte aujourd'hui trois courants qui se classent comme une gauche, un centre et une droite. La gauche et la droite sont irréconciliables pour des raisons idéologiques et le centre, occupé par le Pape est aujourd'hui la cible d'agressions des deux extrêmes.

La droite s'est laissée manipuler, au moins pour son image dans le public, par Mgr Williamson. C'est dommage, parce que Mgr Williamson ne représente quasiment rien qu'un groupuscule imbécile, et donc dangereux, mais c'est comme çà.

La gauche est "fort bien" représentée par l'imperium médiatique de l'ancien théologien, Hans Küng. Cet homme se dépense sans compter dans les médias européens depuis l'éclatement du scandale Williamson. En dernier dans les colonnes du quotidien politiquement correct "Le Monde". La complète inanité de sa pensée n'a d'égale que la ferveur avec laquelle les idées qu'il expose sont relayées par les "braves gens", clercs ou laïcs, fidèles ou anticléricaux.

Les "braves gens" auront coûté très cher à l'Eglise comme Institution religieuse. Pour ceux d'entre eux qui en sont des fidèles, on est ébahi par leur capacité à se laisser troubler par de très vulgaires idéologies, cent fois rebattues. Parce que l'idéologie de Hans Küng, on l'a entendue cent fois. C'était celle du Vicaire savoyard de Rousseau, d'ailleurs incarné sous la Révolution par le prêtre Philibert Simond, vicaire au Grand-Bornand, depuis Conventionnel guillotiné en Thermidor. C'était celle des prêtres Joseph Lebon, le bourreau d'Arras et de Jacques Roux, l'"Enragé" dénonciateur des ennemis du peuple, grand pourvoyeur de la guillotine de la Place de la Concorde. Unité déjà ...

Dans cette affaire, le problème commun de la "droite" et de la "gauche" pourrait bien être le négationisme. Si Mgr Williamson produit d'abominables déclarations sur l'abomination du génocide nazi, la droite se trouve entraînée dans une négation du Concile dans lequel en particulier se trouve la Déclaration Nostra Aetate qui étudie la question du judaïsme, centrale pour les temps modernes. Mais, la gauche se trouve elle-même dans une attitude de négationisme du contenu même du Concile en ce qu'il s'est lui-même défini comme inscrit dans la Tradition. De ce fait, lorsque Hans Küng déclare au quotidien "Le Monde", qui lui fait les yeux gourmands d'un enamouré :
"... Il (Benoît XVI) ne veut surtout pas admettre que Vatican II a provoqué une rupture ...",
il produit une déclaration négationiste, dont il renforce le sens en poursuivant :
" ... Or Vatican II a représenté l'intégration du paradigme de la réforme et de la modernité dans l'Eglise catholique. Mgr Lefebvre ne l'a jamais accepté, et ses amis à la Curie non plus. En cela Benoît XVI a une certaine sympathie envers Mgr Lefebvre. ..."
Quand Hans Küng parle aux "braves gens" du quotidien "Le Monde" du prétendu "paradigme de la réforme et de la modernité", il évoque en termes masqués, acceptables par le politiquement correct des "braves gens" à sa dévotion, de la Révolution du progressisme que constitue Vatican II pour la "gauche" progressiste. Parce que le paradigme n'est jamais qu'un automatisme de la pensée, et ici ce n'est jamais qu'un slogan incontestable. Si vous y adhérez, vous "en êtes", si vous le contestez, vous n'"en êtes pas" et "ils" se tournent alors contre vous.

Il s'agit donc bien, en désignant le Concile comme un "paradigme", de créer la fiction d'une représentation du monde et il s'agit donc radicalement d'une idéologie. Et cette idéologie est celle de la gauche, celle du progressisme. Et toute idéologie ne peut s'accomplir qu'en désignant un ennemi, le Pape et le centre ou le Pape et la droite ; peu importe, mais en un mot, le "non-soi".

Travaillant ainsi, le progressisme de Küng, ou si l'on préfère le progressisme que Küng exemplifie dans les médias en ce moment, ne peut que se trouver dans le rapport d'un négationisme du contenu du Concile Vatican II.

En effet, c'est le Concile lui-même qui s'est placé en continuité avec la Tradition. On peut faire ces trois citations :
"Il est donc évident que la Tradition sacrée, la Sainte Ecriture et le Magistère de l'Eglise sont entre eux, selon le très sage dessein de Dieu, tellement liés et associés, qu'aucun d'eux n'a de consistance sans les autres, et que tous contribuent en même temps de façon efficace au salut des âmes, chacun à sa manière, sous l'action du seul Saint-Esprit. " Dei Verbum, 10, 3° paragraphe

"14. Le saint Concile s'adresse donc avant tout aux fidèles catholiques. Il enseigne, pourtant, en s'appuyant sur la Sainte Ecriture et la Tradition, que cette Eglise voyageuse est nécessaire au salut." Lumen Gentium 14, 1° paragraphe

"4. Enfin, obéissant fidèlement à la tradition, le saint Concile déclare que la sainte Mère l'Église considère comme égaux en droit et en dignité tous les rites légitimement reconnus, et qu'elle veut, à l'avenir, les conserver et les favoriser de toutes manières; ..." Sacrosanctum Concilium, 4
Malgré cela, de nombreux individus font croire que le contenu du Concile constituerait une rupture qui, à une Eglise du passé, devenue morte, aurait substitué une Eglise progressiste, c'est-à-dire, "réformée et moderniste" selon Küng. C'est, on l'a reconnue, la thèse ou l'idéologie de Hans Küng. Son affirmation constitue donc une négation du Concile qui est en continuité avec la Tradition, ainsi que le rappelait récemment le Vatican :
"Première question : Le Concile Œcuménique Vatican II a-t-il changé la doctrine antérieure sur l’Église ?

Réponse. Le Concile n’a pas voulu changer et n’a de fait pas changé la doctrine en question, mais a bien plutôt entendu la développer, la formuler de manière plus adéquate et en approfondir l’intelligence.

Jean XXIII l’avait très clairement affirmé au début du Concile. Paul VI le confirma ensuite ; il s’exprimait ainsi en promulguant la Constitution Lumen gentium : " Le meilleur commentaire que l’on puisse en faire, semble-t-il, est de dire que vraiment cette promulgation ne change en rien la doctrine traditionnelle. Ce que veut le Christ, nous le voulons aussi. Ce qui était, demeure. Ce que l’Église a enseigné pendant des siècles, nous l’enseignons également. Ce qui était jusqu’ici simplement vécu se trouve maintenant exprimé ; ce qui était incertain est éclairci ; ce qui était médité, discuté et en partie controversé, parvient aujourd’hui à une formulation sereine. " À plusieurs reprises, les Évêques ont manifesté et adopté le même point de vue." CONGRÉGATION POUR LA DOCTRINE DE LA FOI, RÉPONSES À DES QUESTIONS CONCERNANT CERTAINS ASPECTS DE LA DOCTRINE SUR L’ÉGLISE, signées par le Cardinal Levada, juin 2007.
Mais, on notera que, l'idéologie progressiste, à l'oeuvre depuis des siècles, telle que représentée par le curé Lebon à Arras, désigne toujours des ennemis à abattre. Ainsi Küng désigne t'il à la haine populaire le Pape et ses proches collaborateurs accusés de collusion avec la "droite" des intégristes et des évêques lefebvriens :
"On est face à un problème de structure. Il n'y aucun élément démocratique dans ce système (le Vatican), aucune correction. Le pape a été élu par des conservateurs, et aujourd'hui c'est lui qui nomme les conservateurs"
et
"Au fond, Benoît XVI a une position ambiguë sur les textes du concile ..."
Benoît XVI et l'Eglise n'ont aucun problème avec le Concile. Ils ont une position claire sur les textes du Concile. Non seulement ces textes ne peuvent que s'interpréter à la lumière de la Tradition de l'Eglise, mais de plus, ils ont été entièrement dictés dans la continuité de la Tradition.

Ce que Benoît XVI et l'Eglise opèrent aujourd'hui, c'est le rejet de pratiques et d'interprétations criminelles qui se sont fondées sur la négation du Concile. Et la déclaration de Hans Küng en est clairement. Elle est comme le symétrique de la négation lefebvrienne.

Mais, à la différence des intégristes qui ont un sens éminent de la Tradition qui devrait les guider dans la voie de l'union à laquelle le Pape les appelle paternellement, les progressistes, par la violence de leurs méthodes pour imposer le prétendu "paradigme de la réforme et de la modernité" qui cache seulement un effort de destruction de l'Eglise, sont des fauteurs de divisions et beaucoup se seront perdus, à cause d'eux.

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