Le limogeage de Aymeric Chauprade, enseignant militaire
Philippe Brindet
27 février 2009


Aymeric Chauprade, professeur de géopolitique de l'université de Neufchatel, a été limogé par une décision personnelle du ministre de la Défense de son poste d'enseignant au Collège Interarmes de Défense.

Chauprade était enseignant au CID depuis plusieurs années. Sa pensée et ses analyses sont parfaitement connues depuis longtemps. Traditionaliste de la droite conservatrice, il a été conseiller lors de ses campagnes électorales, de Philippe de Villiers. Monsieur Chauprade n'est donc ni un fanatique extrêmiste, ni un soutien du terrorisme. Il venait de publier un livre dans lequel, sans prendre parti, mais à côté des autres thèses, il exposait les thèses "complotistes" des événements du 11 Septembre 2001 aux Etats-Unis, comme celle exposée par Thierry Meyssan du Réseau Voltaire. Ce mouvement "complotiste" affirme en effet qu'aucun avion de ligne ne s'est abattu sur le Pentagone ce jour-là. Chauprade par ailleurs dénonce ce qu'il tient comme la récupération et la diffusion mondiale par l'Administration Bush du paradigme de Huntington sur le choc des civilisations.

Toujours est-il que Chauprade est clairement un adversaire de la stratégie géopolitique de l'Administration Bush et ses sympathies le rapproche plus des mouvements pan-islamisques que du pro-sionisme. Il est aussi enseignant dans les institutions de défense du Maroc et de la Tunisie.

Par ailleurs, l'anti-atlantisme qu'il professe serait en contradiction avec la décision de Sarkozy de rallier l'Armée aux troupes de l'OTAN. Son élimination comme enseignant dans école militaire française est donc particulièrement naturelle au nom du principe militaire du "silence dans les rangs". Chauprade pourrait rétorquer que ce n'était pas la peine de former un Collège avec des enseignants universitaires dont le principe de travailest la liberté de l'analyse.

Mais, le problème pratique n'est pas que Chauprade fasse la promotion d'un anti-atlantisme devenu contraire à la doctrine gouvernementale, alors que ce même anti-antlatisme était bienvenu l'an passé. Qu'il soit remercié dans des conditions régulières est un droit qu'on ne peut dénier au ministre de la Défense.

Le problème, c'est que deux journalistes, Guisnel [1] et Merchet [2], ont provoqué la réaction du ministre de la Défense. Dans des articles publiés la veille de la décision, sur le ton de commères outragées par une photo de femme nue glissée entre deux feuillets de leur missel, ils ont montré une indignation citoyenne contre le passage du nouveau livre de Chauprade concernant le négationisme du 11-Septembre. Comme nous avons les ministres les mieux soumis aux exigences citoyennes, le ministre de la Défense a immédiatement donné l'ordre de congédier l'ennemi du peuple dénoncé par d'honnêtes citoyens [3]. Dans quels temps vivons-nous !

Moyennant quoi, Chauprade porte plainte par un référé liberté contre le ministre de la Défense. La presse est muette sur ce point. Nous l'entendons de la bouche même de Chauprade dans un entretien radiophonique.

Ce n'est donc pas la thèse de Chauprade qui est en question ici. C'est la manière que le ministre de la Défense a eu de traiter son problème en se masquant derrière une atroce "dénonciation citoyenne", croyant éliminer Chauprade à bon compte.

"Dénonciation citoyenne" ?

Mais rappelez vous ! L'affaire du secrétaire d'Etat Besson qui, nouvellement chargé de l'Immigration, propose aux immigrés clandestins d'obtenir des permis de séjour contre la dénonciation de passeurs. Les associations de gauche ont mollement protesté contre une mesure qui s'oppose directement à leurs menées proprement en faveur de l'immigration clandestine. Mais, leur protestation est molle, parce que la délation est dans la nature même de la République française. Et les organisations de gauche ont vitalement besoin de cette délation qui, historiquement, les a toujours porté au pouvoir et les y a maintenu.

Qu'est-ce qui a mis fin à la polémique ?

Une simple déclaration d'un vague porte-parole du parti au pouvoir : "La dénonciation des crimes et délits est un devoir citoyen ..." [4]. Tout est dit. Désolé, Monsieur Chauprade. Et merci d'être venu.

Notes

[1] Voici un lien vers l'article de Guisnel.

[2] Récemment, sur son blog Merchet prenait une position assez spécieuse :
"La thèse présentée par Aymeric Chauprade dans son livre "Chronique du choc des civilisations" alimente tous les fantasmes complotistes. Elle n'est, à mes yeux, absolument pas recevable et j'ai eu l'occasion de le lui exprimer. Les opinions politiques (proche de la droite dure) d'Aymeric Chauprade, qui n'a jamais mis son drapeau dans sa poche (dans ses livres, ses articles ou ses conférences) n'étaient pas secrètes. Il intervient depuis dix ans dans différentes institutions de la défense, dont le Collège interarmées de défense.

La méthode dont use le ministre de la Défense pour se séparer de lui est toutefois d'une grande brutalité, qui risque d'être très mal perçue chez de très nombreux officiers qui ont suivi ses cours.
" (Voir)


[3] Et si vous doutiez de l'effet journalistique que l'auteur vous dit, lisez cet article du délateur ravi.

[4] Voir notre Brève du 07 février 2009


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