Une réflexion de Benoît XVI sur le prêtre dans le monde
Philippe Brindet
09 mars 2009


Le Pape, Evêque de Rome, lors d'une Rencontre avec le clergé de Rome, le Jeudi 26 février 2009, a déclaré ceci :
"Qui connaît mieux les hommes d'aujourd'hui que le prêtre ? Le presbytère n'est pas dans le monde, il est au contraire dans la paroisse. Et ici, les hommes viennent souvent, normalement, voir le prêtre, sans masque. Ils ne viennent pas avec des prétextes mais dans des situations de souffrance, de maladie, de mort, avec des questions familiales. Ils viennent au confessionnal sans masque, avec leur personnalité."
Plusieurs commentateurs, notamment au sujet de sa première Encyclique, ont souligné que le Pape n'aimait pas que l'on découpe sa pensée en citations que l'on sépare ensuite de leur contexte pour faire dire au Pape des choses qu'il n'a pas dites et pour taire les choses qu'il a dites.

Evitons ce travers détestable.

Tout d'abord, le Pape lui-même commence par souligner qu'il aborde cette rencontre en début de Carême comme un moment de repos spirituel. Enfin, cette citation se trouve peu avant la fin de sa réponse à la question d'un curé qui soulignait que les prêtres étaient peu ou mal formés à répondre aux personnes blessées par la vie.

Le pape a commencé par inciter chaque prêtre à personnaliser ce qu'il a reçu d'enseignement théorique, en théologie, pour le faire sien. Il commente alors Saint Bernard de Clairvaux au Pape Eugène :
"... considère que tu bois à ta propre source, c'est-à-dire à ta propre humanité. Si tu es sincère avec toi-même et que tu commences à voir à partir de toi ce qu'est la foi, par ton expérience humaine, buvant à ton propre puits, comme dit saint Bernard, tu peux aussi dire aux autres ce qu'il faut dire."
L'affirmation du Pape qui déclare : "Le presbytère n'est pas dans le monde, il est au contraire dans la paroisse." heurte de front la conception sociale du rôle du prêtre, aujourd'hui tant répandue dans l'Eglise, en France notamment.

En effet, aujourd'hui, le prêtre est tenu pour une sorte d'auxiliaire des services sociaux de l'Etat, chargé de se rapprocher des petits et des exclus. Ce n'est peut être pas faux. Mais alors, le prêtre n'est plus le serviteur de tous et il ne connaît plus la blessure. Il ne connaît plus que la recherche d'une solution sociale pour laquelle il est effectivement inadéquat, non seulement par sa formation, mais surtout par sa vocation.

Doit-il se retirer du service des pauvres ? Bien entendu, non. Le Pape lui demande de ne plus tenir le presbytère comme une maison dans le monde. Il faut replacer le presbytère dans la paroisse, avec ce qu'elle contient d'hommes blessés par la vie et les considérer non comme des membres de la société, mais comme des hommes qui se tiennent dans l'Eglise s'ils sont baptisés ou à la porte de l'Eglise, si ils ne le sont pas. Et à chacun d'eux, le prêtre sait de sa propre source ce qu'il peut apporter à cet homme blessé par la vie.

Si le prêtre place son presbytère au coeur du monde, il perd le contact avec sa source qui est dans la paroisse, et il est contraint, comme le prêtre qui questionnait le Pape lors de cette Rencontre, de reconnaître que les prêtres de paroisse « se sentent souvent mal préparés ou de manière inadaptée » à répondre aux personnes blessées par la vie.

Toute la problématique de l'Eglise relativement à l'application erronnée du Concile Vatican II se trouve résumée par l'analyse du Pape : "Le presbytère n'est pas dans le monde. Il réside dans la paroisse.". A la différence, d'autres veulent sortir de la sacristie et prendre le monde d'assaut pour leurs fins personnelles. Le choix est aisé, mais l'époque est difficile.

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