Le blocage d'une université de province
Philippe Brindet
15 avril 2009


Ainsi qu'on le sait, la réforme Sarkozy exécutée par la ministre Pécresse n'est pas accueillie favorablement par ceux qu'elle est destinée à remplir d'aise et de gratitude. On ne compte plus les universités dans lesquelles les cours sont bloqués depuis si longtemps que certains universitaires, animés par un reste de pudeur, se demandent s'il est encore raisonnable d'organiser des examens de fin d'année. Parmi ces universités bloquées, on compte l'université de Haute-Bretagne, et particulièrement Rennes-II, spécialisée en Sciences Sociales. Son Président est décrit de sorte qu'un rapide parcours de ses travaux signale ce personnage de la République comme un spécialiste de la subversion littéraire, et particulièrement "des littératures du Maghreb". On ignore combien de contribuables ayant le niveau d'instruction suffisant pour lire l'alphabet occidental sont informés de cette "situation interrogeante au niveau du vécu" ?

Le Président de l'Université Rennes-II vient d'accorder un entretien au quotidien Le Figaro. Il y déclare :
"Les jeunes bloqueurs sont menés par une cinquantaine d'autonomes et radicaux, eux-mêmes pilotés par quelqu'un qui n'est pas étudiant, un intellectuel spécialiste de la subversion. Il a d'abord tenté de créer des troubles à Nantes, l'an dernier, contre la loi LRU, ce qui n'avait pas tellement marché. Arrivé à Rennes-II cette rentrée, il a voulu prendre sa revanche."
On s'est demandé qui pouvait être ce non-étudiant. Il ne semble pas être identifiable de manière simple. Mais en cherchant bien, on trouve des choses asez suggestives.

Tout d'abord, la subversion de Rennes-II est menée depuis un site Internet de type commercial. Or, ce type de site permet de rechercher les personnes qui en sont responsables. Le site dont il est question a donc été enregistré auprès d'un hébergeur assez connu dans les milieux de gauche. Et le registrant est une jeune étudiante qui se domicilie à Rennes.

Cette jeune fille, agée de 18 ou 19 ans, serait étudiante de langue italienne et possède selon ses propres dires une grande sensibilité à la représentation photographique du corps féminin. Bien. On ne voit rien là qui soit bien subversif ... vu que sa passion est partagée par de grands entrepreneurs de presse qui sont les plus fervents soutiens de notre Grand Réformateur national.

Mais le site géré par cette jeune esthète féministe est en fait animé par un individu beaucoup plus virulent. Il utilise un pseudonyme et une description très beaudelairienne, ce qui indique une certaine communion dans ce que l'on qualifiait d'esthétisme de sa condisciple. Très motivé, il aurait fait subir les derniers outrages à un président d'université en tenue, si on l'avait écouté. Las. Les étudiants rennais, même ceux de la faction animée de la rage révolutionnaire politiquement correcte, semblent plus portés à se déchirer par des messages hargneux sur le "forum" du site internet de la "révolte" que pour participer à des actions subversives concrètes. L'intellectuel de la subversion s'est donc résolu à fermer le forum internet qu'il "modérait"...

La nostalgie, camarade ...

En cherchant mieux, on trouve que le pseudonyme de l'agitateur local est aussi l'intitulé d'un autre site commercial, cité sur le site de la jeune esthète. En recherchant dans le mêmes conditions que pour le premier, les références du second site, on trouve l'identité d'un ancien lycéen de Strasbourg, héros des luttes lycéennes contre ... le CPE, aujourd'hui exilé dans les terres de la Haute-Bretagne. Les archives des Dernières Nouvelles d'Alsace nous apprennent qu'il avait traitée la proviseure de son lycée alsacien de "grosse pute". Elle avait trouvé, semble t'il, que c'était trop d'honneurs ...

Toujours est-il que ce brave garçon, ancien d'un syndicat lycéen fort lié au Parti Socialiste, pourrait être l'intellectuel spécialiste de la subversion que dit Marc Gontard.

On a aussi étudié rapidement les présentations d'enseignements à Rennes-II. C'est assez effrayant. Un "professeur" signale parmi les cinq thèmes de son travail de recherche et d'enseignement :
"Révolutions : art et histoire. La construction du discours de l'art moderne dans le sillage des traditions révolutionnaires".
Un peu plus loin, on peut lire la description d'un cours de Licence :
"Il s'agira de comprendre que ces relations sont avant tout d'opposition, voire de contradiction. la contradiction principale à l'oeuvre chez des auteurs aussi différents que Platon, Rousseau, Mallarmé, Adorno ou Sartre, sera : l'art est un instrument du pouvoir politique ; l'art est aussi une contestation du pouvoir politique."
Encore une description de cours :
"D'une part, on étudiera les analyses de l'évènement révolutionnaire (Kant, Schiller, Hegel, Proudhon, Marx, Troski, Benjamin, Arendt, etc.), pour repérer ce en quoi la pensée révolutionnaire a pu alimenter les pratiques de l'art et de la réflexion esthétique. D'autre part, on s'intéressera au rôle joué par l'art dans le processus révolutionnaire. Qu'est-ce en effet qu'un art révolutionnaire ? "
Et pour finir :
"Cette exploration du domaine du théâtre militant se fera selon deux directions : donner un aperçu de son importance historique au XXème siècle, à travers l'étude d'exemples issus du théâtre d'agit-prop des années 20-30, du théâtre d'intervention des années 60-70, et d'aujourd'hui ; réfléchir aux problématiques impliquées par le concept même de théâtre militant et poser la question de son exercice et de son devenir contemporains."
On se demande finalement si le blocage universitaire n'est pas simplement un TD organisé par l'Université ? Plus simplement, les agissements dénoncés de certains spécialistes de la subversion par les "autorités" universitaires ne seraient-ils pas "instrumentalisés par les forces de progrès" que le monde entier nous envie ?

Dernière réflexion. Est-il absolument nécessaire de réformer une entreprise d'enseignement qui se fie à Proud'hon et Marx, à Sartre et au théâtre d'agit-prop des années 20, comme d'autres il y a bien longtemps à Avicenne ?

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