Le problème de l'Eglise romaine
Philippe Brindet
26 avril 2009


Décrire le problème de l'Eglise romaine est une gageure. D'abord parce que selon les avis de certains, il n'y a pas de problème de l'Eglise romaine et pour les avis d'autres, il n'y a pas d'Eglise romaine. D'autres pensent que la nature de l'Eglise romaine interdit de lui trouver un problème.

Tous ces avis ne sont pas à ignorer. Il se pourrait qu'ils aient chacun à leur manière raison. Mais, il est indubitable qu'il existe un problème. Est-il celui de l'Eglise romaine ? La réflexion peut ne pas s'attarder à la négation d'un problème. Mais on étudiera d'abors les avis précités avant de travailler le lien entre le problème que l'on peut identifier et l'Eglise romaine qui s'y rapporte.

o o o


L'Eglise romaine ne rencontre aucun problème

Beaucoup d'ecclésiastiques de haut rang dans l'Eglise romaine inspirent à leurs interlocuteurs l'impression d'une immense satisfaction. Leurs églises sont désertées, l'enseignement de l'Eglise est tombé en désuétude, les religieux et prêtres font défection. Mais la satisfaction de l'Evêque est rayonnante. Il ne se passe rien.

Or, ce que l'on a coutume d'appeler le "problème" ou la "crise" de l'Eglise romaine, se trouve dans la confrontation de deux fortes oppositions à l'action des évêques qu'ils assurent en application du Concile. Placés entre les deux partis, les ecclésiastiques de pouvoir sont assurés de leur puissance parce qu'elle est associée à leur sacerdoce et ne se tient d'aucune manipulation sociale. Ils ne voient donc aucune raison de qualifier de problème de l'Eglise romaine, ce qui n'est après tout qu'une justification de leur puissance. Car, en effet, à quoi servirait leur puissance ecclésiastique si aucun individu ne cherchait à s'y dérober ?

Aussi, que ce soient les "intégristes" ou les "progressistes", critiques permanents du Concile et de son application pour des raisons diamétralement opposées, tous auront tendance à percevoir comme un problème ce qui est la nouvelle source de leur autorité, le Concile et son application. Tout ceci semble aux autorités ecclésiastiques rester dans le droit exercice de leur puissance.

Ainsi, les adversaires des décisions gouvernementales des ecclésiastiques de haut rang ne perçoivent pas toujours cette position de l'autorité ecclésiastique. Le simple fait pourtant de parvenir à cette puissance incite au conservatisme de la position atteinte, définie comme normale, en ce sens qu'elle dérive de la Norme. Puis, la durée faisant son oeuvre, le personnage ecclésiastique qui a déjà longtemps exercé le pouvoir ecclésiastique, ne peut mettre en cause la normalité de l'application qu'il a faite de la Norme.

Malheureusement de nombreux soumis à l'autorité ecclésastique ne ressentent pas la légitimité de cette constance. De fait, le nombre de catholiques qui sont soumis à l'autorité légale des ecclésiastiques et satisfaits de la norme qu'ils appliquent se réduit de plus en plus vite. Certains se lamentent que le nombre de prêtres diminue. Mais peu acceptent l'idée que le nombre de simples fidèles se réduit bien plus vite.

Cette distorsion provient semble-t'il du fait que, dans les pays de vieille chrétienté, beaucoup de rites catholiques étaient devenus des rites familiaux. Ainsi en était-il du baptême, de la communion privée, de la Confirmation, et du Mariage et des Obsèques. Si on y ajoute, plus anciennement, l'observance de la messe dominicale, des fêtes d'obligation et de certaines habitudes alimentaires, du vendredi ou du Carême, voilà ce qui restait de près de deux millénaires d'avangélisation. Or, les années de cette époque se sont terminées.

Une raison en est que, sans instruction religieuse véritable, les enfants qui ont subi les rites familiaux sans justification sociale ont une irrésistible tendance à s'en passer une fois adultes. Une autre raison encore plus radicale, est que, pour entretenir des "rites familiaux", il faut des ... familles. Or, le concubinage au sens le plus lâche du terme, le divorce et d'autres perversions sociales ont littéralement rendu obsolète le modèle familial hérité de la chrétienté passée.

Tout ceci conduit simplement à l'idée que l'autorité ecclésiastique ne peut pas facilement percevoir l'étendue d'un problème quand elle peut l'interpréter comme un problème historique hors l'Eglise, évitant toute mise en cause de la Norme ecclésiastique.

o o o


Il peut ne pas exister d'Eglise romaine

Si on regarde la question depuis l'Eglise romaine, une telle affirmation est simplement caractéristique d'une attitude schismatique. Parlons donc d'autre chose.

On notera qu'il semble y avoir très peu de conversions à l'Islam, même s'il semble que la tendance soit croissante. De même, le nombre des conversions au judaïsme n'est pas très élevé au moins depuis un catholicisme actif. Les passages au protestantisme ou à l'orthodoxie ne sont pas vraiement comptabilisés en France. Il a toujours existé un certain flux dans les deux sens mais dont rien ne laisse à penser qu'il soit accéléré. La critique du problème de l'Eglise ne semble donc pas conduire les catholiques à rejoindre d'autres confessions chrétiennes ou d'autres religions.

Par contre, la réduction à un athéisme plus ou moins virulent, souvent manifesté par un anti-cléricalisme caricatural est souvent la marque d'une apostasie récente du catholicisme. Il arrive que cet anti-cléricalisme soit provoqué par l'adhésion de l'ancien catholique à des organisations d'activistes sociaux, ONG, syndicats, partis politiques, très demandeurs de ce genre de prestations.

L'indifférence religieuse est par contre de plus en plus partagée par les individus qui ont même complètement oubliée la moindre instruction religieuse. L'une des plus terribles manifestations d'indifférence se contemple dans le tourisme lors des visites d'églises.

o o o


L'Eglise romaine est assurée dans la Vérité

Une autre thèse en présence, soutenue par des personnes aux intentions les plus pures, tient au fait que l'Eglise est assurée du secours de son Fondateur depuis son origine jusqu'à la fin des temps. C'est un avis pieux et qu'il y a lieu d'en tenir compte dans toute réflexion authentiquement catholique.

Mais, l'examen de l'Histoire de l'Eglise montre des époques encore plus troublées que la notre et la crise de l'Eglise, ou si l'on préfère, son problème, a été autrefois bien plus grave encore. Citons l'époque de la Papauté en Avignon. On peut évoquer les schismes luthérien, anglican ou calviniste ou plus ancien la séparation malheureuse avec Byzance.

On peut concéder que, si notre époque traverse une crise qui se présente comme "le problème de l'Eglise romaine", l'Eglise de Notre-Seigneur n'a en effet aucun problème, en ce sens que s'il y a problème, Notre-Seigneur y pourvoira. Cependant, l'arrangement exige une certaine distorsion de vue. En effet, il n'y a pas une "double" Eglise, une Eglise du Christ qui serait seule assurée dans la Vérité et une Eglise "romaine" qui pourrait souffrir les pires problèmes. Non, celà n'est pas. Parce que il n'existe qu'une seule Eglise catholique et c'est l'Eglise qui est communion avec le Pape, successeur de Pierre et Vicaire du Christ.

Or, si l'on étudie la pensée des Papes depuis l'époque du Concile, qu'il s'agisse de Paul VI, de Jean-Paul II ou de Benoît XVI, tant le Concile lui-même, que son application sont les sujets de leurs inquiétudes.

Ainsi, Paul VI a été contraint de produire plusieurs Encycliques pour affirmer la vérité catholique sans oser viser particulièrement des dispositions du Concile. Mais "Mysterium fidei" est suffisamment éloquente pour que les esprits droits lisent une terrible critique des dérives qui se sont ultérieurement réclamés du Concile et que "Ecclesia de Eucharistia vivit" a ensuite dénoncé.

Sa Sainteté Benoît XVI, en plus d'avoir participé à l'identification des déviations issues du Concile et se réclamant à faux du Concile, a lui-même promulgué plusieurs textes normatifs qui établissent une réforme de l'Eglise romaine. Cette réforme exige le retour de la Tradition notamment en matière dogmatique et institue le rite ancien, placé en désuétude par une conception erronnée de l'esprit du Concile, comme rite extraordinaire.

On peut ainsi concevoir que, si l'Eglise romaine est en crise, et que cette crise est son problème, elle est assurée dans la Vérité parce qu'elle résiste à l'erreur.

o o o


Quels sont les traits principaux du problème de l'Eglise romaine ?

La question n'est pas futile, parce que la solution du problème exige sa formulation avant qu'une quelconque solution ne soit trouvée.

Cependant, il n'est pas possible de faire semblant de rechercher de soi-même les traits supposés du problème quand les Papes ont déjà apporté des remèdes aux éléments les plus importants du problème.

Jean-Paul II a parfaitement identifié le centre du problème de l'Eglise romaine et a enseigné ce que l'Eglise devait mettre en oeuvre pour le résoudre. Le problème se situe radicalement dans les déviations du culte eucharistique. La solution exige la mise en oeuvre d'un culte eucharistique complet ainsi que l'Encyclique "Ecclesia de Eucharistia vivit" le définit.

La première directive de réforme est que toute règle édictée par le Concile doit être interprétée dans une parfaite adéquation avec la Tradition de l'Eglise. Aucune mise en oeuvre du Concile ne peut être admise qui contredise la Tradition de l'Eglise.

On accordera à ceux qui se pensent défenseurs de l'"esprit nouveau" du Concile et qui croient devoir à ce titre rejeter la Tradition, que la Tradition doit être débarrassée des habitudes routinières et des composantes historiques de simple conjoncture. Particulièrement, cette formation de la Tradition Vivante doit se faire en se fondant sur les apports du Concile.

En particulier, il est inadmissible que la formulation contemporaine de la Tradition Authentique se fonde sur un prétendu retour à une quelconque pureté des origines, en ce sens que l'analyse archéologique de textes ou de rites, tenus pour des raisons plus ou moins scientifiques comme les plus proches des premiers Apôtres, confèrerait une quelconque authenticité ou infaillibilité à de telles élucubrations.

En se référant tant aux enseignements magistériaux de Jean-Paul II qu'à ceux de Benoît XVI, la seconde directive de réforme est la remise au centre de tout de la Rédemption par le Seul Sacrifice Sanglant du Christ, rendu Présent par le Sacrifice eucharistique offert par le Christ pour former son Eglise, et célébrée par l'Eglise qui en fait la mémoire pour en vivre jusqu'à la fin des temps.

Il résulte de cette exigence que la réforme romaine du Concile rendra au culte eucharistique sa gravité terrible, caractère terrible rendu évident par la considération du péché de tout homme et par l'immensité de la miséricorde divine. Particulièrement, le rite ordinaire fondé par le Concile doit être reconsidéré à la lumière du rite extraordinaire comme expression conforme de la Tradition Vivante de l'Eglise en en reprenant les éléments qui découlent de la réforme voulue par le Concile avec l'appui constant des Papes.

On conçoit ici que la question centrale de la communion des évêques avec le Pape devrait être reconsidérée. Si autrefois la distance rendait la communication hiérarchique dans l'Eglise plus lente, les moyens modernes de communication, sans déposséder les évêques de leur légitime pouvoir, permettent au Pape d'exercer son autorité en matière de discipline ecclésiastique et de force de la foi à l'égard des Evêques et des chrétiens qui ne sont pas dans la dépendance d'un Evêque.

Particulièrement, de très nombreuses déviations ont pu se donner libre cours parce que la puissance judiciaire tant de l'évêque que celle du Pape, ne s'est pas déployée correctement. Au contraire, de nombreuses situations ont montré le succès de menées hérétiques d'une gravité exceptionnelle au sein de l'Eglise romaine elle-même. Le défi de l'Eglise est de parvenir, pour le bien des fidèles et la pureté du Sacrifice eucharistique qu'elle offre, à éliminer l'erreur ou, à tout le moins, à la dénoncer comme telle pour éviter que des fidèles soient trompés et que Notre Seigneur en soit offensé.

o o o


La crise de l'Eglise se résoudra et elle est en cours de résolution. Il faut mettre de côté les mesures accessoires qu'on a eu trop tendance, dans les quarante dernières années, à placer au centre de la vie de l'Eglise, et revenir au coeur même du Mystère de la Foi, l'Eucharistie, Présence et Règne du Christ parmi nous, ici et aujourd'hui, comme partout et toujours.

o o o