Une continuité entre l'avortement et l'infanticide
Philippe Brindet
16 juin 2009


Plusieurs affaires sont récemment données en pâture au public. La découverte de cadavres de bébés congelés en Corée donne lieu en France à un procès assez étonnant. Mais d'autres affaires, entièrement franco-françaises, ont été simultanément révélées aussi bien par des annonces d'enquêtes de police, d'arrestations que de procès.

Par exemple, une manipulation d'opinion se fait jour autour d'un concept atténuant de responsabilité, le déni de grossesse. Le gynécologue-obstétricien Nisand a été promu par les médias, porte-drapeau de cette thèse. La mère ne sait pas qu'elle est enceinte, refuse de savoir qu'elle enceinte et, condition supérieure, mais jamais soulignée dans ce cas, son entourage ne découvre pas qu'elle est enceinte. Plus encore, il n'est même pas certain qu'elle produise elle-même un geste meurtrier parce que l'accouchement solitaire à la maison induit un risque d'accident mortel pour l'enfant qui rend plus difficile la découverte d'un geste meurtier de la mère.

Mais, même dans le cas de la découverte d'un geste d'infanticide, si la pathologie psychiatrique de la mère réalise un véritable déni au sens freudien par refoulement dans l'inconscient, il est alors impossible de mettre en cause la responsabilité pénale de la mère. Voilà la thèse qu'on a entendu toute la journée de lundi.

A contrario, et celà a été soulevé le lendemain, que la mère puisse masquer inconsciemment sa grossesse à son entourage paraît impossible à admettre. Dès lors qu'il y a manoeuvre de dissimulation au public de l'état de grossesse, le déni ne peut être inconscient. Il s'agit d'autre chose. Il n'est donc pas possible d'exonérer les mères infanticides par la technique du déni de grossesse, sauf dans certains cas, particulièrement quand la déformation corporelle de la femme et ses modifications hormonales ne sont pas apparentes aux proches de la mère pendant la durée de la grossesse. Rare.

Ceci n'a pas empêché certains groupes liés à diverses écoles psychanalytiques de tenter d'insinuer que le déni de grossesse expliquait par nature ce genre d'infanticide et, qu'à tout le moins, il y avait obscurantisme à taxer la responsabilité de mères souffrant d'une trouble psychanalytique.

A peine esquissée dans la presse, les autorités qui s'occupent de contrôler l'opinion ont lancée come une réplique l'expression de l'idéologie contraire, celle qui tient le prétendu déni pour un mensonge avoué. Et cette opinion a l'avantage d'expliquer l'ignorance de l'entourage par des manoeuvres de dissimulation de la femme enceinte et menteuse, ses manoeuvres "démontrant" d'ailleurs son intention criminelle.

Or cette opinion, moins "irrénique" que la précédente, est presque aussi criticable qu'elle. En effet, l'opinion du mensonge de la mère infanticide est auto-explicative et n'est donc pas contestable. Si la mère a éliminé l'enfant de sa grossesse, c'est grâce à la dissimulation de sa grossesse à ses proches. Ce qui "démontre" la préméditation de l'infanticide. Il y a comme un cercle vicieux.

Il semble donc que, dans la généralité de l'infanticide de nouveau-nés, la seconde hypothèse du mensonge de grossesse ne soit pas plus explicative que celle du "déni de grossesse".

Bien entendu, il existe une infinité de "raisons" possibles pour qu'une femme, qui a dissimulé sa grossesse, couronne cette prouesse par l'infanticide. Particulièrement, il y a l'hypothèse du ressentiment de la femme contre le "mâle" qui a causé sa grossesse non assumée. Ce ressentiment tend à punir le père en lui ôtant sa paternité en supprimant l'enfant-né. On pourra admettre que le fameux "projet parental" pourrait se trouver résilié par une querelle, par exemple non exprimée, entre la mère au début de grossesse et le père biologique. Ce dernier est puni par la femme par l'infanticide. On n'aborde pas souvent cette motivation. Elle pourrait être à la fois essentielle et fréquente. Mais, même cette hypothèse est difficile et criticable à cause de la liberté quasi universelle de la femme de recourir à la contraception et à l'avortement.

Il existe au moins une autre motivation, pour laquelle, comme les autres, l'auteur de ces lignes ne connaît aucun fait qui la soutienne dans les affaires connues ces jours-ci. Mais elle se présente comme une hypothèse aussi probable que beaucoup d'autres sur un nombre suffisant de cas réels.

Ainsi qu'il est connu, deux techniques de limitation des naissances, à savoir la contraception et l'avortement, sont à la fois très utilisées et fortement promues. Par exemple, on comptabilise en France 250.000 avortements sur 800.000 naissances, ce qui signifie que un enfant sur quatre qui pourraient naître, est éliminé. 1 sur 4 ... Les chiffres dénoncent l'effrayante cruauté de notre civilisation.

Mais il y a une autre chose qui est connue sous une certaine forme. On sait que les femmes ont été conquises par les techniques d'avortement et de contraception sur la base d'une revendication du mouvement féministe issu de Mai 68 selon laquelle la femme dispose de la propriété de son propre corps, fut-il ou non maternel. Il s'en est suivi l'idée, à la frontière entre la psychologie et la psychiatrie, selon laquelle l'enfant appartient physiologiquement à sa mère qui dispose sur lui d'un droit irréfutable de vie et de mort sur l'enfant qu'elle porte. Le mâle ou tout autre individu cause participante à cette grossesse ne dispose d'aucun droit puisqu'il n'a aucune responsabilité physiologique dans la grossesse.

Il en résulte que, lorsque la mère forme le désir de supprimer l'enfant qu'elle porte, ce désir est légitime en ce sens que la légitimité se fonde sur une réalité physiologique incontournable, et aucun droit ne peut venir entraver sa liberté. Particulièrement, l'idée à la base de la législation mondiale sur l'avortement - que le foetus n'est pas une personne et que la loi ne lui doit aucune protection - fonde le droit de la femme enceinte, au moins pendant un certain délai à compter de la conception, à disposer de la vie et de la mort de son enfant. Et ce "droit" terrible à l'avortement n'est pas controlable par le père biologique mais seulement par la mère parce qu'elle a un droit physiologique sur lui.

De nombreux infanticides de nouveau-nés sont réalisés dans les toilettes, parfois même dans des lieux publics comme les toilettes d'un avion de ligne. Le récit de ces atrocités ne peut mieux soutenir la thèse de ce prétendu droit de la femme à disposer des produits de son propre corps, et de considérer l'enfant qu'elle porte comme un excrément, si tel est son "bon plaisir", comme disait de sa loi le roi de France.

Lorsque le délai légal d'avortement est dépassé, le foetus est toujours autant dans la dépendance phsyiologique de sa mère. Et celle-ci ne peut avoir une autre position juridique à l'égard de ce foetus qui est un simple produit de son propre corps dont elle sait par l'irresponsabilité sociale de la promotion du féminisme libertaire" qu'elle a un droit absolu de disposition.

Certains "casuistes" ont imaginé de limiter ce droit de vie ou de mort de la mère au delà de la sortie du ventre maternel parce que lorsque le cordon ombilical qui lie l'enfant à la mère est rompu, la responsabilité physiologique de cette dernière est terminée. On remarque que si le crime est constitué seulement si la mère exécute l'infanticide lorsque l'enfant est encore lié au cordon, alors on peut se poser la question du progrès moral de l'humanité.

Mais on remarque à nouveau que le statut de l'embryon qui n'accèderait à la nature humaine qu'à l'extinction d'un délai légal déterminé par la loi, est commandé par une erreur anthropologique fondamentale. La nature humaine ne s'acquièrt en rien par l'indubitable lien physiologique à la mère. L'affirmation du contraire sert seulement de moyen de négation à la date d'acquisition de la personnalité humaine. Et l'irresponsabilité historique de notre civilisation a instillé dans l'esprit des femmes que l'enfant est d'abord un produit physiologique qui leur appartient.

La dissimulation, même pour des causes inconscientes, de la grossesse pourrait donc être incitée par l'idéologie du féminisme libertaire, contraceptif et abortif. Et l'infanticide est légitimé par cet incontrolable glissement de la conception à la naissance du droit de la femme à la disposition de son propre corps et de ses produits.

La vie humaine dans la civilisation occidentale est devenue une simple erreur d'application du "droit à l'avortement".

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