Des prêtres-ouvriers PO en 2009
Philippe Brindet
10 juillet 2009


Il reste encore des organisations de prêtres-ouvriers issus du mouvement de l'abbé Godin. Et il semble que, bien qu'elles soient soutenues par les organisations de gauche de tradition anti-religieuse, elles ne recrutent plus vraiment et vieillissent encore plus vite que le reste du clergé catholique. L'une d'entre elles dispose d'un site : http://assoc.pagespro-orange.fr/pretres.ouvriers/. Ce sera la base de la présente étude.

Que représente aujourd'hui le mouvement des prêtres ouvriers ?

Tout d'abord, il semblerait que le mouvement des prêtres ouvriers, initié dans le diocèse de Paris par la décision peu inspirée du Cardinal Suhard de janvier 1944 en pleine occupation, soit resté limité à la France, malgré ses prétentions à une envergure internationale. De même, alors que le soutien des évêques, même de ceux qui prétendaient avoir des préventions à leur encontre quand leurs opposants les questionnaient, semble se raréfier. Ainsi, réunis en 2008 au centre de conférences de Valpré à Ecully dans le Diocèse de Lyon, les prêtres-ouvriers se sont sentis bien peu soutenus. Le quotidien La Croix faisant un reportage de ce rassemblement de Valpré dans son édition du 14 mai 2008 rapportait [1] :
« C’est la première fois qu’un évêque ne reste pas avec nous tout au long de la rencontre nationale, grommelle un membre de l’assistance. Il fut un temps, dans les années 1970, où six évêques étaient présents. »
Les P.O. étaient alors 800. Ils seraient aujourd'hui 300 dont une quarantaine en activité. Selon le même article de la Croix :
"... seuls deux prêtres les ont rejoints depuis six ans. L’un, récemment ordonné, est laveur de vitres dans le diocèse d’Albi. Le second, ancien curé de paroisse, est tourneur-ajusteur dans le diocèse de Versailles."
Revendiquant dans certaines pages (anciennes ?) 500 membres, les mouvement des "PO" semble ne plus indiquer que 270 membres répertoriés. Les photographies de réunions tenues depuis 2000 montrent une assemblée de retraités, ou de grands vieillards. Ces réunions ne sont pas sans noblesse. Mais on note que le mouvement PO a été extrêmement important dans l'ancrage profond des gallicans dans le socialisme le plus extrêmiste [2].

On note cependant que le siège de leur association se trouve à Montreuil en Seine-Saint-Denis, de l'évêché de Saint-Denis qui leur loue un appartement au dernier étage d'un immeuble parroissial [3] avec son "soutien affiché". De même, les PO semblent soutenus par les Assomptionnistes de Valpré où ils ont tenus un rassemblement à la Pentecôte 2008 [4]. Le mouvement des prêtres ouvriers peut encore compter sur un soutien traditionnel des bureaux de l'Episcopat français. Le mouvement des "PO" ne se trompe pas d'ennemi d'ailleurs en relayant sur plusieurs pages (accident de "copier-coller" ?) un communiqué de trois évêques directeurs de commissions de la CEF.

Parmi les mouvements anti-chrétiens qui les soutiennent, on peut compter la JOC et les mouvements les plus douteux comme les réseaux du Parvis ou NSAE, des mouvements altermondialistes comme ATTAC ou des syndicats, réduits à la CGT et à la CFDT. Et aussi semble-t'il, le mouvement de l'écologie politique qui tient de nombreuses associations obscures. On peut trouver le patronnage d'un député européen "Vert" [5].

Ils le reconnaissent eux-mêmes [6] : l'effondrement du soviétisme et du pur maoïsme que les PO tenaient dans les années 60 pour les libérateurs de l'humanité et, de plus, le rétrecissement de la classe ouvrière provoqué par la désindustrialisation de la France, ne devrait pas ouvrir d'avenir pour le mouvement PO. Les théoriciens du mouvement PO tentent de le prolonger du monde ouvrier au monde du travail. Mais, là, le pas est trop grand. De plus, le mouvement PO n'a plus de militants.

On pourrait se réjouir de cet essoufflement de l'un des mouvements les plus pervers du catholicisme français. Malheureusement, l'idéologie du mouvement PO dérive directement de l'idéologie du clergé janséniste, gallican et richériste qui a produit ls aspects les plus terroristes de la Révolution de 1793. Et c'est cette idéologie qui était à l'oeuvre dans les actions du cardinal Feltin et dans les hérésies des dominicains Chenu et Congar et de tant d'autres.

Quelle a été l'idéologie du mouvement PO ?

Le motif central du mouvement PO peut se résumer ainsi. Le chrétien est l'homme qui se met à la suite du Christ. L'Evangile nous dit que le Christ est notre frère qui souffre. Le monde ouvrier est opprimé et souffre, le chrétien doit donc s'insérer dans le monde ouvrier et se mettre à sa suite, puisque, opprimé et souffrant, il est le "Christ de l'Evangile".

Une fois compris le motif central de l'idéologie PO, on perçoit combien n'importe quelle folie est alors permise. Par exemple celle-ci extrêmement répandue qui, avouée avec plus ou moins de tartufferie, consiste à identifier l'eucharistie avec le repas partagé avec les ouvriers. Ou encore cette posture selon laquelle "on ne fait plus de sermon, mais on est à l'écoute" [7].

La critique interne du mouvement, c'est qu'il est bien sûr paradoxal de prétendre annoncer un "évangile" en écoutant. Prétendant témoigner, les PO n'ont en rien porté l'Evangile au monde ouvrier qu'ils ont au contraire trahi en lui imposant, avec une fougue pathologique, le socialisme le plus révolutionnaire. Ouvrant leur Rencontre de Valpré en 2008, la Croix rapporte :
" « C’est nous les canuts ! » Comme un seul homme, les prêtres-ouvriers se mettent debout et entonnent le chant de révolte lyonnais signé Aristide Bruant. Un chant rassembleur pour ces « P.O. », ..." (article cité)
Nous sommes en 2008. L'Union soviétique s'est effondrée, laissant place à la Russie chrétienne de l'orthodoxie slave. La Chine maoïste est encore une dictature. Mais elle est devenue militaro-industrielle. Et en 2008, le chant des canuts, c'est la mythologie la plus imbécile des révolutionnaires, braillée par deux-cent cinquante retraités de la CGT qui s'intitulent prêtres, comme Joseph Lebon, le bourreau d'Arras en 1793.

Il est tout à fait intéressant de noter que Chenu et Congar font partie des référents que se donne le mouvement PO [8]. On y note les Cardinaux Feltin et Liénart, et le mouvement PO révèle que :
"... le cardinal Feltin prend une part active au IIe concile du Vatican. C’est lui qui demande que, dans la liturgie, l’on substitue les langues vivantes au latin, ..."
Cette exigence était déjà celle des prêtres constitutionnels de 1791 avec les évêques Grégoire et Linguet. Les progressistes qui ont pris le pouvoir dans l'Eglise sont des intégristes figés sur les certitudes terribles de Robespierre et de Saint-Just, de Lebon et de Grégoire.

Pourquoi mettre en cause le mouvement PO ?

On peut être révolté par la mise en cause d'un mouvement qui a duré plus de cinquante ans, par la contestation d'un mouvement soutenu pendant des dizaines d'années par de nombreux évêques français. Plus encore, les prêtres-ouvriers n'ont jamais été mis en cause que par des ennemis de la Réforme Conciliaire de Vatican II, qui en récompense ont souvent été accusés d'être de dangereux extrêmistes de droite, nostalgiques de régimes honnis. Et dans cette polarisation entre bons et mauvais, toujours réversible, aucune paix, ni aucun progrès ne peut ressortir.

Ami lecteur, si tu es chrétien, informes-toi. Lis les articles de cette Revue. Lis d'autres ouvrages, et de plus savants. Relis, la dernière Encyclique de Jean-Paul II, Ecclesia de Eucharistia vivit. Puis, si Jean-Paul II a ébranlé tes certitudes, lis Sa Sainteté Paul VI, dans une formidable Encyclique, Mysterium Fidei.

L'Eglise aura été victime de la tolérance. Si la tolérance est une vertu pour atteindre le bien vivre ensemble, elle peut aussi porter une atteinte intolérable à la Vérité. La tolérance de l'erreur est l'intolérance de la Vérité. Et la tolérance dans la Vérité exige l'intolérance de l'erreur.

Et la fraternité dans ce débat ? Telle est la question que nous pose Benoït XVI dans sa Lettre aux Evêques du monde entier, lors de l'Affaire de la levée des excommunications lefebvristes, quand il cite saint Paul avertissant les Corinthiens : "Vous allez vous dévorer les uns les autres". Quel terrible débat pour celui qui a reçu la charge de lier et de délier dans l'Eglise.

o o o


Notes

[1] Rapporté sur le site des PO à la page.

[2] Citation de la page :
Entre 1968 et 1976, le nombre de prêtres-ouvriers devient important, comme en témoignent ce quelques chiffres :
- Mai 1969 : 169 dans 37 villes
- En 1970 : 287 dans 75 villes
- En 1972 : 521 dans 146 villes
- En 1974 : 756 dans 200 villes
- En 1976 : plus de 800 en France, non seulement dans des villes, mais aussi itinérants à travers les grands chantiers du bâtiment et travaux publics, dans la navigation, dans l'hôtellerie.
Puis une lente décroissance produite par les décès du grand âge et le manque d'entrées.

[3] Citation de la page :
Changement De Tolbiac à Voltaire

Nos recherches d'un nouveau lieu d'implantation nous ont permis d'obtenir de l'évêché de SaintDenis (93) un accueil des plus favorables et une location au 2è étage d'un immeuble de la paroisse Saint André de Montreuil.

Plus grande superficie, loyer raisonnable, proximité immédiate de Paris et surtout sympathie affichée de l'évêché par rapport à ce que représentent les PO pour le diocèse.

Tous éléments qui ont conduit l'équipe nationale à donner son accord pour ce nouveau lieu d'implantation du secrétariat à partir du 23 novembre 99 au 47 rue Voltaire 93100 Montreuil.
On notera l'affichage de la sympathie de l'évêché de Saint-Denis "par rapport à ce que représente les PO pour le diocèse".

[4] Citation de la page :
Valpré est un vieux domaine à Ecully, en bordure de Lyon : la ferme et le château datent initialement des années 1680, suivi d’une reconstruction en 1870.

En 1947, la Congrégation religieuse catholique des Augustins de l'Assomption (Assomptionnistes) acquiert cette propriété. Elle y bâtit en 1952 un immeuble pour y former des jeunes religieux.

Une communauté y réside toujours. Elle contribue discrètement à l'animation de ce lieu à travers des échanges et des propositions de réflexion.

Elle gère également la bibliothèque de Valpré qui comprend 80 000 ouvrages.

En 1970, Valpré devenu maison d'accueil s'ouvre au grand public. De par sa situation exceptionnelle à Lyon et après une rénovation complète en 1997 elle accueille aujourd'hui 60 % de clientèle d'entreprises venues de toute la France et de l'étranger.
Il faut donc compter les Assomptionistes de Lyon comme soutiens du mouvement PO.

[5] On rappelle le travail de sape conduit depuis cinquante ans par l'enseignant François Houtart (prêtre du diocèse de Malines) à l'Université catholique de Louvain, expert au Concile et grand animateur du mouvement de la Théologie de la Libération. Il se serait recyclé récemment dans l'écologie politique en lien avec le mouvement d'éthique mondiale de Hans Küng. Il a fait un travail considérable pour la faction la plus proche du socialisme de l'Eglise puisse avoir des liens avec l'écologie politique et l'altermondialisme.

[6]

[7] Voir la page :
Ces prêtres ne font plus de sermon, mais ils sont dans un dialogue quotidien, plus amenés à répondre à des étonnements, des questions, qu'à prêcher. Leur attitude est souvent plus parlante que leur parole.

Un théologien qui n'est pas prêtre-ouvrier, a dit récemment "les prêtres-ouvriers ont déplacé le sens du sacré dans l'Église. Il n'est plus réservé à l'intérieur des églises, il est placé dans l'être humain".
On remarque que si un prêtre ne fait plus de sermon, c'est qu'il ne célèbre plus la Sainte Messe. Et si un prêtre déplace hors de l'Eglise qui est faite par l'Eucharistie, le sens du sacré, c'est que le prêtre rejete l'Eucharistie. On ne peut mieux exprimer que les PO n'ont jamais été des catholiques et encore moins de prêtres.

[8] Voir la page.