La justice vers la vengeance
Philippe Brindet
14 juillet 2009


Le procès de la bande qui a kidnappé par ruse, enfermé, torturé, puis assassiné Ilan Halimi, parce qu'il était juif, s'est terminé par un verdict. Sous la pression d'associations juives, mécontentes du peu de sévérité du verdict contre les membres de la bande, un appel a été introduit. Le Monde écrit :
"En fin de matinée, lundi 13 juillet, le procureur général de Paris, Laurent Le Mesle, a reçu un coup de téléphone du directeur des affaires criminelles et des grâces, Jean-Marie Huet, qui l'a enjoint de faire appel du verdict rendu vendredi 10 juillet par la cour d'assises de Paris contre quatorze des coaccusés ..."
On peut penser que des pénalistes pourraient, dans six mois, après moults discussions entre spécialistes, critiquer le verdict pour ce genre de raisons. Mais que des parties civiles, et qui plus est, des organisations communautaristes, exigent de l'Etat qu'il fasse appel, celà pose deux questions. Tout d'abord, comment l'Etat peut-il déjuger le président de la Cour criminelle et le jury populaire ? On sait bien que les parties civiles ne pouvaient pas former elles-même un recours contre la décision de la Cour criminelle. De là à instrumentaliser les "bonnes relations" entre le gouvernement et les organisations communautaristes, à condition qu'elles ne soient pas catholiques, il y a un pas qu'il est extrêmement regrettable qu'on l'ait franchi. Un président de syndicat de magistrats aurait regretté que :
"... on est passé dans un système où la partie civile peut potentiellement exercer une sorte de vengeance privée ..."
On peut penser que la chose est encore plus grave. Les parties civiles semblent, maintenant de manière habituelle, considérer l'Administration de la Justice comme un instrument de la vengeance privée sous le contrôle de l'Etat, lui-même sous le contrôle des organisations capables de lui faire pression. Si le verdict est suffisamment grave, les "victimes" se tiennent pour satisfaites. Dans le cas contraire, elles exigent l'intervention de l'Etat dans le cours de la Justice.

Il y a manifestement violation du principe de séparation des pouvoirs et remplacement du principe d'équité par celui de vengeance suffisante. La route vers la barbarie est ouverte.

Ceci étant dit, l'auteur de ces lignes regrette que la peine de mort ne soit pas applicable à ce crime dans l'état de la société politique dans laquelle nous vivons. Il soutient par ailleurs l'idée qu'il y a plus de deux siècles que cet état s'est perdu.

Quatorze juillet ou pas.

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