Une réflexion ternaire d'économie politique
Philippe Brindet
7 août 2009


Malgré une bizarre crise économique sur laquelle il y aura beaucoup à dire un jour ou l'autre, le capitalisme est donné triomphant partout. Dans le même temps, le socialisme triomphe aussi partout. Mais, le premier triomphe dans la sphère économique tandis que le second triomphe dans la sphère politique.

Le capitalisme triomphe dans la sphère économique. Le monde du début des années 80 était partagé en trois zones : la zone capitaliste, la zone communiste et la zone tiers-mondiste. Aujourd'hui, le communisme ne survit plus que sous une forme militaro-capitaliste en Chine. Il subsiste quelques pays encore communistes comme la Corée du Nord ou le Vietnam. Mais, ils ne comptent plus que par leur éventuelle capacité de nuisance militaire ou plutôt terroriste.

Dans le même temps, le "Tiers-Monde" a littéralement disparu. Non pas que la pauvreté ait disparue parmi les 187 Etats du monde, bien au contraire. Mais dans les Etats de l'ancien Tiers-Monde, il semble que les uns aient accédé à la puissance économique qui les aligne sur le reste du monde capitaliste - on citera l'Inde, le Brésil, le Mexique - tandis que d'autres ont sombré dans une telle misère qu'il ne semble plus possible de les agréger à un quelconque ensemble international - on pense à la Somalie et au Soudan.

Par ailleurs, le capitalisme se distingue comme un régime économique dans lequel le travail est délibérement séparé de l'outil de production et peut servir ainsi de variable d'ajustement financier. On entend par là que, au lieu d'être tenu pour une richesse, le travail est une charge pour le capitalisme. Et partout, dans la période de crise de l'été 2009, on voit les entreprises se libérer de la charge des salaires au profit de la rénumération du capital.

Le socialisme triomphe dans le même temps dans la sphère politique. Il ne s'agit bien etendu pas du socialisme de type léniniste ni trotskyste, mais d'une social-démocratie qui joue la comédie de l'intellectualisme marxiste. Ce régime social-démocrate qui se joue à lui-même la farce du marxisme de salon est typique de pays finis comme la France.

Il s'agit de faire croire aux électeurs que les travailleurs sont défendus face à ce que le discours "politique", comme il prétend l'être lui-même, appelle les dérives du capitalisme. Pour éviter les mots qui fâchent, on parle alors du libéralisme ou de "libre-échangisme".

D'où des mesures à faire pleurer de rire un escadron de croque-morts comme la régulation des primes accordées aux prétendus dirigeants de grandes entreprises ou aux opérateurs des marchés boursiers électroniques. Au nom de la vertu ...

Dans le même temps, les patrons de ces entreprises sont en général des fonctionnaires du Ministère des Impôts et les opérateurs boursiers finissent par émarger sur les rôles de l'INSEE ou d'obscurs services statistiques de Paris ou de Bruxelles.

Mais, la presse aux ordres persuade le public qu'il s'agit de mesures essentielles de moralisation du capitalisme !

Pendant ce temps les salariés sont impitoyablement licenciés et les outils de production détruits de sorte qu'aucun redémarrage économique n'est possible à moins d'une révolution.

En effet, il n'est pas difficile de remarquer que le capitalisme et le socialisme, chacun dans sa sphère, se partage le même groupe humain qui forme les salariés pour le premier et les assujettis pour le second.

Dans la sphère économique, le salariat est essentiellement une subordination au capital, tandis que dans la sphère politique, la citoyenneté est essentiellement un assujettissement au pouvoir policier de l'état.

Il n'y a plus que les intelligences trompées qui imaginent que le socialisme étatique puisse régenter le capitalisme privé. Il n'y a plus que les intellectuels français pour croire que le capitalisme privé cherche à échapper à la souveraineté du socialisme d'Etat, quand leur coopération est complète.

Regardez l'impôt sur le capitalisme. Il est défini par une formule simple, à la portée d'un enfant du certificat d'études d'il y a cinquante ans : I = A x T. L'impôt est égal au produit de l'assiette A par le taux T. Le capitalisme fixe la valeur de l'assiette A, l'état fixe la valeur du taux T et espère percevoir l'année suivante l'impôt I.

Le capitalisme privé subit-il une charge qu'il tient pour trop importante ? Il lui suffit d'organiser une pénurie. Son revenu s'effondre et avec lui, les prébendes de l'Etat et la paix sociale. Le socialisme étatique se calmera.

Le socialisme étatique désire t'il augmenter ses revenus ? Il n'a qu'à susciter un mouvement d'opinion pour valider une hausse du taux T de l'impôt sur le capitalisme. Les entreprises paieront d'autant plus volontiers l'accroissement DI que cette hausse DI s'intègre dans les charges de l'année suivante, que ces charges sont perçues par les entreprises dans le chiffre d'affaires, payé par les assujettis de l'Etat et, avec le système marginaliste qui règne dans l'économie actuelle, plus les impôts sont élevés, plus les bénéfices augmentent !

Ainsi, plus les assujettis de l'Etat acceptent que soit augmenté l'impôt sur le capitalisme, plus le capitalisme augmente les prix qu'il perçoit sur les assujettis de l'Etat qui sont ses clients. Ce ne sont même plus des assujettis, ce sont des moutons et, pour parler comme Santanza dans "Les Sept mercenaires" de John Sturgess :
"si Dieu leur a mis de la laine sur le dos, c'est bien pour qu'ils soients tondus !",
Il suffit que les loups et les bergers s'entendent.

Et les deux pouvoirs - politique aux mains du socialisme et économique aux mains du capitalisme - s'appliquant sur le même public, sont nécessairement conduits à une entente produite par un abus de position dominante.

Qui le dénoncera ? Qui le fera cesser ?

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