Un point délicat de l'affaire Treiber

Philippe Brindet
24 octobre 2009

Un malaise sur l'affaire Treiber chez un ancien commissaire ...

Georges Moréas est un ancien commissaire de police qui, dégagé de l'obligation de réserve, a ouvert un blog fort intéressant, hélas sur le site du quotidien Le Monde. Même Georges Moréas n'est pas parfait ...

Georges Moréas a écrit un billet sur l'affaire Treiber dans la forêt de Bombon, qui laisse un sentiment de malaise. Par amitiés professionnelles - et animé par un pur esprit citoyen, nous n'en doutons pas - Moréas ne peut se joindre au concert de louanges décernées à un moderne Robin des bois qui échappe toujours au méchant sheriff de Nottingham ....

Le droit à l'image et le Code pénal d'exception

Ainsi qu'on le sait, l'évadé Treiber a été filmé à l'insu de son plein gré par des caméras installées dans un village de Seine-et-Marne. Puis, il a réussi à relever une "boîte à lettres" dans les bois, à la barbe des enquêteurs dépêchés dans ce qui ressemblait à un piège.

Georges Moréas souligne quelque chose d'intéressant :
"C’est une loi relativement récente (2004 et 2005) qui a institué un cadre juridique pour la recherche des personnes en fuite. Elle permet entre autres, à la requête du procureur de la République, d’installer des écoutes, des surveillances techniques, etc.

Avant cette loi, on se débrouillait. Les anciens étaient-ils meilleurs ? Évidemment, non ! Mais ils compensaient le manque de moyens techniques par la fantaisie, l’initiative, le flair peut-être ! Et lorsqu’on loupait une affaire, c’était à l’abri des caméras.
"
Une relecture du Code pénal s'impose ici. L'article 706-96 tiré de la loi 2005-1549 et citée par Moréas, donne au juge d'instruction le pouvoir (et non le droit, la nuance est évidente) d'autoriser les enquêteurs à placer des micros espion dans des lieux privés ou publics et des caméras dans des lieux privés.

Un micro n'est pas une caméra et inversement

La différence de traitement entre les micros et les caméras est intéressante à plus d'un titre. Tout d'abord, une Loi n°95-73 du 21 janvier 1995, dans un article 10 II sur la vidéosurveillance, a limité le droit de l'Etat d'installer de la vidéosurveillance dans les lieux publics. On peut donc penser que cette différence de situation entre les microphones et les caméras provient de la loi de 1995.

Treiber sera-t'il arrêté de manière pénalement régulière ?

Ensuite, ce sont bien des images de Treiber qui ont été enregistrées et non pas des conversations qu'il aurait eu dans le domaine public de la forêt de Bombon ou du village de Seine-et-Marne. Il ne pourrait donc pas s'agir d'une procédure selon l'article 700-96 du Code Pénal. Mais alors de quelle procédure s'agit-il ? On n'ose imaginer que ces caméras aient été placé en fraude de la loi.

Le refuge forestier

Mais la mémoire revient d'un passé terrible.

Lorsque les jacobins persécutaient les prêtres, les royalistes, puis les Girondins, les modérantistes, les Enragés et tous ceux qui leur déplaisaient, ces derniers s'enfuyaient souvent en forêt, dernier réfuge d'alors que les églises avaient toutes été violées. La "République" envoyait alors ses colonnes infernales qui brûlaient les villages accusés d'apporter une aide à ces "ennemis". "Force doit rester à la Loi", disaient-ils en rentrant de leurs expéditions, les sacs gonflés du pillage. Lisez Quatrevingt-Treize de Victor Hugo.

Peu après, lorsque les jeunes conscrits de Napoléon tentaient de se dérober aux brutales réquisitions de la Grande Armée, c'est aussi en forêt qu'ils se sont réfugiés.

Lorsque les bolchevicks établirent leur régime de terreur en 1917, les gens s'enfuyaient aussi dans la forêt russe. Lisez Docteur Jivago de Pasternak.

Plus près de nous, quand les français voulurent résister à l'oppresseur nazi, ce fut souvent en forêt que les groupes armés se réfugièrent.

La traque de Treiber ne rappelle pas de bons souvenirs à la liberté.

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