Des relations léninistes de Emmanuel d'Astier de la Vigerie

Philippe Brindet
24 mars 2010


Emmanuel d'Astier de la Vigerie se promène dans l'Histoire moderne aux confins du gaullisme et du Parti communiste, balloté entre la "Révolution nationale" et la "Résistance des forces de progrès". Il est très difficile de comprendre ce positionnement.

Une pieuse biographie d'un neveu vient de paraître qui apporte un éclairage plus intense sur le personnage. Mais, ignorance ou autre "point de vue", les ombres demeurent. Or d'Astier est accusé par certains de faire partie des chrétiens progressistes. Ainsi, d'Astier peut intéresser à plus d'un titre. Permet-il de comprendre la France d'aujourd'hui ? Voyons.

Il aurait épousé, en secondes noces comme on disait alors, une Soviétique, fille d'un membre du Comité Central du Parti de l'Union Soviétique, le léniniste Leonid Krassine. Cet individu fut l'un des assassins qui servirent Lénine en 1917 à prendre le pouvoir dans le sang, et à s'y maintenir par des exécutions massives. Ingénieur de formation, Krassine avait été un activiste social-démocrate avant 1908, puis réfugié dans les "affaires" après l'échec de la Première Révolution russe. Pour expier ce passé à la fois "réformiste" et "bourgeois", Krassine, rentré avec Lénine en Russie, s'était senti obligé, comme beaucoup, de prouver son attachement à la "Révolution" par un excès de zèle. Krassine est mort en 1926 dans une clinique privée de Londres et ses cendres ont été déposées solennelement au Kremlin.

Voilà le "joli-papa" que s'était choisi Emmanuel d'Astier de la Vigerie. Il faut noter que Krassine était mort depuis longtemps (1926 à Londres), quand d'Astier s'est asservi à "l'amour" de Lioubov Krassine. Selon certaines sources, d'Astier aurait connu Krassine en 1944 à Moscou, où Maurice Thorez, Secrétaire Général du PCF, était réfugié depuis le 8 novembre 1939, sur l'ordre de Staline. D'Astier aurait préparé la visite en novembre 1944 de De Gaulle qui venait de confirmer l'ordre de fusiller Thorez comme déserteur en 39. Il a obtenu avec les "camarades" que De Gaulle se joigne à eux pour laisser rentrer Thorez. D'Astier serait rentré avec Lioubov ...

La nouvelle dame d'Astier de la Vigerie avait un temps était l'épouse du politicien Gaston Bergery. Radical-socialiste, Bergery était entièrement dans la main des services politiques soviétiques. Député du Front populaire en 1936, comme Charles Spinasse et pour les mêmes raisons que lui, il défend les Accords de Münich sur l'ordre des Soviétiques. Toujours sur l'ordre des soviétiques, il vote les "pleins pouvoirs" à Pétain en 40 et rédige la partie du discours de Pétain aux Français dans lequel le "Maréchal" engage la France dans la Collaboration. Toujours sur l'ordre de Moscou et avec Emmanuel Berl, Bergery rédige, l'appel de Pétain aux "travailleurs de France", qui est simplement un ordre du PCUS aux communistes français. Bergery explique d'Astier. Leur dénominateur commun, c'est Lioubov Krassine et les services politiques de l'Union soviétique.

A Londres en 1943, d'Astier avait déjà été approché par une autre bolchévick, Anna Marty. Avec Druon et Kessel, qui écrivirent les paroles, Marty écrivit la musique du Chant des Partisans en utilisant un chant de l'Armée rouge. Nous ignorons si Anna Marty avait un lien de parenté avec le dirigeant communiste, André Marty, que Thorez avait à l'époque rejoint à Moscou.

D'Astier, avec les Aubrac, fonde le quotidien Libération, soutenu directement par Thorez et le financement des services spéciaux soviétiques. Il est tout entier dans une alliance objective avec le PC et plus généralement avec le stalinisme, en tant qu'il est le véritable continuateur du léninisme. D'Astier était-il réellement communiste ? La question ne se pose pas en ces termes. Personne ne peut être "réellement communiste". Mais, d'Astier a fortement contribué à implanter durablement le léninisme dans la société française, comme une actualisation du robespierrisme de 1793.

Son journal Libération survivra plus de dix ans à la mort de Staline (1953) mais pas à celle de Thorez (1964). Le titre de presse et son positionnement idéologique léniniste seront repris par Sartre et July sous une forme dégradée, aujourd'hui "bourgeoise" jsqu'à l'écoeurement. Avec les Aubrac et bien d'autres, d'Astier de la Vigerie aura mobilisé une énergie indomptable à insuffler dans l'idéologie dominante en France les idées les plus néfastes et les plus perverses, notamment sur le sujet des Droits de l'homme qui, dans cette terrible mouvance, ne servent qu'à protéger les membres actifs du "mouvement". Les "autres" n'en sont pas ...

Après la faillite de Libération, on note que d'Astier fondera un autre journal, L'Evénement, et engagera comme journaliste un médecin communiste, un certain Bernard Kouchner (biographie), actuellement Ministre des Affaires Etrangères (voir le Portail du Gouvernement) d'un Président de la République française (voir le site de la Présidence), dont la "gauche", jamais en retard d'une Guerre, prétend "qu'il exhale une odeur vichyste" (Libération encore là). Ben voyons !...

Les idées les plus perverses continuent d'influencer l'idéologie dominante. Nous le devons certainement à la "romantique" Lioubova Krassine. Par Bergery et d'Astier de la Vigerie.

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