Un aperçu de démographie médiévale et de climatologiePhilippe Brindet06 mai 2010 |
Pierre Chaunu, récemment décédé, est un historien important. Parmi les sujets qu'il a traité se trouve l'histoire de la démographie du monde moderne. Il s'est bien entendu intéressé à la démographie du monde ancien, antique et médiéval. Dans son ouvrage, Histoire et décadence paru en 1981, page 203, Chaunu publie un tableau regroupant les recensions estimées de la population mondiale dans trois groupes :
On remarque que les masses humaines comptabilisées, ou plutôt estimées, se regroupent assez bien en trois masses relativement équilibrées : Chine, Méditerranée et reste du monde. Les droites de tendance sont aussi instructives :
La population humaine du Globe est stable entre -200 et +1000 et sa valeur moyenne est de 230 millions d'habitants. Ce qui est particulièrement intéressant est que, en l'an 1000, la population revient seulement à son niveau de l'an 200. On note une décroissance de l'an 200 à l'an 400, une stagnation de 400 jusqu'en 700, puis une croissance. On note que la croissance de la démographie globale accompagne l'avènement et la croissance de l'Islam. Une question est très à la mode : peut-on lier la démographie relévée ici avec les reconstructions historiques des températures climatiques ? Pour l'Europe, on utilise la courbe publiée par Mann et Jones en 2004 : Source : Jones, P. D., and M. E. Mann (2004), Climate over past millennia, Rev. Geophys., 42, RG2002. Le niveau "0°C" de cette courbe correspond à la moyenne des températures sur la période 1750-1949. Si l'on suit les creux des minimas de cette courbe qui démarre seulement en l'an 0, on remarque que les creux sont plutôt descendants de l'an 0 à l'an 530 environ. Par contre, les pics sont sensiblement positifs et restent au-dessus de 0°C d'anomalie par rapport à la période moderne 1750-1949. Dans la séquence suivante, du minimum le plus bas (-1,8°C) on note que les creux augmentent. Par contre, les pics des maximas de température sont plutôt négatifs. On note que ces deux périodes recouvrent assez bien les deux périodes de décroissance puis de croissance démographique méditerranéenne. Mais cette comparaison doit être écartée pour deux raisons nous semble-t'il :
Source : Jones, P. D., and M. E. Mann (2004), Climate over past millennia, Rev. Geophys., 42, RG2002. Il n'existe aucune indication sensible qui pourrait établir la température globale comme cause des variations démographiques globales de la période -200 à +1000 illustrée par la table de Chaunu 1981. On note que le monde de Chaunu est un monde qui est plutôt disposé dans l'hémisphère Nord. Or, si on se reporte aux travaux de Jones et Mann, il n'y a pas un meilleur signal d'influence du climat sur la démographie globale dans le détail entre l'hémisphère Nord et l'hémishère Sud. On remarque que, s'il était possible de trouver une causalité possible, qu'il faut écarter, avec la température d'une région limitée, l'Europe, le passage à de grandes masses empêche de relever des causalités. La raison serait que si le climat est un facteur causal de la démographie, ce qui n'est pas démontré ici, il ne serait qu'un facteur secondaire qui disparaît si on réalise des filtrages trop importants. |