Quelques notes sur Montaigne de Pierre Michel

Philippe Brindet
19 Septembre 2010

La question religieuse ne se pose plus

Lisant cet ouvrage datant des années 1970, on constate combien la question religieuse était encore présente dans la critique littéraire de ce temps passé. Quarante ans. Une nouvelle époque s'est installée dans laquelle la question religieuse est complètement obérée.

La question religieuse que posait encore Pierre Michel et les honnêtes gens de cette fin de Deuxième Millénaire était celle de savoir si le catholicisme de Montaigne l'emportait sur le scepticisme qu'il professe à longueur de ses Essais. Pierre Michel prend garde de trancher, se contentant de citer ceux qui tranchent. Et si les "philosophes" qui ne l'étaient pas, tenaient à un Montaigne "précuseur", la droite catholique exigeait la révérence à l'égard du "catholique" Montaigne. Quelle tentation ne subissons nous pas de trancher à notre tour.

Montaigne est un bourgeois qui épate les bourgeois

Mais s'il faut éviter de jeter à la face des gens des étiquettes ou de "pieux" jugements, catégoriques et définitifs, il faut quand même concéder que si le scepticisme de Montaigne est souriant, son catholicisme est particulièrement grinçant. Précurseur de Voltaire, comme lui, Montaigne, et avant lui Rabelais, sont annexés par les parangons de la bourgeoisie, au prétexte de beau style ou de "belle" pensée. Et les mieux révolutionnaires le honnissent, tant ils ressentent le "bourgeoisisme" du vieux Maire de Bordeaux, cossu et puant la vinasse des barriques en partance pour l'Angleterre, commerce oblige.

Le catholicisme de circonstance est celui de Montaigne

Montaigne a limité son catholicisme à déclarer qu'il serait nègre s'il était né en Afrique. Etant né dans le royaume de France, il se contentait d'être "catholique". C'est tout. Une sorte de dégénerescence du jus soli, en quelque sorte ...

Montaigne est représentatif du public catholique du II° millénaire

Comme ils sont nombreux d'ailleurs ces bourgeois, nés à l'ombre des clochers. Ils y entraient avec les gens convenables. Mais là aussi, les temps ont tant changé. En France, il n'y a plus de royaume - quoique, il y aurait quelque peu à redire sur cette abolition - les gens convenables se font voir à la sortie de débauches conduites dans des monuments historiques reconvertis en clubs de rencontres ou de réunions bourgeoises. Seuls, quelques misérables et rares domestiques fréquentent encore des offices religieux. Mais, on ne se dit plus guère "catholique" quand on naît bourgeois.

Eux savent ce qu'ils doivent penser du "catholicisme" de Montaigne. Et encore. Ils sont tant endoctrinés par la pensée unique et convenue qu'ils pourraient bien prendre le vaniteux Montaigne pour un "Père de l'Eglise".