Quelques réflexions sur une religion naturelle

Philippe Brindet
01 Octobre 2010


La question d'une religion naturelle semble ne se poser que depuis le catholicisme. Les athées semblent à peu près insensibles à cette question. Quant aux autres religions, comme le bouddhisme ou l'islam, elles rejettent de telles voies "parallèles". Aussi bien est ce depuis le catholicisme que ces lignes sont écrites, parce que cette question de la "religion naturelle" traverse la culture occidentale qui se dit parfois "héritière" du catholicisme.

La religion naturelle vue du catholicisme

Lorsque l'on pratique la religion catholique, la première chose apparente est qu'il existe une doctrine qui décrit ce que Dieu est, veut, fait. En dehors de cette doctrine, il existe très peu de faits matériels observables qui puissent apporter une quelconque connaissance sur Dieu.



Mais, cette expérience de la spécificité du catholicisme est réputée dans toutes les autres religions, à des degrés plus ou moins forts. Il en résulte qu'il existe une tentation irrésistible de rechercher s'il existe une sorte de tronc commun à l'ensemble des religions ou à des groupes de religions formés entre elles.

Les formations possibles d'une religion naturelle

La première formation de tels groupes provient de l'Histoire elle-même. Par exemple, le christianisme découle directement du judaïsme et, selon un aspect historique, l'islam hérite à la fois du judaïsme et du christianisme. Le catholicisme lui-même donne naissance à deux mouvements confessionnels : l'orthodoxie et le protestantisme. L'idée de rechercher des fonds communs est donc bien répandue chez ceux qui recherchent une forme de dialogue avec une autre confession, une autre religion.

La seconde formation de tels groupes se fonde sur l'idée que l'idée de Dieu ou l'idée de non Dieu peut venir chez tous et qu'il en résulte immanquablement qu'une sorte de méta-religion, ou de substrat pré-existant à la connaissance religieuse, doit exister dans la conscience de tout homme, même s'il ne se trouve jamais en contact avec le catholicisme.

Une troisième voie, qui ne cherche pas à regrouper des religions, mais au contraire à les supplanter, est même devenue prédominante. Beaucoup d'anciens croyants, principalement catholiques, exaspérés par les dérives inouïes du catholicisme, préfèrent forger une croyance à l'aide de ce qu'ils glanent de ci de là. Il en résulte souvent une sorte de religion naturelle, qui peut aller jusqu'au vieux panthéisme usagé de l'époque romaine. Parmi ceux qui l'ont le mieux illustrée à l'époque moderne, on citera Rousseau et Chateaubriand, qui inventent une sorte de Dieu Horloger, Père de la Nature, avec laquelle il se distingue bien peu.

L'hérésie du chrétien anonyme

Selon certains de ses propagateurs, Karl Rahner, expert au Concile Vatican II nommé par le Cardinal Koenig de Vienne, aurait développé un concept redoutablement dérivé de cette religion naturelle qui serait naturellement inscrite au coeur de l'homme. Allant un pas de plus que l'idée d'une simple théicité, Rahner prétend que la grâce divine fait de chaque homme un chrétien qui s'ignore. Le rôle de l'Eglise missionnaire se résume simplement à enregistrer dans le livre des baptêmes que le chrétien anonyme s'est découvert chrétien.
"Selon cette théorie et pour simplifier beaucoup, quiconque mène une vie droite et sainte sera sauvé qu'il soit catholique ou non, parce qu'il est un « chrétien anonyme » (orienté vers le Christ et sauvé par lui, sans en avoir un savoir thématisé)."
Source Wikipedia : article

Une naturalité chrétienne pour tous les bourgeois convenables ! Le "rêve", un Paradis où il n'y aura que des gens biens !

Cette naturalité chrétienne présente de nombreux "avantages". Le premier d'entre eux est d'étendre à l'ensemble de l'humanité le règne et la juridiction de l'Eglise catholique. Elle permet aussi d'enlever toute "magie" au don de Dieu puisque l'homme est "naturellement" chrétien. Le baptème est ainsi une simple reconnaissance communautariste du fait que le baptisé se déclare chrétien, non plus anonyme, mais nommé par la communauté qui le reçoit.

Ainsi dans de nombreuses paroisses catholiques, le baptême est défini et célébré comme un acte simplement social. Et l'hérésie se porte bien.

Nous pensons que cette hérésie redoutable, d'autant plus qu'elle n'aurait jamais été formellement condamnée par les ecclésiastiques responsables de la conformité de la Doctrine, dérive nécessairement de l'idéologie de la religion naturelle.

Aucune religion naturelle ne peut exister

En réfléchissant aux divers enjeux d'une religion naturelle, et de ce que les hommes en ont usés dans l'Histoire moderne, on peut aussi affirmer qu'il n'existe aucune religion naturelle en dehors du ridicule et primaire culte panthéiste ou de ses déclinaisons païennes.

Le Culte de l'Etre Suprême a été la meilleure illustration que toute religion naturelle ne peut que dégénérer en une effrayante parodie sans lendemain. Le 8 juin 1794, en application d'un décret de la Convention du 7 mai 1794, Robespierre préside une célébration de l'Etre Suprême à Paris dans une scénographie de David. Robespierre avait été scandalisé par l'athéisme promu par le culte concurrent de la Raison des hébertistes.
"Il leur opposa une religion naturelle - reconnaissance de l'existence de l'Être suprême et de l'immortalité de l'âme - et un culte rationnel (institution des fêtes consacrées aux vertus civiques) dont le but était, selon lui, « de développer le civisme et la morale républicaine ».

Le culte de l'Être Suprême était un culte déiste, influencé par la pensée des philosophes des Lumières, et consistait en une « religion » qui n’interagissait pas avec le monde et n’intervenait pas dans la destinée des hommes.

Le culte de l'Être suprême se traduisait par une série de fêtes civiques, destinées à réunir périodiquement les citoyens et à « refonder » la Cité autour de l’idée divine, mais surtout à promouvoir des valeurs surtout sociales et abstraites comme l’Amitié, la Fraternité, le Genre Humain, l’Enfance, la Jeunesse ou le Bonheur.
"
Source Wikipedia, article
On a beaucoup de difficultés à ne pas reconnaître dans cette religion naturelle de Robespierre une source de l'hérésie du "chrétien anonyme" de Rahner.

Mais, cet "Etre Suprême" n'aura jamais été qu'un piège à gogos imaginant échapper à la responsabilité qu'ils prenaient en ne croyant pas à l'enseignement de la Doctrine de l'Eglise catholique. Et les organisateurs de ce "culte" ridicule n'ont jamais été que des politiciens, pénétrés de l'opinion "machiavélique" que "rien ne vaut une bonne religion pour duper les "honnêtes gens"".

Ne nous laissons donc pas duper par une quelconque religion naturelle.

La doctrine de l'Image de Dieu

Une chose cependant est à considérer. Affirmer qu'il n'existe aucune religion naturelle exige que l'on puisse affirmer sans conteste que aucun homme ne peut se former une idée de Dieu sans le catholicisme.

Or, selon nos adversaires, il est évident que les hommes n'ont nul besoin du catholicisme pour affirmer un ou plusieurs dieux, au gré de leur crédulité. La catholicisme met d'ailleurs en garde les hommes contre l'idolâtrie, qui pousse comme une nécessité l'homme à se fabriquer des dieux.

De même, il existe des religions qui se sont constituées en n'ayant aucune connaissance du christianisme et même de son prédecesseur, le judaïsme. On pense aux religions primitives. Il existe donc bien une capacité de l'homme à se former sans révélation organisée comme celle du catholicisme une idée de Dieu.

Il faudrait donc en déduire qu'il existe une religion naturelle qui contient toutes les croyances culturelles en un Etre supérieur, une théité quelconque et arbitraire, dont le modèle central se décline selon les cultures dans tous les dieux et génies que l'on peut ethnologiquement connaître. Le nier serait simplement un déni de science.

D'ailleurs, les catholiques, et avant eux les Juifs, mais aussi dans des hommes d'autres cultures et avec une autre expression, ont toujours affirmé un mythe créateur dans lequel l'homme est créé à l'Image de Dieu.

Lorsque Dieu crée l'Univers, il couronne sa création en y faisant un homme qui doit la diriger. Mais cet homme, encore plus étonnament, non seulement est investi de la puissance sur l'Univers qui lui est remis, mais est doté de pouvoirs exceptionnels. Il est fait à l'image et à la ressemblance de Son Créateur.

Ainsi tout homme doit il se voir reconnaître du seul fait de sa création des propriétés inégalées parmi celles des autres créatures. La première propriété de l'homme créé par Dieu et qui ressort de l'image de Dieu est la capacité arbitraire d'agir : la liberté. Cette liberté est essentiellement une propriété issue de la ressemblance avec Dieu.

Parmi les diverses propriétés issues de la création de l'homme à l'image de Dieu, peut on identifier une propriété qui pousse l'homme à reconnaître son Original ? Existe t'il une propriété de l'homme qui le pousse à reconnaître son Créateur de sa propre volonté sans que Dieu lui doive une quelconque Révélation ?

Si une telle propriété existait, ne permettrait-elle pas à tout homme de se constituer une religion "naturelle", non pas en ce qu'elle identifierait le Créateur avec la Nature - il s'agirait d'une médiocre réduction - mais en ce qu'elle serait intrinsèque à l'homme qui se tournerait alors vers son Créateur ?

Or, le catholique connaît la réponse de la Révélation. Depuis la création de l'homme comme image de Dieu, il s'est passé un événement capital qui a entièrement bouleversé le Plan divin et la logique de cette Création en Image de Dieu. L'homme, succombant à la tentation, a voulu bénéficier d'attributs divins pensant qu'ainsi, il deviendrait non plus une vulgaire copie, mais Dieu lui-même.
"Vous ne mourrerez pas. Vous serez comme des dieux."
Genèse
Dieu s'est alors retiré de sa Création et a fait mourir l'homme, le laissant rejoindre le statut naturel des créatures finies.
"Tu es poussière et tu retournera à la poussière"
Genèse
Il en résulte que, s'étant retiré du Monde, Dieu ne laisse plus l'homme le rejoindre en aucune façon. Et il en résulte de là qu'aucune religion naturelle ne peut plus se former que dans l'illusion de la tentation de l'idolâtrie ou de celle de se constituer en dieu dérisoire.

Sans la Révélation chrétienne, le monde est essentiellement absurde pour l'homme et il ne débouche que sur la mort. Il n'existe donc aucune capacité "naturelle" pour l'homme de rejoindre Dieu.

Et donc aucune "religion naturelle" qui puisse se poser en remplacement du catholicisme.

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Notes