Sainte Jeanne d'Arc selon Benoît XVI

Philippe Brindet
1er février 2011


Le 26 janvier 2011, en Audience Générale, le Pape a fait une profonde réflexion sur Jeanne d'Arc. Le lecteur catholique est bien entendu convié à se reporter au texte du Pape sur le site du Vatican.

Le Pape fait une remarque inattendue et des plus éclairantes au sujet de Sainte Jeanne d'Arc :

"Le 23 décembre, elle est conduite dans la ville de Rouen. C'est là que se déroule le long et dramatique Procès de condamnation, qui commence en février 1431 et finit le 30 mai avec le bûcher. C'est un grand procès solennel, présidé par deux juges ecclésiastiques, l'évêque Pierre Cauchon et l'inquisiteur Jean le Maistre, mais en réalité il est entièrement guidé par un groupe nombreux de théologiens de la célèbre université de Paris, qui participent au procès comme assesseurs. Ce sont des ecclésiastiques français qui, ayant fait un choix politique opposé à celui de Jeanne, ont a priori un jugement négatif sur sa personne et sur sa mission. Ce procès est une page bouleversante de l’histoire de la sainteté et également une page éclairante sur le mystère de l’Eglise, qui, selon les paroles du Concile Vatican II, est «à la fois sainte et appelée à se purifier» (LG, n. 8). C’est la rencontre dramatique entre cette sainte et ses juges, qui sont des ecclésiastiques. Jeanne est accusée et jugée par eux, jusqu’à être condamnée comme hérétique et envoyée à la mort terrible sur le bûcher."
Benoît XVI, op. cité

La remarque du Pape nous enseigne que des ecclésiastiques, condamnant Jeanne, peuvent prendre des décisions erronnées en matière religieuse - la déclarant hérétique - parce qu'ils ont fait un choix politique opposé à celui de la sainteté.

Le Pape dans son enseignement est au sens catholique un maître qui corrige. Sa correction est purement intellectuelle, spirituelle même. Et sa référence à Lumen Gentium est terrible dans la bonhommie avec laquelle le Pape nous la présente. L'Eglise est à la fois sainte dans la personne de Jeanne d'Arc et appelée à se purifier sur la personne des ecclésiastiques parisiens qui ont condamnés Jeanne pour hérésie.

On découvre alors une chose bien étonnante. Savoir que la vertu est punie - par le supplice subi par Jeanne - quand le vice est récompensé - dans la personne des juges qui se retirent satisfaits de leur sentence inique.

Dans les sociétés bien policées, c'est le contraire qui devrait arriver. La sainte devrait être récompensée et ses juges iniques devraient être condamnés. Or, elle est brûlée.

On remarque que la gloire de Jeanne est d'avoir soutenue devant ses juges la justesse de son option entièrement déterminée par sa sainteté quand les juges voulait démontrer que son péché religieux expliquait un choix politique qu'ils voulaient condamner. Du fait de sa détermination, elle gagne la sainteté et nul parmi les hommes ne la lui confère. L'Eglise ne fait que la constater. Il est donc dans l'ordre de l'Eglise que les juges iniques n'aient subi aucun trouble. Mais leur condamnation sera terrible. Peut être.

Il existe d'autres époques troublées dans l'Histoire de l'Eglise à cause de choix politiques erronnées faits par des ecclésiastiques. Au nombre de ceux-ci nous voulons ranger l'adhésion d'une fraction considérable du clergé français :

  • à la Constitution civile du Clergé en 1791 qui a provoqué l'une des plus terribles persécutions contre l'Eglise dont elle a bien de la peine deux siècles après à se relever ;
  • au mouvement marxiste qui, de 1917 à 1991, a provoqué la mort de cent milions de victimes.

La sainteté et l'action politique

Benoît XVI donne ensuite une très importante leçon sur ce que doit être l'action sainte en politique :

"Jésus est contemplé par Jeanne comme le «Roi du Ciel et de la Terre». Ainsi, sur son étendard, Jeanne fait peindre l’image de «Notre Seigneur tenant le monde» (ibid., p. 172): icône de sa mission politique. La libération de son peuple est une oeuvre de justice humaine, que Jeanne accomplit dans la charité, par amour de Jésus."
Benoît XVI, op. cité
Le pouvoir politique n'a de validité que s'il se place dans la fidélité au seul Roi du Ciel et de la Terre : Jésus que contemple Jeanne.

Le pouvoir politique que servait Jeanne était loin d'être parfait. Mais, la sainteté de Jeanne ne se limitait pas à "choisir une juste cause", impression trompeuse partagée par les adversaires. Sa sainteté trouve sa source dans l'amour complet de Jésus et de Marie, pas dans des considérations d'abord politiques ou de circonstances. C'est ensuite que la sainte fait son choix politique et tente de toutes ses forces de plier les partisans qu'elle se donne à la fidélité à Jésus et Marie.

Et le Pape conclut sur cette constatation :

Elle (Jeanne d'Arc) est un bel exemple de sainteté pour les laïcs engagés dans la vie politique, en particulier dans les situations les plus difficiles. La foi est la lumière qui guide chaque choix, comme témoignera, un siècle plus tard, un autre grand saint, l’anglais Thomas More.
Benoît XVI, op. cité


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Notes