Les libres Opinions et l'opinion publique - Février 2011

Philippe Brindet
09 février 2011


Le nouvel Onfray...

Michel Onfray, labellisé "philosophe" - on se demande bien pourquoi le "rédac' chef" du Monde (édition du 5 février 2011) viole le dictionnaire en forçant Onfray à rejoindre la cohorte. Voltaire en fait bien partie ... . Onfray nous paraît un peu fatigué d'être la tête de turc de ses amis et relations du "microcosme progressiste". Il a ici décidé de rappeler qu'il est un "apostat", fier de l'être et qu'il a donc droit à toute leur "affection".

Pour la mériter, cette affection, Onfray pose la question d'un droit à l'athéisme. Ma foi ... c'est une question juridique assez amusante dans une République athée ... On peut penser que le droit à l'athéisme est en fait réalisé par l'interdiction de pratiquer une religion, essentiel au contenu du "principe français" de laïcité. Mais, de celà, il n'est pas question chez Onfray.

Non. Onfray ne nous livre aucune réflexion sur un quelconque droit à ..., Par contre, il nous raconte qu'il a enterré son papa à l'église de ..., charmant petit village de banlieue, l'année dernière, qu'il est catholique mais athée - ce qui, soit dit en passant, est, selon un récent sondage "OpinionWay", le cas de deux catholiques français sur trois. Tout celà est très émouvant. Mais bien banal. On finit presque tous par enterrer notre papa et par faire la découverte qu'on est nul et fier de l'être.

En France du Troisième Millénaire, il semble cependant que ce soit là la meilleure preuve qu'on est un "philosophe", ami des "philosophes". Onfray dit à ses "confrères" : "arrêtez de me tirer dessus ! Je suis un copain du sérail ! ...".

Laissons leur partager cette "philosophie".

Gilles Keppel et les révolutions musulmanes récentes

Gilles Keppel (Sciences Po') nous assène à nouveau la vérité dogmatique concernant ce qu'il faut savoir, croire et confesser en public. En privé, vous ferez ce que vous voulez. On est entre nous ? Allons-y.

Dans un article intitulé "Les défis de la révolution", paru dans Le Monde daté du 05.02.2011, le savant professeur de Sciences Po', dont les étudiants répètent fidèlement avec nous les paroles et les écrits, nous explique que c'est l'incapacité à satisfaire les aspirations économiques des classes moyennes qui a conduit aux révolutions tunisiennes et égyptiennes.

C'est, me semble t'il, une analyse bien pauvre.

Pourtant, Keppel commençait plutôt bien :

Tout processus révolutionnaire est causé par la coalescence de divers groupes sociaux antagonistes en temps normal, soudainement rassemblés pour chasser du pouvoir un dirigeant ciblé par la contestation.
"Coalescence" ? dit-il. C'est assez amusant. D'autant que dans la phrase d'après, Keppel se "rattrape sur les dents" en qualifiant les "coalescés" de "coalition", terme plus consensuel.

"Coalescence" ? Mais, c'est quasi le terme de la vieille formule "maçonnique" : "Solvet et coagula" si cher aux "complotistes", à la suite de Barruel. Il manque la dissolution "acide" et c'est ce qui explique probablement que les "révolutions" de Keppel ne sont pas des révolutions. Une révolution, ce n'est pas changer de dirigeant, fut-il corrompu. Une révolution élimine une catégorie sociale entièrement et change d'institutions politiques.

En Egypte et en Tunisie, on est très loin de cette situation. Il s'agit de simples émeutes. Ben Ali et sa coiffeuse sont partis. Et alors ? On a toujours une république islamique [1]. Moubarrak ne se représentera pas aux prochaines élections ? La belle affaire ! Il a 85 ans.

Maintenant, confondre une émeute avec une révolution est une situation "classique". On comprend que Keppel préfère "tirer" sur le concept de révolution, plutôt que de traiter d'émeutes ce qui se révèlerait plus tard comme une "sainte manifestation de la démocratie" ...

"Une émeute,"disait-il." Fi donc, Sire, c'est une révolution ..."

Ivan Rioufol, le HCE et l'Educ' Nat'

Dans un billet de son blog intitulé "L'immigration au coeur du désastre scolaire en date du 31 janvier 2011, Ivan Rioufol poursuit son travail de sape contre les "valeurs" de l'immigration. Utilisant un récent rapport du HCE ( le "Haut" Conseil à l'Education ...), il rappelle à nouveau que selon les experts du gouvernement et de l'administration, l'Educ' Nat" est en situation de naufrage.

Bien que n'ayant pas d'observation probante d'une telle situation "générale", nous voulons bien le croire.

Malheureusement, les effets du naufrage ne sont pas bien celles auxquelles je pense. Ce qui paraît "catastrophique" à Rioufol, c'est que les immigrés ne veulent pas apprendre le français, mais l'arabe, pas les mathématiques, mais le Coran, pas l'Histoire des rois de France, mais celle du djihad. Et alors ?

Non, le vrai naufrage, ce serait que les étudiants sortant du "système éducatif français" ne sachent ni lire, ni écrire et ni calculer, ni analyser. Et qu'ils soient impropres à toute tâche dans le monde économique. Dites-moi : ce n'est pas le cas, hein ?

L'Europe de Schaüble

Dans un article traduit "Inventons un outil juridique pour garantir la stabilité de la zone euro", Le Monde publie l'opinion de Wolfgang Schäuble, Ministre allemand des Finances, sur la crise.

"Inventer" ? Je ne suis pas contre. "Un outil Juridique". Pourquoi ? Rendre stable la "zone euro" ? Mais pourquoi voulez-vous qu'une économie soit stable ? Pourquoi voulez-vous que la zone "euro" soit une zone économique ?

Le grand problème du monde contemporain, c'est l'inculture crasse des gens qui s'occupent de le diriger ou de conseiller ceux qui le dirigent. L'incompétence absolue. Ce qui éclate, c'est la propension compulsive des gens de pouvoir de s'entourer de conseillers abrutis, avinés et drogués aux fausses idées et aux utopies les plus imbéciles, et dont eux-mêmes savent qu'elles ne marchent pas.

Qu'est-ce qu'un système stable ? C'est un système physique dont la fonction d'état instantannée est à dérivées successives nulles sur une certaine durée dite de stabilité et celà au moins à partir de la première dérivée.

La "zone euro" a t'elle une fonction d'état ? Schaüble ne la détermine pas. Faisons le travail à sa place.

La "zone euro" est composée d'une population et d'une économie mesurée par son PIB. Le PIB rapproche les ressources des produits. La population est par nature instable, puisque les uns meurent quand les autres naissent. Les ressources augmentent ou diminuent indépendement des produits qui eux-mêmes varient avec la démographie et la productivité.

Conclusion : toutes les composantes d'une telle fonction vectorielle d'état du système économique dit de la "zone euro" sont instables. Il est hors de question de rendre stable une telle fonction en "opposant" les instabilités indépendantes qui la composent. Il ne peut donc y avoir aucune stabilité de la "zone euro".

Autre façon de considérer la question de la stabilité. Qu'est-ce qui ferait que la "zone euro" pourrait être stable ?

Il faudrait qu'à une "action" faisant croître la fonction d'état décrivant l'économie de la zone euro réponde avec un temps de réponse donné une réaction tendant à la faire décroître. Si le temps de réponse est trop long, et si une certaine condition malheureuse de résonance est atteinte, la fonction d'état s'emballe. La même chose doit se considérer à la décroissance.

Monsieur Schauble, personnage puissant s'il en est, croit comme beaucoup d'idéologues que la monnaie appelée l'euro est le moyen de la stabilité. Comme les climatologues "réchauffistes", Schauble croit que de souffler sur le thermomètre assure qu'il fera toujours bon. Comment ? en trafiquant le taux indicateur des prêts édicté par la Banque centrale. En rachetant ou en revendant des devises sur les marchés financiers par la Banque centrale européenne. Il rêve !

Il rêve, lui. Mais nous, nous cauchemardons !

La réindustrialisation par Madame Lauvergeon

Dans un article intitulé "Réindustrialisons-nous !, Anne Lauvergeon, P-DG du Groupe industriel Areva publie dans LEMONDE daté du 02.02.11 sa solution à "la crise". Saluons son effort bien isolé.

Alors que les groupes automobile comme Renault ou PSA croient qu'il suffit de donner du crédit à leurs acheteurs, incapables d'acheter leurs voitures neuves, Madame Lauvergeon pense qu'il faut leur permettre de créer de la valeur financière d'achat par la pratique de l'industrie.

Madame Lauvergeon n'a pas tort. Pour créer de la valeur, il n'y a que trois sources : la patate, le charbon ou la transformation de la patate et du charbon. Autrement dit, l'agriculture, les mines et l'industrie. Tout le reste est sans valeur propre.

Ce qui est inquiétant dans l'analyse de Madame Lauvergeon, c'est qu'elle a parfaitement intégré ce qui est pour moi, mon opinion privée : la France appartient à une catégorie de la population terrestre qui, actuellement et depuis plus de vingt ans, s'appauvrit continument. Madame Lauvergeon affirme, et j'en suis bien d'accord avec elle, que la paupérisation croissante ne peut se combattre que par la réindustrialisation de la France.

La France. Madame Lauvergeon est peut être quelque peu "trompée" par le fait que 80% du capital de son entreprise appartient à l'Etat français. Mais, la "France" que vise Madame Lauvergeon en tant que réalité industrielle ou même économique est surtout une réalité fiscale. L'état français est-il capable de laisser le peuple français se livrer aux activités naturelles auxquelles il aspire : l'agriculture et l'industrie (les mines, ce serait plutôt l'énergie chez nous, et Madame Lauvergeon s'en occupe déjà).

De toutes façons, l'Etat n'a pas le choix. Ou bien le peuple se réindustrialise ou bien la France meurt de pauvreté et de misère.

Le devoir d'indignation de Hessel

Hessel est un haut fonctionnaire à la retraite qui a publié un très court opuscule. Selon ses lecteurs, cet ouvrage fait à peine le volume d'une Libre Opinon dans un quotidien français. En gros et en détail, l'opuscule exige de ses lecteurs qu'ils "s'indignent". Un peu comme Sartre et les sbires de la Guépéou exigeaient qu'ils "s'engagent". On l'a bien compris. Il s'agit d'une éructation idéologique destinée à manipuler les consciences pour les asservir à des volontés qui se considèrent comme supérieures. On l'aura compris, l'auteur est un "parfait" que nous avons le "bonheur de lire". Bien.

Il n'aurait pas été utile de répercuter un tel néant - après Sartre, qu'en reste-t'il d'alleurs?

Malheureusement, Monsieur Hessel a souhaité livrer au public un exemple d'"indignation" lors d'une "conférence" qui devait se tenir à l'Ecole Normale Supérieure de Paris, il y a déjà un moment. Cette conférence était destinée à promouvoir la haine d'Israël et la gloire de l'Etat palestinien. N'étant pas "partie" à ce débat que nous regrettons infiniment, je n'avais pas de raisons de commenter cet incident, somme toute mineur. D'ailleurs les organisations amies d'Israël ont obtenu l'annullation de cette conférence. C'est à la fois une bonne chose et une chose regrettable et il n'était pas besoin d'en dire plus.

Mais, une Libre Opinion d'un avocat, lui-même Résistant, vient préciser ces deux choses de manière assez éclairante nous semble t'il.

Sidney Chouraqui interpelle l'auteur : "M. Hessel, vous ne m'apparaissez pas fidèle à l'universalité de nos valeurs". Il commence par rallier Hessel au combat du judaïsme contre l'oppresseur nazi. C'st bien entendu une habileté. Puis il lui reproche dans son opuscule d'oublier délibéremment les atteintes aux droits universels en dehors d'Israel. Il l'accuse d'avoir une indignation sélective et même exclusive. Mais, peut-être pour donner de la force à son propos, il fait un pas "contre Israel" :

M. Hessel, ne vous méprenez-pas : il n'est pas question ici de défendre le gouvernement israélien, durement critiqué dans son propre pays par des journalistes (qui, eux, ne seront pas torturés). Mais Israël comme la Palestine doivent être jugés avec la même rigueur au regard des droits de l'homme. Car ils sont les mêmes en Palestine, au Tibet ou en Israël.
Et c'est là où, me semble t'il, la spécificité du problème israélo-palestinien n'est pas prise en compte. L'Etat d'Israel est une fondation de deux mouvements qui se sont rencontrés dans l'Histoire du XX° siècle. Le mouvement du sionisme qui voulait un retour sur la terre des ancêtres et l'appui de la communauté internationale, émue par le terrible génocide perpétré par les nazis. Ce génocide nous semble légitimer le droit des Israeliens à posséder une Terre, et cette Terre ne peut être que celle de leurs Ancêtres, désignée par le mouvement sioniste et accepté par la communauté internationale.

C'est la raison pour laquelle la situation en Israel me semble n'avoir rien à voir avec celles qui prévalent au Tibet ou en Tchétéchénie. Plus encore, il existe deux situations absolument inconciliables dans l'estimation des droits de l'homme, même et surtour parce que ces droits sont universels. C'est que ces droits se déterminent différemment selon que la société dans laquelle ils se vivent est une société en paix ou une société en guerre.

Nous ne prétendons pas qu'il existerait un régime de paix pour les droits de l'homme et aucun droit de l'homme dans un régime de guerre. Il existe au contraire une expression particulière des droits de l'homme dans la situation de guerre qui n'est pas la même que dans la situation de paix. D'ailleurs, parce que ceux sur qui pèse l'obligation des droits de l'homme ne sont pas les mêmes en temps de paix et en temps de guerre.

Mais, le problème est inépuisable, inextinguible comme un incendie. Et nous ne savons rien ou pas grand chose.



o o o


Notes

[1] On peut vérifier ce fait :
L’islam est la religion principale et officielle de la Tunisie[164] avec un taux qui avoisine les 98 % de la population.
Source : WIKIPEDIA
On peut aussi se référer au texte de la Constitution de 1959 :
Article premier - La Tunisie est un Etat libre, indépendant et souverain ; sa religion est l'Islam, sa langue l'arabe et son régime la république.
...
Article 38 - Le Président de la République est le Chef de l'Etat. Sa religion est l'Islam.
...
Article 40 - Peut se porter candidat à la Présidence de la République tout Tunisien, jouissant exclusivement de la nationalité tunisienne, de religion musulmane, de ... La déclaration de candidature est enregistrée sur un registre spécial par une commission composée du Président de la Chambre des Députés, président, et de quatre membres qui sont : Le Président du Conseil Constitutionnel, le Mufti de la République, le Premier ....

Source : ONG droits de l'homme

La Tunisie est donc bien une république islamique qui divise le peuple en deux catégories les citoyens qui peuvent être élus Président de la République et les non-musulmans. L'effet est assez simple puisque seuls 2% de la population ne sont pas musulmans.

On note aussi que, comme dans le régime de 1789, les pontifes du culte musulman ont des fonctions républicaines.

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