Quelques réflexions sur le Motu Proprio Porta Fidei instituant une Année de la Foi

Quelques réflexions sur le Motu Proprio Porta Fidei instituant une Année de la Foi

Philippe Brindet - 18.10.2011

Une Année de la foi débutera le 11 Octobre 2012

Le Pape Benoît XVI vient de publier un Motu Proprio Porta fidei en date du 11 octobre 2011, qui décide de l'ouverture d'une Année de la Foi au 11 octobre 2012. La nouvelle apparaît dans le quotidien La Croix et sur le blog de Jean-Marie Guénois, chroniqueur religieux du quotidien Le Figaro. De nombreux diocèses (Grenoble par exemple) répercutent cette annonce. De nombreux blogs de la mouvance catholique rapportent aussi des premières lectures (voir Le Salon Beige, le provençal Fidèle34, le blog belge Belgicatho avec un article intitulé Le pape mobilise l’Eglise pour la mission. Le reste de la Presse et de la sphère Internet diffusent la nouvelle. On lira par exemple dans l'Express, Benoît XVI publie la lettre apostolique sur l'Année de la foi en 2012, l'Agence France Presse : Benoît XVI publie la lettre apostolique sur l'Année de la foi en 2012

Le pape semble identifier deux déterminants pour expliquer l'ouverture de ce thème : le cinquantième anniversaire du Concile Vatican II et la perception largement répandue que, plus radicalement que jamais, le monde s'est séparé de la foi proposée par l'Eglise.

Benoît XVI insiste sur le préalable de la connaissance de la Foi

Benoît XVI critique une certaine conception répandue dans les milieux catholiques plutôt favorables à l'"esprit du Concile" selon laquelle :

... les chrétiens se préoccupent davantage pour les conséquences sociales, culturelles et politiques de leur engagement, continuant à penser la foi comme un présupposé évident du vivre en commun. En effet, ce présupposé non seulement n’est plus tel mais souvent il est même nié [2]. Alors que dans le passé il était possible de reconnaître un tissu culturel unitaire, largement admis dans son renvoi aux contenus de la foi et aux valeurs inspirées par elle, aujourd’hui il ne semble plus en être ainsi dans de grands secteurs de la société, en raison d’une profonde crise de la foi qui a touché de nombreuses personnes.
Cette préoccupation du Pape indique combien l'Année de la Foi ne sera pas seulement celle d'un retour absolument nécessaire sur le Magistère de l'Eglise parmi les fidèles, mais sûrement aussi celui d'un renforcement de l'évangélisation sur des bases certaines de l'exposé de la Foi.

Le Pape Benoît XVI insiste sur un double mouvement souvent méconnu dans la Foi :

Nous aurons l’opportunité de confesser la foi dans le Seigneur ressuscité dans nos cathédrales et dans les églises du monde entier ; dans nos maisons et auprès de nos familles, pour que chacun ressente avec force l’exigence de mieux connaître et de transmettre aux générations futures la foi de toujours. Les communautés religieuses comme celles des paroisses, et toutes les réalités ecclésiales anciennes et nouvelles, trouveront la façon, en cette Année, de rendre une profession publique du Credo.
Pour souligner la majeure de cette affirmation de Benoît XVI, on redira qu'il faut que "chacun ressente avec force l’exigence de mieux connaître et de transmettre aux générations futures la foi de toujours.". Ce double mouvement de connaître et de transmettre exige en effet que la connaissance soit première et antérieure à la transmission. Nous ne transmettons que ce que nous connaissons. Et nous ne connaissons que ce que le Magistère de l'Eglise nous enseigne. Il n'y a dans la foi aucune découverte personnelle. Il y a une démarche humble d'appréhension de choses qui ne nous sont pas innées ou d'expérience.

Une certaine exhubérance, constante dans le catholicisme, mais qui a aujourd'hui une fâcheuse tendance à s'imposer comme seule voie, est celle du primat de l'"amour". Le Pape est de ceux qui se rattachent avec le plus de force à un tel primat, qui se fonde avec une grande valeur dans la pensée de Saint Paul. Ainsi, oubliant l'engagement essentiel de Saint Paul dans l'enseignement et la discussion des choses de la Foi, certains dans l'Eglise n'hésitent pas à renoncer à tout enseignement rationnel de la foi, considérant que la foi est une recherche personnelle qui suivrait "le chemin de l'amour". Cette mouvance est particulièrement nocive dans le mouvement catéchétique contemporain, au moins en France. On pensait que, après une génération perdue dans les expérimentations douteuses et rousseauistes des parcours personnels, on reviendrait à une conception sinon juridique, au moins raisonnable du contenu de la Foi. Il n'en est rien. Et le Pape souligne que cet exposé, cet enseignement scientifique de la Foi n'écarte en rien la nécessaire voie de l'amour qui ne peut se vivre que sur la Connaissance de Celui en qui la voie de l'Amour se trouve. On n'aime que Celui qu'on connaît. Si nous ne connaissons pas Dieu, nous ne pouvons répondre à son Amour et aucun de nous ne L'aimera en premier.

Benoît XVI insiste sur l'unité de la Tradition et du Concile Vatican II

Se référant à Paul VI qui avait institué lui aussi une Année de la foi, Benoît XVI insiste sur l'unité de la Tradition et du Concile Vatican II :

J’ai considéré que faire commencer l’Année de la foi en coïncidence avec le cinquantième anniversaire de l’ ouverture du Concile Vatican II peut être une occasion propice pour comprendre que les textes laissés en héritage par les Pères conciliaires, selon les paroles du bienheureux Jean Paul II, « ne perdent rien de leur valeur ni de leur éclat. Il est nécessaire qu’ils soient lus de manière appropriée, qu’ils soient connus et assimilés, comme des textes qualifiés et normatifs du Magistère, à l’intérieur de la Tradition de l’Église… ...
C'est l'occasion pour le Pape de confirmer que le Concile Vatican II ne peut se tenir pour un événement fortuit qu'il serait possible d'oublier. Au contraire, les textes de Vatican II sont des textes qualifiés du Magistère. Ils expriment donc le contenu scientifique de la foi, ou si l'on préfère cette connaissance de la foi qui doit être à la base de tout.

Il est maintenant clair cependant qu'il est possible de ne pas lire les textes du Concile en appliquant ce que l'aile progressiste a dit de l'"esprit du Concile". Et de même, il n'est pas possible de se limiter à une lecture matérielle de ces textes dont l'Histoire nous montre qu'ils ont été souvent le résultat de laborieuses négociations et aussi de l'influence de "periti" qui n'étaient pas tous inspirés par le Saint Esprit. On en déduit qu'il est nécessaire de lire ces textes en relation avec la Tradition et que, de ce fait, il n'est pas possible de les lire sur un mode simplement laïc, ou historique. Ils doivent être lu selon l'enseignement du Magistère à condition que cet enseignement soit bien en relation avec la Tradition, seule moyen d'atteindre la vérité dans les textes de Vatican II.

On conçoit donc qu'il y a là matière à de nombreuses querelles, polémiques et occasions de divisions. C'est pourquoi, il est manifeste que l'enseignement des choses sacrées qui doit se trouver à la source de la connaissance qui est le premier mouvement de la foi ne pourra pas se fonder sur les textes du Concile. Il y aurait sinon une sorte de pétition de principe qui dirait la Tradition par les textes qui doivent s'interpréter avec la Tradition !

Les tempêtes actuelles que subit l'Eglise

Bien que faisant souvent montre d'un bel optimisme, le pape Benoît XVI est comme ses deux prédecesseurs, Paul VI et Jean-Paul II, pénétré de la conscience que le temps actuel est celui de tempêtes dangereuses. L'Eglise ne sombrera sûrement pas, mais nombreux sont ceux qui seront perdus et avec eux, les mauvais pasteurs qui ne les auront pas retenus ou, pire, qui les auront précipités dans l'erreur.

S'il faut réciter les tempêtes terribles qui traversent l'Eglise, on citera :

  1. l'athéisme chrétien qui consiste en plusieurs mouvements : la croyance que l'homme ici bas est comme un Dieu, le refus de la divinité de Dieu, essentiellement par la construction "évangélique" d'un homme mythique dénommé Jésus, le refus de la Trinité, tenue pour absurde à la raison, le refus de la Vierge Marie, rejetée comme une croyance mythologique sans fondement ;
  2. la disparition de la discipline ecclésiastique essentiellement du personnel ecclésiastique, prêtres et religieux qui se décline essentiellement en deux événements :
    1. la perte de la vertu d'obéissance au Magistère de l'Eglise auquel de nombreux ecclésiastiques préfèrent des idéologies prises directement ou calquées sur celles en usage dans le monde ; et
    2. l'intrusion massive de l'exercice de toutes les sexualités parmi les membres du clergé, avec un sommet de décadence dans les abus commis sur les mineurs, dont on ne se défendra pas en disant que cette horreur découle directement des usages de la société civile.
  3. La décadence sacramentelle, illustrée par la décadence liturgique, devenue telle que Benoît XVI a été contraint de restaurer l'usage de la messe tridentine par son motu proprio Summorum Pontificum, daté du 7 juillet 2001, largement ignoré et méprisé par le clergé en France, et semble t'il aussi bien en Allemagne et aux Etats-Unis. On note d'ailleurs qu'il n'est plus diffusé sur le site officiel du Vatican qu'en latin et en hongrois, ce qui ne peut s'interpéter comme une volonté bien nette de faire sa promotion.
Tout celà est bien pénible et ne pourra se traverser qu'en insistant sur la connaissance des choses sacrées. Pourtant, la situation de dégradation de la connaissance de la foi ne date ni d'aujourd'hui ni des suites du Concile de Vatican II.

Le pape Saint Pie X décidait déjà, par son encyclique Acerbi Nimis du 15 avril 1905, dans la deuxième année de son Pontificat :

Voulant donc, Vénérables Frères, satisfaire à ce très grave devoir du suprême Apostolat et assurer partout, pour une pratique si importante, une seule et même méthode, de Notre autorité suprême, Nous établissons et ordonnons expressément ce qui suit, pour être observé et exécuté dans tous les Diocèses :

1. Tous les Curés et, en général, tous ceux qui ont charge d’âmes, aux jours de Dimanches et de Fêtes de l’année sans en excepter aucun, pendant une heure entière, enseigneront, d’après un petit livre de Catéchisme, aux enfants des deux sexes, ce qu’ils doivent croire et pratiquer pour faire leur salut.

2. De plus, à des époques fixes de l’année, ils prépareront les garçons et les filles, par une instruction faite plusieurs jours de suite, à bien recevoir les sacrements de Pénitence et de Confirmation.

3. De même et avec un soin très spécial, tous les jours du Carême et, s’il en est besoin, à d’autres jours encore après les Fêtes de Pâques, ils disposeront les jeunes garçons et les jeunes filles, par les leçons et les exhortations convenables, à s’approcher saintement pour la première fois de la sainte Table.

4. Dans toute et chaque Paroisse sera établie canoniquement une Association dite de la Doctrine chrétienne. Par elle, les Curés, surtout là où le nombre des prêtres est trop petit, trouveront, pour les aider dans l’enseignement du Catéchisme, des Laïques qui se dévoueront à ce ministère par zèle pour la gloire de Dieu et aussi pour gagner les indulgences que les Pontifes romains ont largement dispensées.

5. Dans les villes plus considérables, dans celles surtout qui ont des Universités, des Lycées, des Collèges, on fondera des cours de Religion pour instruire dans les Vérités de la Foi et dans les pratiques de la Vie chrétienne les jeunes gens qui fréquentent des écoles publiques où la Religion ne figure pas au programme.

6. Mais parce que, de nos temps surtout, l’âge plus avancé n’a pas moins besoin d’enseignement religieux que l’enfance, tous les Curés et les autres Prêtres ayant charge d’âmes, sans préjudice de l’Homélie ordinaire sur l’Evangile qui doit se faire tous les jours fériés à la Messe Paroissiale, choisiront l’heure qui pourra attirer une assistance plus nombreuse, en dehors de celle qui est réservée à l’instruction des enfants, pour adresser aux Fidèles une catéchèse en un langage facile, approprié à leur intelligence. Dans ce but, ils se serviront du Catéchisme de Trente, de façon à traiter dans l’espace de quatre ou cinq ans toute la matière du Symbole, des Sacrements, du Décalogue, de la Prière et des Commandements de l’Eglise.

Il ne semble pas que l'Histoire ait enregistré une notable activité, suite à Acerbo Nimis, dans le domaine de l'enseignement de la foi. Et ce fut une erreur historique, explicable peut- être, mais une erreur terrible.

Saint Pie X en 1905 avait déjà la même réaction que Paul VI sur la perte de la science sacrée, de la connaissance de la Foi. Il se rattachait à l'autorité du Concile de Trente pour organiser une restauration de l'enseignement de la foi. Le Concile Vatican II doit, sous les conditions posées par Paul VI, Jean-Paul II et Benoît XVI, servir de directeur au contenu et au cadre de cet enseignement renouvelé. Il est donc bien erronné d'accuser les temps du Concile Vatican II de nous avoir précipité dans la décadence religieuse et le Concile Vatican II ne nous sauvera pas mieux que celui de Trente, si l'Eglise renonce à enseigner ce qu'il contient, répétant au III° millénaire l'erreur fatale commise au début du XX° siècle.


Philippe Brindet (c) (2011)