La suppression du baccalauréat

La suppression du baccalauréat ...

Philippe Brindet - 18 juin 2012

Un examen qui a tous les défauts ...

Inutile d'épiloguer longuement ni de manière pédante.

  1. Le bac' est un examen long
    plus de un mois de durée
  2. Le bac ' est un examen coûteux
    quasiment inchiffrable, le temps perdu par presque un million de français en âge de produire de la richesse
  3. inefficace
    à part la garderie que constitue l'Université, qui d'ailleurs exige souvent d'autres références que la possession de ce diplôme.

... mais qui a acquis une précieuse qualité !

On se demande quelle qualité précieuse pourrait bien avoir une chose longue à acquérir, inefficace et coûteuse ! Eh bien, on lui en trouve un qui dérive du souhait d'un ministre inspiré. C'était il y a déjà 20 ans : tout le monde doit avoir le bacc. Depuis, les souhaits des puissants qui nous dirigent ont évolué. Ils veulent que plus personne ne quitte l'enseignement supérieur sans diplôme !

Après tout, dire qu'il n'y a pas de diplôme ou faire que tout le monde ait un diplôme finit bien par se ressembler.

Cette universalité de la réussite au bac' satisfait tout le monde.

D'abord, l'idéologie de l'égalité n'a jamais été aussi forte en France depuis vingt ans. Et pourtant, c'est une requête qui date de deux siècles ! Les bas-instincts qui s'étaient libérés lors de la Révolution ont encore progressés, passant de l'inconscient culturel de quelques universitaires cacochymes et bigleux à l'opinion incontestable des buveurs de café du Commerce ... maintenant tous bacheliers.

Ensuite, le fort taux de réussite flatte le sentiment d'excellence que les imbéciles ressentent toujours comme le plaisir le plus infect ou la torture la plus délicieuse du sado-masochisme contemporain. Si 99% des conscrits de 2012 sont bacheliers quand il n'y en avait pas 10% il y a trente ans, c'est que le "cheptel français" s'est amélioré. S'il s'est amélioré, c'est que les braves et valeureux fonctionnaires de l'Education nationale sont en effet de grand-prêtres du Culte raisonné de l'excellence !

Enfin, cette réussite universelle au bac' est l'habit qui permet de cacher la nudité absolue de l'enseignement secondaire français. Alimenté par un enseignement primaire à l'issue duquel la plupart des élèves ne savent ni lire, ni écrire, ni compter, mais qui en revanche se sont déjà rendus en voyage d'études au Balouchistan ou dans le Cheshire, l'enseignement secondaire saupoudre des connaissances rudimentaires sur tout. Enfin sur presque tout.

S'ils sont au courant dans les détails d'une théorie publiée par une américaine, analphabète mais connue, ils ignorent absolument tout des méthodes critiques ou de démonstration. Ils ne savent pas travailler, souvent simplement parce que, en 15 ans d'études pourtant laborieuses, ils n'ont jamais appris quelque chose par coeur. Si vous leur exprimez une connaissance en deux phrases, ils sont parfaitement incapables de la comprendre, tout simplement parce qu'ils ne se souviennent plus de la première phrase.

Du coup, l'autre soir, les fonctionnaires de l'excellence que sont les journalistes de la Télévision nous ont présenté un reportage sur l'excellence d'un autre fonctionnaire, de l'Education nationale celui-là - on ne travaille que dans l'excellence, que diable. Le brave péripatéticien faisait réviser l'épreuve de philosophie à quelques potaches ripolinés en leur projetant des ... dessins animés américains. Pour démontrer l'efficacité de la nouvelle méthode d'enseignement, un brave garçon participant était interrogé sans malice. Tournant sept fois dans son crâne son pauvre petit cerveau malmené, le brave homme finit par proférer que "la philo' comme çà, c'est vachement bien " ...

Lui conférer le bac' garantit que personne n'inquiètera l'excellence des fonctionnaires qui s'occupent de lui. C'est une mesure de "salut" public. De sauvegarde du service public ....

La suppression ? Une décision inutile !

Mais, le résultat est simple. Ne dites pas à votre employeur que vous avez le bac'. Il va vous regarder au mieux d'un oeil goguenard.

Déjà, les employeurs font passer des tests, élémentaires encore, pour vérifier les diplômes prétendus.

Déjà, de nombreux employeurs préfèrent sélectionner des demandeurs d'emploi n'ayant pas le bac pour éviter les inconvénients d'un cerveau déformé par les idées préconçues, les ravages d'une éducation citoyenne et la suffisance républicaine, laïque et obligatoire.

Du coup, pourquoi supprimer le spectre affreux d'un diplôme qui n'existe plus que dans le cerveau malade de ses sectateurs enfermés dans la citadelle de l'excellence ?

Maintenant, il y a une chose qui me trouble. Je crois qu'un texte presque identique au mien a déjà été publié, il y a trente ans. Et le type qui a écrit ce texte, craignait déjà la même chose. Alors ...


Revue THOMAS (c) 2012