Le problème de la tromperie à la viande de cheval

Philippe Brindet - 16.02.2013

Les faits

Selon les données rendues disponibles par la presse, de la viande de cheval aurait été retrouvée dans des lasagnes préparés par une société française qui réalisait leur conditionnement en indiquant "lasagnes au boeuf". Ce plat préparé était vendu dans une chaîne de supermarchés sur le territoire britannique.

Pour diverses raisons, il semble que l'idée de manger de la viande de cheval provoque un sentiment de dégoût chez les consommateurs de diverses sphères culturelles. Ce serait particulièrement le cas du monde anglo-saxon, britanniques et américains mélangés. La même aversion serait apparu dans les pays latins, en France notamment, où la viande de boeuf est tenue pour une viande de qualités supérieures.

L'opinion publique mondiale a donc réagi avec stupeur et même horreur.

Les gouvernements, et le gouvernement français parmi les plus excités, ont cru de leur devoir de porter le juste courroux du peuple de leurs électeurs sous une forme administrative en initiant des sanctions à l'encontre des acteurs de la "filière agro-alimentaire". Ainsi, une firme française du Sud-Ouest s'est retrouvée en chômage technique sur une simple suspicion d'une fraude banale au marquage de produits alimentaires. Il est de plus probable que sa réputation ait été durablement atteinte pour émettre des doutes sur sa capacité à poursuivre une quelconque activité commerciale.

Trois cents ouvriers se retrouvent donc sans revenus dans une époque de crise économique gravissime et leur entreprise ne se relèvera probablement pas de l'agitation médiatique gouvernementale qui la désigne à la vindicte populaire. Certains, inspirés par la stratégie militaire américaine, semblent tenir cela pour des "dégâts collatéraux négligeables".

La presse s'est alors précipitée sur un fait divers pouvant permettre de monter un scandale de nature à faire vendre du papier imprimé, ou à capturer du temps de cerveau disponible pour la presse audiovisuelle. Elle a alors apporté au public un certain nombre d'informations plus ou moins vérifiées, plus ou moins fabriquées de toutes pièces, de toutes façons absolument invérifiables, mais toutes rendues probables par l'affaire des "lasagnes au boeuf" ... qui n'en était pas ! Selon ces informations de presse, la tromperie ne se limiterait ni aux "lasagnes au boeuf", ni aux firmes incriminées dans cette affaire. De la viande de cheval est fréquemment substituée de manière trompeuse dans de nombreux plats dits cuisinés et vendus dans la grande distribution.

Il faut noter l'incrimination principale de la grosse industrie. Il semble que la presse, française notamment, exonère sensiblement les petits producteurs ou producteurs dits "artisanaux" qui, selon cette presse, "ménagent leur réputation par une recherche constante de la qualité de leurs produits". Dont acte ...

Quelques réflexions suivent ...

  1. La technique du marquage trompeur est extensive dans la filière agro-alimentaire

    Une telle affirmation est absolument non prouvée. Mais, elle est rendue parfaitement crédible par l'affaire de la viande de cheval et par le caractère tâtillon de l'obligation de marquage. Quand on dit au consommateur que la paella contient du poisson. il est très rare qu'il soit possible de manière simple de pouvoir distinguer de quel poisson il s'agit. Et, il n'est pas rare que, en consommant sur plusieurs années un produit industriel "calibré", on constate avec colère que les 650 grammes du produit cuisiné contiennent de moins en moins des composants les plus chers, viande notamment. Bien entendu, le prix du produit a augmenté. Le marquage trompeur ou manquant s'est donc imposé semble t'il à la filière agro-alimentaire.

    Et il faut bien reconnaître que les exigences imposées par l'Etat, qu'il soit parisien ou bruxellois, sont de plus en plus tatillones en matière de marquage. La mention de la présence de phosphates est exigée. Parfois leur masse dans le produit est indiquée. Et la consultation de l'emballage d'un plat cuisiné, non content d'exiger l'usage d'une loupe grossissante, exige encore la consultation d'une douzaine d'experts en produits toxiques, en chimistes et autres biologistes. Généticiens de plus, maintenat, on va le voir !

    Plus que le marquage, on ne peut que qualifier de trompeuse une réglementation qui exigera de marquer la présence d'aluminium dans la partie consommable du plat cuisiné quand les vaccins promus par l'Etat contiennent de trente à quarante fois la teneur maximale autorisée pour attribuer la qualité de "potable" à ... de l'eau.

    Dans ces conditions, quand les quantités soient trompeuses, quand les ingrédients indiqués sont trompeurs, on se demande quelle confiance accorder au marquage imposé par l'Etat.

  2. Le principe prétendu de traçabilité ne présente d'intérêt pour personne

    Certains ont voulu interpréter la crise de la "viande de cheval" à un défaut d'application du principe de traçabilité. En l'espèce, il semble que certains veulent imposer que le morceau de boeuf présent dans le "lasagnes au boeuf" soit "tracé", c'est à dire que sa provenance soit identifiée sur le conditionnement du plat cuisiné. Il semble à ces individus que le fait de connaître l'identité du père et de la mère du boeuf dont le morceau a servi dans la composition du plat cusiné empêcherait que le boeuf soit du cheval.

    En plus de l'indéniable racisme ici démontré à l'encontre des chevaux, suspectés de tous les maux, au bénéfice de la race des boeufs, race supérieure s'il en est, le principe de traçabilité démontrerait là sa parfaite inutilité.

    Penaud, l'Etat français par l'organe de ses services vétérinaires, a dû reconnaître qu'il était incapable de détecter de la viande de cheval dans un conteneur de viande de boeuf. Et pour y parvenir, il est contraint de mendier une subvention de la Commission de Bruxelles qui, pas avare de mesures stupides, a immédiatement débloqué des fonds européens pour réaliser des échantillons de prélèvements ... ADN.

    L'autre nom de la "traçabilité" est tout simplement celui de "controlabilité". Et si on veut une traçabilité optimale, il faut que chaque plat cuisiné reçoive une analyse ADN de 400 euros, pour un prix final moyen du produit de 6 Euros. Bruxelles s'est dit prêt à subventionner ces tests. On sombre dans l'imbécilité. Mais, comme elle est européenne, elle est très distinguée ...

  3. Le négoce par négociants, simples racketteurs de l'industrie, est la cause de fraudes plus dangereuses

    La presse, à l'occasion de cette affaire des "lasagnes au boeuf", a informé le public de l'existence d'une profession peu nombreuse, mais bien douteuse. Celle des "négociants" en ce que l'on pourrait désigner par "déchets de boucherie". Avec un téléphone et un carnet d'adresses correct, des individus proposent à des industriels de l'agro-alimentaire des déchets de boucherie. Contre une commission confortable, ou une autre rémunération, le "négociant" fait transférer le contenu des poubelles d'abattoirs ou de boucheries industrielles dans les cuves d'entrée de chaîne des fabricants de plats cuisinés. On ne décrira pas le trajet de ces déchets .... Proprement stupéfiant.

    Ce qui semble se dessiner c'est que, si le boeuf employé - malgré le principe de non-discrimination à l'embauche ! - n'est pas du cheval, ce n'est pas du boeuf noble. Bien entendu. C'est du déchet. Il semble que les professionnels de la chose l'appelle du "minerai de viande" ...

    Trituré correctement, le produit entre comme ingrédient dans le plat cusiné et il devient impossible de dire si c'est du boeuf ou autre chose qu'on renoncera à désigner avant de passer à table.

    Quel intérêt aurait les fabricants de plats cuisinés à tomber dans de telles pratiques ?

    Le bénéfice bien entendu !

    Mais, une autre information est alors apparue dans la presse sous la forme d'une usine sise au Luxembourg, pays à fort niveau de vie sait-on. Il semble que les "fabricants" de plats cuisinés n'en sont pas. Ils se bornent à éditer un "cahier des charges" du plat que le prétendu "fabricant" désire, et ils s'adressent à un nombre extrêmement réduit d'usines qui utilisent un processus unique de fabrication pour tous les plats cuisinés de toutes les marques connues et même inconnues. Il suffit dans l'usine de spécialiser un divergent sur la chaîne unique selon le cahier des charges d'un client donné et le tour est joué.

    Bien sûr, cette usine ne peut pratiquer les marges confortables des distributeurs. C'est un simple industriel soumis à la loi de ses clients. Probablement pas plus d'une dizaine qui peuvent donc lui dicter leur loi commerciale. Pour améliorer son profit, il n'a pas deux solutions : acheter des produits d'entrée au coût le plus bas possible.

    Et là, "tout" devient possible ... comme le "négociant" en minerai ! Parce que, malgré la concentration du marché, la multitude des agents économiques dilue la responsabilité. Pire encore. Emprisonnez le "négociant" qui a vendu du cheval au prix du boeuf ? Il sera remplacé le soir même comme un vulgaire dealer du quartier des Amandiers ...

  4. La qualité des produits agro-alimentaires est douteuse

    L'affaire de la "viande de cheval" permet de mettre en cause la qualité des produits diffusés par l'agro-alimentaire. Y compris sur le plan sanitaire. Et d'attirer dans cette suspicion les pouvoirs publics, dont la mauvaise foi n'est pas engagée cependant. Pas encore.

    La première remarque qu'il faut faire, c'est que le fait de substituer du cheval, roumain d'ailleurs, à du boeuf de provenance inconnue de plus, n'est pas de nature en soi à faire planer un doute sur la qualité sanitaire des fameux "lasagnes au boeuf". On doit alors remarquer que les suites de cette affaire seront d'une gravité sans commune mesure avec le danger couru par le public.

    Mais, il y a autre chose de caché.

    Les qualités gustatives d'un tel produit sont extrêmement douteuses. Quand, dans un plat, il n'est plus possible de distinguer le boeuf du cheval, il est probable que le goût envisagé dans le fameux cahier des charges du prétendu "fabricant" soit absolument indifférent. Autant reconnaître d'entrée que le plat cuisiné en question, c'est de la M....

    Les qualités sanitaires ensuite. On sera beaucoup moins critique. La poubelle de boucherie qui a servi de fournisseur de viande utilisée dans le plat cuisiné peut encore respecter des normes sanitaires acceptables. Et si le processus industriel est à peu près "propre", l'hygiène respectée assurera un minimum à ces qualités sanitaires.

    En d'autres termes, il est possible que les plats cuisinés de la grande distribution ne soient pas toxiques. Au moins à court terme.

    A plus long terme, et dans le cas d'une alimentation constante en plats cuisinés industriels, on peut avoir des doutes

    En effet, quand on en est arrivé à remplacer du boeuf par du cheval dans des lasagnes, quand pour de la viande en général, on se contente de "minerai de viande", on peut se demander si le lavage de la troisième cuve au début de la chaîne de fabrication présente toujours le même intérêt. Et si le produit de désinfection utilisé pour l'opération contenait ... allez, tenez , au hasard : du benzène !

    Mais, là encore, il s'agit de suspicion légitimes, en aucun cas d'accusation.

  5. La mondialisation est la cause idéologique du désordre de l'alimentation principale des Occidentaux

    La malbouffe, la toxicité des produits alimentaires sont des fléaux dont le monde moderne prend peu à peu conscience. Il est encore désarmé à ce sujet, notamment parce que les études de toxicologie sont trop récentes et du ressort de gens encore trop proches de la recherche fondamentale.

    Mais, il est manifeste que le changement brutal de pathologies développées dans la population mondiale en cinquante ans devient à la fois décelable et explicable scientifiquement.

    La multiplication des découvertes de toxicité, la probabilité qu'une toxicité faible puisse à long terme devenir dangereuse, tous ces faits conduisent à penser, qu'en moyenne, l'alimentation moderne, principale, des Occidentaux est intrinsèquement toxique.

    Et très notablement, la responsabilité de cette épidémie repose sur l'idéologie de la mondialisation. Les errements relevés à l'occasion de l'affaire des "lasagnes au boeuf" sont très largement provoqués par la concentration de l'industrie alimentaire au-delà des frontières régionales, au-delà des frontières nationales, au-delà des limites continentales.

    On peut estimer à moins de dix les usines qui produisent en Europe les plats cusinés des "grandes marques". Cette concentration est mortelle pour la santé publique. Elle est mortelle pour l'économie, parce qu'elle crée des monopoles qui rendent les pires errements non seulement possibles, mais incontestables.

    L'affaire des "lasagnes au boeuf" est mondiale. Elle s'est retrouvée en quelques jours en Grande-Bretagne, aux Etats-Unis, en Allemagne, en france, en Italie, au Danemark, ...

    Elle a révélé des filières qui sont organisées à l'échelle planétaire. Les "traders" en minerai de viande travaillent sur le monde entier.

    Les errements et les risques sanitaires de l'industrie agro-alimentaires sont modiaux et nous le devons à l'idéologie mortelle de la mondialisation qui plaît tant aux intellectuels coupés des réalités.

  6. Le petit commerce de proximité serait la seule réponse rationnelle au problème mondial de l'alimentation moderne

    Or, si l'on examine les problèmes révélés dans l'affaire des "lasagnes au boeuf", on ne peut que constater qu'ils seraient absolument inconnus, au moins à l'échelle que l'affaire des "lasagnes au boeuf" a atteint, si l'on revenait au système du traiteur de quartier.

    Si, comme il y a encore vingt ans, les lasagnes au boeuf étaient cusinés par le charcutier de votre quartier, presque devant vous, consommateur, rien de tout celà ne serait possible. Au lieu de s'approvisionner en déchets d'abattoirs roumains, votre charcutier achèterait ses morceaux de boeuf chez votre propre boucher, son voisin. Les deux hommes sont faits pour s'entendre.

    Et si les lasagnes que vous avez acheté la veille ne sont pas bons, Madame votre voisine le saura dans l'heure. Et le sort de votre charcutier sera vite réglé par la clientèle du quartier.

    Que votre charcutier recommence une seconde fois à vous vendre des lasagnes qui, cette fois auront intoxiqués la famille, l'Etat, par ses services d"hygiène locaux, interviendra de son propre pouvoir de police.

    A la différence, les déchets de viande viennent d'une contrée lointaine dans laquelle votre Etat n'a strictement aucune autorité. Ils ont trainé pendant des mois dans des entrepôts frigorifiques absolument incontrôlables, ont voyagé dans des conditions douteuses, se sont trouvés cent fois au contact d'agents pathogènes non identifiés.

    L'intérêt de manger en Grande-Bretagne des lasagnes faits avec du cheval roumain, traité dans une entreprise du Gers, puis renvoyé pour un séjour en entrepôt prétendument frigorifique dans une zone industrielle du nord de Paris, pour parvenir ensuite dans une usine au Luxembourg et poursuivre un voyage passant obligatoirement par un bateau, parti probablement d'un port hollandais, échappe totalement. Il s'agit d'un non-sens économique, sanitaire, gastronomique.

Les mots manquent pour qualifier la situation révélée par l'affaire des "lasagnes au boeuf" ...


Revue THOMAS (c) (2013)