Election pontificale (I)

Election pontificale (I)

Philippe Brindet - 07.03.2013

La résignation de Benoît XVI trouve l'Eglise catholique dans une situation de crise aggravée. En pleine "célébration" du cinquantenaire de l'ouverture de la première session du Concile, plus personne ne croit que l'Eglise est plus forte aujourd'hui qu'alors. Sans vouloir minimiser leur gravité, nous ne détaillerons pas les affaires qui sont mises en avant.

Un problème secondaire pourrait se révéler particulièrement dramatique. Hélas, plus dramatique que des problèmes pourtant bien plus fondamentaux, mais qui semblent ne plus gêner personne.

Ce problème est celui de la collégialité quand il est conjoint avec la pratique des Conférences épiscopales nationales ou régionales.

La pratique de la collégialité est dans l'Eglise post-concilaire, limitée à l'organisation de Synodes d'évêques, convoqués par le Pape, sur son initiative. Après un discours de ce dernier ou de l'un de ses assistants, qui "cadre" les évêques, ces derniers discutent entre eux, produisent un document final et rentrent chez eux.

Cette pratique s'est mise en place à la place de la "collégialité" que ses promoteurs de 1962 envisageaient en fait. Ce qu'ils voulaient, clairement, était l'introduction au plus haut niveau de l'Eglise comme institution politique d'une organisation démocratique, oligarchique, mais démocratique. La pratique du Synode, si elle a permis à certains évêques et autres ecclésiastiques de se livrer à diverses formes de tourisme romain parfois inattendues si on en croit la presse, a laissé insatisfaits beaucoup d'évêques. L'élection d'un second Pape, le premier étant toujours vivant, va encourager les imaginations.

Ce que l'on voit de plus en plus se mettre en place est celle d'une Eglise fédérale ou même confédérale. Et rien ne peut plus trahir l'esprit de l'institution que le fédéralisme.

Mais il faut avouer que la disparition complète du latin dans les relations ecclésiastiques génère en soi un clivage linguistique. Et au clivage linguistique s'ajoute celui de la compréhension variable des concepts les plus fondamentaux du christianisme.

Une critique souvent perçue dans les réactions des évêques est celle de l'incompréhension d'une réponse unique donnée à toute question qui se pose dans le monde. Fort d'une conception catholique, l'Eglise a souvent considéré que toute réponse de l'Eglise à une question quelconque devait être la même partout. Les évêques en réagissant diversement sur tous les problèmes, ont montré qu'ils ne partageaient en pratique pas cette chose.

Le problème pourrait avoir deux aspects :

  1. dans un premier aspect : on constate que l'Eglise prétend gérer, contrôler, punir, encourager chaque acte de la vie humaine, qu'elle soit sociale ou personnelle.
    Que vous soyez riche ou pauvre, homme ou femme, jeune ou vieux, militaire ou civil, vous devez vous soumettre tous à la même règle. Si vous êtes un homme de 75 ans, calmé et serein, vous devez absolument éviter le péché d'avortement dont il est certain que vous allez le commettre .... Si vous êtes un militaire de trente ans, vous devez absolument pratiquer le pardon des offenses que subit une petite jeune fille de dix-sept ans. Et ainsi de suite.
    L'une des déclarations du Concile traite longuement de la pastorale du tourisme comme s'il s'agissait de la chose la plus importante du monde de savoir si dans les lieux de pélerinage, les présentoirs de cartes postales doivent voisiner ceux des images pieuses. Et celà identiquement avec l'obligation qui vous est faite de croire que Jésus est le Fils de Dieu. Avec l'habitude, la chose ne saute pas aux yeux. Mais, l'habitude se perd vite et pour dire le vrai, elle est perdue ...
    Plutôt qu'à un "retour" à l'Eglise des premiers temps qu'ont fantasmé tant d'experts au Concile, c'est à un recentrement du catholicisme sur des valeurs catholiques fondamentales qu'il faut oeuvrer.
  2. dans un second aspect : on constate que les conférences épiscopales prennent une importance de plus en plus grande. Il faut reconnaître que certains diocèses étant devenus plus petits qu'une grosse paroisse d'il y a trente ans, l'évêque d'un tel diocèse est prêt à se soumettre à ses puissants confrères de la Conférence épiscopale de la région, ou de l'Etat. d'autant qu'en passant au secrétariat de la Conférence, l'évêque rencontrera sûrement l'ecclésiastique auquel il doit sa nomination par le Saint-Père ...
    Mais, il nous semble qu'on n'a pas toujours mesuré l'effet qu'il y a de restaurer l'Eglise de France de la Constitution civile du Clergé de 1791 dans la France déchristianisée du Troisième millénaire.
Ainsi, d'un côté l'Eglise s'éparpille sur tout et n'importe quoi et de l'autre ses cadres aspîrent à une autonomie de plus en plus marquée, seuls ou en groupes.

L'un dans l'autre, l'érosion du prestige du pontificat, sa propension de vouloir régir tout et rien alors que sa puissance est devenue débile, la requête de démocratie dans l'Eglise, l'affaiblissement des évêques séparément, tout milite dans l'agglomération en ensembles politiquement plus petits et plus "efficaces".

Autant dire alors que le discours sur "l'unité", la désapprobation sur le "schisme" lefebvriste, tout celà sera d'un coup d'un passé oublié quand il faudra considérer un conflit entre l'Eglise d'Ile-de-France et celle de la ... Creuse, l'une élisant à sa tête une femme prêtre et l'autre choisissant un couple homosexuel pour remettre les péchés. L'élection d'un futur Pape pourrait alors ne plus avoir aucune signification.

On entend ces jours-ci que les cardinaux électeurs veulent faire la lumière sur les problèmes supposés de la Curie romaine. C'est très bien. Mais, veulent-ils faire le nettoyage des écuries d'Augias ou élire le Pape ? Sous-entendu, est-ce le rôle du Pape ou celui de ses électeurs ?

Plusieurs affaires de ces dernières années ont attiré l'attendtion sur une Curie de plus en plus suspectée. Mais, dans le même temps, on sait que sa puissance théorique est paralysée par la faiblesse de ses moyens pratiques. Levant l'excommunication d'un négationiste, la Curie ignorait tout des publications sur Internet de cet individu. Les services qui ont instruit la levée d'excommunication n'avaient aucun moyen raisonnable pour enquêter sur lui.

En réalité, les papabile pourraient avoir un autre avantage à "nettoyer" le terrain. Ils veulent chacun être élu et trouver une place nette, sans casserole. Parce qu'ils savent qu'ils vont trouver des casseroles et qu'ils n'ont pas fini d'en entendre. "Alors, non merci pour moi", dit chacun. A tout le moins, il veut "savoir" ...


Revue THOMAS (c) 2013