Au sujet de la manifestation médiatique du Lavement des pieds

Philippe Brindet - 29.03.2013

Des protestations ?

Le journaliste Alessandro Speciale qui avait déjà écrit un article que nous avons largement commenté dans notre propre article intitulé : Le Lavement des Pieds et le Pape François, a refait un autre article sur le sujet le lendemain dans le Washington Post du 29 mars 2013 et intitulé "Vatican defends Pope Francis’ washing of women’s feet". Il est symptomatique que le journaliste se concentre exclusivement sur la présence de deux femmes parmi les douze jeunes alors que la présence de deux musulmans est aussi intéressante.

Le journaliste identifie d'abord une source traditionaliste de protestation :
The move has come under fire from Catholic traditionalists who say that the rite is a re- enactment of Jesus washing the feet of the 12 apostles before his death, and thus should be limited only to men. La manifestation médiatique a mis en ébullition des traditionalistes catholiques qui disent que le rite est une représentation de Jésus lavant les pieds des 12 apôtres avant sa mort, et ainsi qu'il doit être limité au seuls hommes.
Pour représenter cette protestation "traditionaliste", le journaliste cite Edward Peter, qui est un laïc engagé du diocèse de Sacramento (voir son site professionnel de canoniste), sans lien avec le mouvement traditionaliste. Il cite enfin un autre bloggueur, le Père John Zuhlsdorf, qui a été ordonné par Jean-Paul II en 1991 (voir article Wikipedia) et qui est donc absolument en dehors de la sphère traditionaliste.

Le journaliste se borne à noter que ces deux sources de protestation portent :

  1. pour Edward Peter sur le fait qu'une instruction de 1988 de la Congrégation pour le culte divin édicterait que "seuls des hommes spécialement sélectionnés doivent être admis au lavement des pieds" ;
  2. pour John Zuhlsdorf sur son appréciation que cette manifestation médiatique du Pape François est destinée à donner satisfaction à l'aile progressiste qui aurait été brimée depuis quarante ans ...
On voit qu'il s'agit là de "protestations" bien timides.

La réplique du Vatican

Selon le journaliste Speciale, le Vatican se serait ému de ces critiques. On présume que cette réaction est provoquée par d'autres critiques plus virulentes que celles que Spéciale rapporte. Selon Speciale, le Père Lombardi (sj) porte-parole du Saint-Siège, a trouvé la démonstration du Pape François parfaitement licite pour un rite qui n'est pas un sacrement de l'Eglise. Le pape aurait ensuite appliqué un principe constant de l'Eglise en adaptant la liturgie à la situation réelle de la communauté dans laquelle il célébrait le rite. En effet, il se trouvait dans une prison pour jeunes, mêlant garçons et filles. On s'interroge à ce propos.

Toujours est-il que la "situation réelle de la communauté" aurait conduit le Pape François à choisir comme "hommes spécialement sélectionnés" selon la règle canonique deux femmes pour le rite du Lavement des pieds. On peut penser que l'église aurait depuis l'élection du Pape François admis la théorie du genre selon laquelle, "chacun est libre de choisir le genre dans lequel il s'exprime le mieux". Ici, il est possible que les deux filles se sentaient plutôt "hommes" lors de ce Jeudi Saint. Le Pape François a été conduit à appliquer le droit canonique en les sélectionnant comme hommes pour le Lavement des pieds.

Comme quoi, il suffisait de demander et le Vatican est au-dessus de toute protestation. Surtout de traditionalistes.

Une autre interprétation

Très clairement, le Pape François a choisi d'appliquer l'"esprit du Concile" de manière dogmatique, obligatoire et unique. Et quelques personnes vigilantes dans l'Eglise s'en sont déjà aperçues.

Le rôle de journalistes comme Speciale, est de désigner au plus vite de telles résistances à la vindicte des sociétés de pensée qui accompagnent depuis longtemps le mouvement progressiste dans l'Eglise. Ainsi, alors que Edward et Zuhlsdorf ne sont en rien liés à la sphère traditionaliste, ils sont amalgamés à cette sphère de façon à focaliser la haine des groupes progressistes et des braves gens qui détestent les extrêmes ... quand ils ne sont pas progressistes.

Si l'orientation du pontificat se précise, il est certain que la participation des fidèles à la vie religieuse va se réduire encore et qu'un activisme de type progressiste va se renforcer encore.

Dans le même temps, la sphère traditionaliste va évidement se renforcer et il y aura bientôt deux Eglises : une Eglise littéralement clandestine et persécutée, mais vivant d'une vie religieuse d'autant plus vive, et une Eglise officielle et médiatique, multipliant les manifestations progressistes et se repliant en un club d'une minorité d'activistes associés à une myriade d'ONGs comme Greespeace, Amnesty International, AVAAZ, ou le WWF.

On veut faire remarquer combien la distorsion du rite exécuté par le Pape François est caractéristique des menées progresssites depuis le Concile Vatican II - en fait très timides mais réelle bien avant. Il s'agit de prendre les formes bibliques, décrites dans les Textes Saints, d'utiliser un aspect, toujours de la sphère sociale indéniable dans les Evangiles, et de l'interpréter ensuite de la manière progressiste.

Il est clair que Jésus a lavé les pieds à 12 individus et qu'Il a clairement commandé le service des autres par ceux qui sont les plus grands. Fort de cette analyse réductrice du texte authentique, le Pape François choisi lui aussi 12 individus et leur commande de "s'aider mutuellement" - ce qui est le comble de la réduction du message évangélique. Le fait que les individus étaient des hommes et qu'ils étaient même les apôtres et spécialement eux et eux seuls, est complètement méconnu. Ce n'est pas leul fait du Lavement des Pieds.

On se reportera par exemple à notre article intitulé Le Lavement des Pieds et le Pape François pour accéder à une pleine extension du message évangélique qui est pourtant d'une simplicité extrême, mais qui exige de lire 16 versets à la suite et non pas deux morceaux tronqués d'entre eux, comme le fait ici le Pape François.

Une fois de plus, on rapelle combien le Pape est criticable lorsqu'il n'engage pas l'infaillibité papale exprimée de manière licite. Ici, le P. Lombardi soulignant que la manifestation médiatique du Pape François ne portait pas sur un sacrement, donne le critère d'une critique permise. Et nous en sommes infiniment tristes.


Revue THOMAS (c) 2013