Les petites phrases du Pape François - les prêtres de la porte fermée

Les petites phrases du Pape François - les prêtres de la porte fermée

Philippe Brindet - 25.05.2013

La presse distille avec "délices" des mots d'esprit du Pape. Se rend il compte du trouble qu'il jette ainsi ? Ce qui secouait l'inertie de ses vicaires de paroisse à Buenos-Aires est il vraiment adapté à l'Eglise universelle et surtout au monde ? Il semble le penser. On peut être d'une opinion différente. Mais c'est le Pape.

Une fois de plus, le quotidien Le Monde, sur la foi semble t'il d'une dépêche AFP indique :

"Nous sommes souvent des contrôleurs de foi plutôt que des facilitateurs", a-t-il regretté lors de sa messe quotidienne (...). Le pape argentin âgé de 76 ans a cité l'exemple d'un prêtre qui avait refusé de baptiser l'enfant d'une mère célibataire, selon un passage de son homélie transmis par Radio Vatican. "Cette femme a eu le courage de poursuivre sa grossesse et de ne pas renvoyer son enfant à l'envoyeur. Et qu'est-ce qu'elle trouve ? Une porte fermée", a-t-il lancé dans le langage très direct et imagé qui le caractérise.
L'article est intitulé : Le pape exhorte l'Eglise à tenir "ses portes ouvertes" et il est paru le 25 mai 2013.

Le pape, selon la même source aurait aussi déclaré :

"Jésus a institué sept sacrements et avec ce genre d'attitude nous en créons un huitième : le sacrement du poste de douane pastorale !"

Sur le refus de baptême

Selon toute vraisemblance, le Pape a parfaitement raison de protester contre l'attitude de ce prêtre qui refusait de baptiser l'enfant d'une mère célibataire. En effet, le Code de droit canonique stipule clairement :

Can. 877 - § 1. Le curé du lieu où le baptême est célébré doit noter avec soin et sans retard dans le registre des baptisés les noms des baptisés avec mention du ministre, des parents, des parrains et des témoins s'il y en a, du lieu et du jour où le baptême a été administré, en indiquant aussi la date et le lieu de naissance.
§ 2. S'il s'agit d'un enfant de mère non mariée, le nom de la mère doit être inscrit, si sa maternité est connue publiquement ou si elle le demande elle-même spontanément par écrit ou devant deux témoins; le nom du père doit être également inscrit, si sa paternité est prouvée par un document officiel ou par sa propre déclaration faite devant le curé et deux témoins; dans les autres cas, seul le nom du baptisé sera inscrit, sans faire aucune mention du nom du père ou des parents.
Source : Code de DC Livre IX - 1° Partie - Titre I, Chapitre V

Il est donc clair que le prêtre n'a absolument pas le droit de refuser de conférer le baptême à un enfant né hors mariage. Etait-ce le lieu d'une homélie papale de rappeler un simple point de droit canonique ?

Le problème du "poste de douane"

Mais le pape pose ensuite un véritable problème de discipline ecclésiastique. Il est très possible que le prêtre refusant le baptême d'un enfant se soit trouvé confronté à un tout autre problème que celui de l'immoralité de la mère, constituée par sa maternité célibataire.

Le cas se trouve dans le Code de DC :

Can. 868 - § 1. Pour qu'un enfant soit baptisé licitement, il faut:
(...)
2 qu'il y ait un espoir fondé que l'enfant sera éduqué dans la religion catholique; si cet espoir fait totalement défaut, le baptême sera différé, selon les dispositions du droit particulier, et les parents informés du motif.

Un autre cas est aussi évoqué dans ce même Conde de DC :

Can. 851 - La célébration du baptême doit être dûment préparée. Par conséquent:
(...)
2 les parents de l'enfant à baptiser, ainsi que les personnes qui vont assumer la charge de parrains, seront dûment instruits de la signification de ce sacrement et des obligations qu'il comporte; en réunissant plusieurs familles et, là où c'est possible, en leur rendant visite, le curé, par lui-même ou par d'autres, veillera à ce que, par des exhortations pastorales et surtout par la prière en commun, les parents soient convenablement préparés.

Il semble donc que, comme un catéchuménat pour le baptême des adultes, le baptême de l'enfant entraîne pour ses parents et le parrain une lourde charge de préparation. On connaît des lieux en France où la préparation donne lieu à de grandiloquentes sessions de formation dont la viduité n'a d'égale que l'absence complète de contenu dogmatique, mais dont la longueur décourage la demande de baptême.

C'est très probablement ce cas que le Pape critique, quand il réprouve les procédures instaurées ici ou là, et il n'est pas de notre compétence de dire ni où, ni dans quelle extension,

En particulier, la chose apparaît aussi pour la Confirmation et plus encore pour le mariage. Les futurs époux sont attraits le plus souvent dans un véritable traquenard, montés par de forts braves gens, les prêtres ne se fourvoyant plus que de loin - et c'est heureux - dans ces sessions où, autour d'une pizza et d'un verre de beaujolais, des couples âgés sermonnent avec suffisance de jeunes couples de gens, de plus en plus âgés et qui ont le plus souvent vécus en couple depuis bien longtemps - et souvent, ce n'est même pas le même couple !

Toujours est-il que la vaniteuse "préparation au mariage" prend parfois plus de deux ans ! Et sur des bases décevant le sens commun. Il faut que la pression familiale d'avoir une réception à l'église soit bien forte pour que les "mariés" acceptent de faire semblant pendant parfois plus d'un an.

On voit ici la cause de la "sortie" du Pape François. Une telle attitude de la part des ecclésiastiques fait ressembler la paroisse à un dangereux poste de douane où il faut tout déballer. Et c'est intolérable. Le Pape François en a bien raison.

Mais, cette remarque ne peut pas faire oublier que le Code de DC rappelle pourtant de manière légitime que les sacrements ne devraient pas être conférés à des chrétiens ignorants. De toute façon, la remarque du Pape François pose, une fois de plus, plus de problèmes qu'elle n'en visait.


Revue THOMAS (c) 2013