Manif' pour tous - Quelques réflexions politiques

Manif' pour tous - Quelques réflexions politiques

Philippe Brindet - 26 mai 2013

Le débat autour de la loi Taubira qui établit le mariage des homosexuels comme une institution identique à celui du mariage hétérosexuel a rassemblé contre lui des gens qui croyaient à des choses différentes. Mais, en face, la confusion est largement égale. Et la confusion se paye par l'accroissement du désordre. Et ce n'est vraiment pas le moment pour un Etat dont un soldat en armes, accompagné de deux collègues armés, se fait éliminer par un homme débile armé d'un simple cutter aux portes de Paris, à moins de 7 kilomètres du Palais de l'Elysée.

Le désordre des activistes

Tout s'est joué sur un slogan progressiste, celui de l'égalité des droits. Le principe est syllogistique. Tous les citoyens sont égaux en droits. Le mariage est un droit. Donc tous les citoyens ont le droit au mariage. Y compris les homosexuels.

Or, même chez les progressistes, il y a des gens de bon sens qui savent que le syllogisme ne fonctionne pas dans la réalité. Il est le raisonnement spécieux de l'idéologie. Ainsi le parti de gouvernement qui est le Parti Socialiste, comporte une frange importante de gens qui pense que le mariage n'est pas une institution destinée à accueillir les couples homosexuels.

Jusqu'à la première grande manifestation des conservateurs, ces minoritaires ont protesté contre le projet de loi Taubira. Mais, peu à peu, coincé entre l'idéologie du syllogisme et leur peur d'être dénoncé comme des traîtres, ils se sont ralliés et parfois même ont surenchéri.

Il existe d'ailleurs chez ces minoritaires opposés au mariage homosexuel à la Taubira un mouvement identique à ceux des opposants conservateurs et que je développerai plus loin. Or, ce mouvement est un mouvement de répulsion quasi physiologique. Ces minoritaires ne l'ont pas éliminé par leur adhésion politique. Il les poussera bientôt contre leur camp.

Si seulement les conservateurs avaient su créer des alliances avec eux ! Le sort de la loi Taubira aurait pu être réglé. Mais, l'imbécilité des dirigeants du mouvement de la Manif' pour tous n'a d'égal que leur activisme catholique. C'est tout dire.

Le désordre des conservateurs

Le désordre idéologique règne chez les opposants. Ils ont prospéré sur deux mouvements de haine primaire et viscérale : l'anti-socialisme et l'homophobie.

La prédation économique du règne hollandiste a concentré la réprobation générale. Plus de deux français sur trois pense que la bande de gangsters qui a pris le pouvoir a placé le peuple français dans une situation économique irrémédiablement catastrophique. Le gang précédent utilisait l'anesthésie et la chansonnette. Le suivant opère sans anesthésie et préfère les martiales fanfares militaires que Gossec adorait diriger au pied de la guillotine en 1793.

Dans ces conditions, mettre dans la rue la protestation de braves mères de famille correctement excitées par leur curé et ses amis ne procède pas du miracle.

L'autre mouvement de haine primaire et viscéral que j'évoquais au sujet des socialistes initialement opposés au projet Taubira, est celui de l'homophobie justement dénoncée par les soutiens de l'homosexualité. Malgré la protestation des catholiques qui jurent "aimer les homosexuels", mais haïr l'homosexualité, les conservateurs et certains progressistes ressentent un véritable malaise à la simple proximité d'un homosexuel. L'idée même de l'homosexualité rend furieux un conservateur.

La cause de cette haine n'est probablement pas une raison. Elle est littéralement psychiatrique et devrait remonter aux obscures forces inconscientes qui hantent notre conscience. Malgré quelques recherches, j'ai été incapable de trouver la moindre étude sérieuse concernant cet inconscient réactif. Probablement noyées dans le bruit généré par la croyance que "l'homophobie n'est pas une opinion, mais un délit", hélas demi-vraie tout en étant un demi-mensonge, les études de ce soubassement psychanalytique de la réaction au progrès me sont restées cachées. Je le regrette et ma réflexion manque de faits éclairants.

Beaucoup de conservateurs sont prêts à accepter qu'il existe des homosexuels. A condition qu'ils soient enfermés dans des institutions spécialisées comme le contrat d'union civile ou quelque chose du même genre. Mais qu'ils soient comme tout le monde, mariés, "celà est impossible" déclare le conservateur.

Mais il y a pire confusion. Il y a aussi ce que révèle certaines photos prises lors des manifestations. Ne parlons pas des paquets de manifestants éliminés des photos aériennes prises par la Préfecture de Police pour démontrer la faiblesse de la participation conservatrice dont tout le monde sait qu'elle est majeure. Non, je veux parler des filles de bonne famille, affublées d'une carmagnole d'une écharpe tricolore et d'un bonnet phrygien. Un exemple photographique se trouve à cette adresse. Ces gens sont fous. Je ne parle pas des filles, irresponsables. Je vise bien entendu les agences de communication qui ont travaillé dans l'ombre à ces ahurissants "happenings" dont la stupidité dépasse l'entendement.

Quand un mouvement atteint un tel niveau d'imbécilité, il n'y a plus guère de changement à attendre. Plus encore que le passage de la loi Taubira, ces filles déguisées sont la plus grande victoire de la gauche. Il ne reste plus à Hollande qu'à leur fournir les guillotines et les catholiques exécuteront eux-mêmes les opposants. Confusion.

Le désordre dans l'Eglise

Cette confusion se retrouve partout. Chez les catholiques, elle atteint un niveau inimaginable, illustré par l'activisme de prélats comme les cardinaux Vingt-Trois et Barbarin. D'une théologie absolument vide, ils ont été contraints d'approuver le pensum du Grand Rabbin de France qui exprimait les idées qu'ils étaient incapables de rassembler. Las. Le brave homme avait pillé des ouvrages de prêtres catholiques ! Confusion mentale.

Alors que les textes fondateurs et les textes normatifs de l'Eglise catholique sont parfaitement clairs - l'homosexualité est une abomination et les homosexuels pratiquants doivent être tués, ils se sont prêtés à un préchi-prêcha absolument inadmissible sur la loi naturelle et sur l'évidence biologique. Mais, ils ont été incapables de fournir le moindre élément au soutien d'une quelconque loi naturelle et quant à l'évidence biologique, à part quelques stupides références au "chromosome X différent de Y", ils se sont bornés à prétendre que la "théorie du genre" était une aberration, ce qui est possible, mais n'a rien à voir dans le débat.

Pire encore. C'est à la psychanalyse qu'ils ont demandé de démontrer que l'homosexualité était "contre nature". Les seuls "savants" qu'ils ont consulté à ce propos étaient des psychanalystes de l'ancien temps qui en sont restés aux fumisteries de Lacan et autres héritiers de Freud ou de Jung, aujourd'hui complètement dépassés. C'est à la psychanalyse, fondée essentiellement comme une machine de guerre contre le catholicisme autrichien dans la Vienne des Habsbourg, c'est à l'auteur de Totem et Tabou qui démontre que l'Eucharistie fondatrice de l'Eglise est une résurgence totémique que l'Eglise a demandé de défendre sa position. Confusion mentale.

Pire encore. L'organisation catholique de la protestation s'est trouvée contrôlée par une égérie contestée. "Personnalité" louche des nuits parisiennes, elle signait il y a peu le "certificat de mariage", maculé de pinard, d'un couple homosexuel comprenant un célèbre homme politique appartenant il y a peu encore à l'UMP avant d'adhérer au PS lors de l'élection hollandiste. Convertie auto-proclamée, la dame qui ne manque pas de chien, a mené d'une main de fer les manifestations, monstres mais stupides, de braves gens incultes et manipulés par les curés et les organisations catholiques.

Aujourd'hui que la loi est votée et que le "train" de la protestation est lancé, probablement vertement semoncée par la hiérarchie catholique, la dame ne sait comment éteindre l'incendie. Elle a beau accuser l'extrême-droite, mendier la protection de la police socialiste, protection qui lui est assurée d'ailleurs, le désordre est là. Les socialistes ne la remercieront jamais assez.

Les socialistes, UMP et caciques de l'UMP ont prévenu que la manifestation était anti-républicaine. Le Ministre de l'Intérieur, à peu près écroulé de rire, a averti les manifestants de venir "sans poussettes", parce que "çà allait saigner". D'autres ont sussurré qu'il était interdit de manifester contre "une loi de la République". Décomposés de peur, les évêques ont probablement intimé l'ordre aux organisateurs de disparaître. "Barjot" a décidé de ne pas participer, dit-on.

L'Eglise de France, sans aucun mandat démocratique, a fait le choix d'être une simple organisation républicaine, à but non lucratif, au nom de la "simplicité évangélique". Elle est donc parfaite dans la limite du respect "des lois de la République". Ses rodomontades "contre le mariage homosexuel" auront seulement contraints les conservateurs à manifester leur homophobie et à se placer "hors la loi républicaine". Et l'Eglise de France, devenue l'Eglise de la République française, s'en lave les mains, point à la ligne. L'Eglise catholique qui est en France n'a rien à voir avec ce désordre.


Revue THOMAS (c) 2013