Le conformisme des étudiants et de la société française bloquée

Le conformisme des étudiants et de la société française bloquée

Philippe Brindet - 06.07.2013

Les sociétés secrètes dans la jeunesse bourgeoise

La presse raconte une histoire passionnante. Celle d'une association bicentenaire d'une prestigieuse école républicaine. Il y a quelques jours, le président de cette association étudiante, accompagné de quelques membres convoque nuitamment un étudiant membre de l'association et qui avait déplu en organisant une "fête" comme savent le faire depuis quelques années la future élite de la "France" avec les conseils de marques d'anisettes et de vodkas fortes.

Le brave garçon dû avoir la peur de sa vie cette nuit là. On l'imagine fils à papa ou à maman, l'un ou l'autre eux-mêmes diplômés de la prestigieuse école, également scandalisés du sort abject réservé à leur rejeton. Et de faire agir leur réseau pour faire châtier les responsables. Appliquant exactement la stratégie qu'ils reprochent aux puissants membres secrtes de l'organisation contestée.

Le rôle des sociétés secrètes dans les grandes écoles est assez peu connu. Est bien mieux connu le rôle des associations de diplômés qui constituent de véritables sociétés de membres se reconnaissant par l'appartenance à l'Ecole. Il faut bien reconnaître le caractère essentiellement public de telles associations. Le récent incident rapporté par la presse montre que, derrière ces innocentes asociations d'anciens, derrière ces "carnets d'adresses", se trouvent d'autres associations souvent très anciennes et cependant gardées secrètes.

A quoi servent elles ? Folklore disent les gens blasés. C'est possible. Mais du folklore qui dure depuis deux siècles ? Moyen de se délasser des rigueurs estudiantes, disent d'autres. Là, c'est moins sûr. Le plus gros de l'effort est en France exécuté lors des préparations au concours d'entrée. Après, sauf quelques coups de feu, l'activité est beucoup plus calme et épanouissante.

Le rôle de l'alcoolisme dans la formation des élites bourgeoises

Le nombre de réunions alcooliques dans les plus grandes écoles de France ne se compte plus. Il n'est pas une fin de semaine sans qu'un ou plusieurs étudiants ne se noient, ivres morts. Selon les informations répandues de plus en plus chichement, peu d'établissements restent sains. Nous ignorons les pratiques à l'étranger. Cependant, plusieurs informations concernant les pratiques habituelles des étudiants Erasmus, comme l'affaire Fox, laissent peu de doutes sur l'extension occidentale du phénomène honteux.

Selon plusieurs informateurs médicaux, la cause de cette alcoolisation serait la recherche de la destruction des inhibitions et tous genres, sexuelles d'abord. Utilisant le grégarisme des fêtards, les diffuseurs de l'alcool dans ces parties visent à pousser les étudiants à commettre le plus de délits sexuels que possible. Commis en meutes, ces délits et souvent ces crimes lient alors les participants à la fête dans une association criminelle implicite qui dure la vie durant et que nul ne peut renier impunément. C'est le principe même du contrat sadien par lequel "le crime prime". Et c'est un contrat passé avec les forces progressistes qui précède la révolution et qui en est comme une nécessité fondatrice.

La chose paraît étonnante à certains. Comment des jeunes gens intelligents, bien éduqués, suivant une formation supérieure au cours de laquelle ils abordent des domaines passionnants de la connaissance avec certains des meilleurs savants, comment ces jeunes gens peuvent ils se laisser entraîner comme de pauvres types dans ce genre de traquenard ?

Une constante dont la prégnance s'accroît

Deux mouvements se rejoignent semble t'il. D'abord celui de la soumission à un ordre violent. Ensuite celui de la transgression.Dans les deux cas, c'est parce que la conscience morale est initialement la plus développée que l'imposition de pratiques sectaires et délictueuses contribue à forger un individu conformiste, soumis aux forces progressistes.

En France, l'enseignement est d'abord une éducation républicaine. Les programmes ont été progressivement orientés vers les concepts progressistes. Même les mathématiques qui semblent neutres sont en réalité un mode de sélection d'individus les mieux capables de se soumettre à une pensée imposée, sans remise en cause, sans démonstration qui pourrait conduire à une pensée personnelle.

Ainsi dans l'enseignement, toute démonstration doit conduire immanquablement celui qui la conduit à un résultat connnu d'avance et souvent, le processus même de la démonstration doit respecter des formes logiques imposées qu'il est rigoureusement interdit d'éviter au nom de l'efficacité.

Quand sournoisement, le professeur de "philosophie" tente d'éveiller l'intérêt des étudiants en leur intimant l'ordre de "penser par eux-mêmes", il va alors contrôler que la pensée "libérée" se développera dans un champ circonscrit d'avance dont l'étudiant ne s'échappera jamais au risque de réprimandes. Et si l'un d'eux fait montre réellement d'une pensée originale, le professeur lui-même issu du système, lui démontrera son erreur en le recadrant sur les grands anciens, Rouseau, Kant, Hegel, Marx, Bourdieu, Derrida, ....

Si l'éducation était déjà bourgeoise, il y a une ou deux générations, elle semble aujourd'hui en France un état de sclérose encore jamais atteint. Le personnel enseignant de l'Etat est généralement persuadé d'être à part de la bourgeoisie et il propage une idée fausse selon laquelle la bourgeoisie est conservatrice par ignorance. Or, la bourgeoisie est fondamentalement progressiste et l'ensemble du corps enseignant en fait partie intégrante. Le prétendu "conservatisme" de la bourgeoisie s'en est bizarrement fort bien accommodé.

Les études sont en France particulièrement pénibles. La manière la plus confortable de les mener utilise la soumission absolue aux idées enseignées, aux méthodes pratiquées, le respect des "vaches sacrées" de la science qui s'enseigne et l'indifférence générale à la science qui se fait. La chose n'est pas nouvelle. La plupart des novateurs refuse de se soumettre maintenant à l'enseigement d'Etat et est largement autodidacte.Ce conformisme n'en est il pas la raison ?

Mais deux mouvements ont rendu la caractéristique de l'enseigement encore plus rude. D'abord, la massification de l'enseignement supérieur. Ensuite, l'intrusion du progressisme dans presque tous les secteurs de la connaissance. Il n'est pas jusqu'à la biologie dans laquelle les idéologies ne s'épanouissent avec une férocité sans pareil.

La massification de l'enseignement supérieur a sûrement conduit à deux caractéristiques terribles :

  • l'accession à l'enseigement supérieur d'un nombre absolument incroyable de parfaits illettrés entièrement aspirés par la course au diplôme monnayable par un emploi le plus vite possible ;
  • l'explosion du nombre de connaissances servant de base à l'enseigenemnt supérieur et dont le niveau scientifique est incroyablement faible.

Il en résulte que peu à peu, la qualité du savoir accumulé lors de l'enseignement a cédé le pas à la démonstration de la conformité du diplômé à une exploitation sociale sans contestation. Ainsi, on note le succès d'une école d'ingénieurs qui a adapté la méthode d'entraînement des troupes spéciales américaines pour former ses étudiants. Il s'agit de faire travailler pendant plusieurs semaines des centaines d'étudiants sur des projets collectifs. Le travail est exécuté sans repos, ni repas institués, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept jusqu'à épuisement. La docilité des étudiants "survivants" est alors récompensée par des embauches dans les entreprises les plus riches qui trouvent là un vivier de salariés soumis, dociles, sans scrupules.

Les enseignants pourchassent sans pitié les individus déviants, ne se soumettant à la loi enseignée, tous les étudiants qui répugnent à la soumission collective et aux pratiques délétères comme les redoutables "années" à l'étranger, d'une viduité absolument consternante mais auxquels il n'est pas conseillé de tenter d'échapper.


Revue THOMAS (c) 2013