Bretagne, la "révolte des bonnets rouges"

Bretagne, la "révolte des bonnets rouges"

Philippe Brindet - 04.11.2013

L'écotaxe, impôt voté par le Parlement et dont l'entrée en vigueur devait être au 1er janvier 2014, dans deux mois, a été reporté. A t'elle servi de déclencheur à la soi-disante "révolte des bonnets rouges" en Bretagne ?

La soi-disante "révolte des bonnets rouges" en Bretagne est-elle le début d'une lutte séparatiste ?

La soi-disante "révolte des bonnets rouges" en Bretagne est-elle le prélude à une révolution contre le pouvoir socialiste ?

Voilà trois questions que l'on se pose ici ou là, ou trois questions auxquelles on répond sans les poser.

L'écotaxe déclencheur ?

A première vue, c'est le cas. Les émeutiers brûlent des portiques de perception de l'écotaxe et le mouvement des "bonnets rouges" exige la suppression de cet impôt nouveau. Mais, on remarque deux choses :

  1. Sauf un incident dans le Nord, aucune exaction contre les portiques "écotaxe" ou autres bornes n'a eu lieu hors la Bretagne. Il semble donc que l'idéologie de l'écotaxe soit régionalement mal vécue, tandis qu'elle est moins critiquée ailleurs, sinon accueillie comme un "impôt juste".

    Il semble donc justifié de considérer que, pour des questions probablement économiques, l'écotaxe est plus mal ressentie en Bretagne qu'ailleurs. En effet, la Bretagne s'est largement spécialisée dans l'élevage et les cultures maraîchères qui exigent un transport important. Il en résulte que les producteurs bretons sont, peut être plus que d'autres paysans, frappés par le poids de l'écotaxe.

    Les écologistes qui ont imposé cette taxe aux abrutis qui dirigent la France depuis plusieurs décennies, n'ont peut être pas la culture suffisante poour intégrer le concept de chaîne économique. On sait qu'il existe parmi eux plusieurs Polytechniciens, hauts fonctionnaires, dont on ne citera pas ici le nom, mais qui sont parfaitement capables, par pur esprit dictatorial, de négliger cet aspect pourtant incontournable de l'économie réaliste. Ainsi, selon les calculs de plusieurs chefs d'entreprise, le coût de l'écotaxe pour un producteur qui livre son produit à l'agent économique suivant dans la chaîne est de l'ordre de 0,5 à 1,5% de son chiffre d'affaire. On n'a peut être pas mesuré en "haut lieu" le montant démesuré que le transport prend alors pour un producteur. Surtout que les grandes entreprises clientes des producteurs sont parfaitement capables d'exiger que l'écotaxe soit remboursée par le fournisseur amont pour toutes ou partie de ses écotaxes sur le trajet du produit livré.

    On néglige un autre aspect de la question de l'écotaxe. Les esprits faux qui raisonnent "à l'ancienne", n'ont pas compris ce qu'est une fiscalité écologique. Ils ont entendu que l'écotaxe servirait à financer la rénovation du réseau routier secondaire français. C'est idiot,, même si c'est vrai. En réalité, l'écotaxe est un impôt dictatorial destiné à empêcher les agents économiques d'utiliser le réseau routier secondaire en le mettant hors de prix. Les écologistes, dont on ne dira jamais assez le tropisme fasciste, veulent que les producteurs orientent leur production vers des modes de transport alternatifs à la route, savoir, le rail, le bateau et l'avion. On peut estimer vraisemblable que certains écologistes ont déjà massivement investi dans ces transports "alternatifs" en vue de leur enrichissement.

    Toujours est-il que les Bretons perçoivent très mal ce diktat qui, en effet, leur interdit d'utiliser le réseau routier secondaire pour écouler leur production. Il est évident que si l'écotaxe est maintenue, le chômage et les faillites vont s'accélérer en Bretagne.

    Mais l'Etat ne peut reculer sur l'écotaxe, parce qu'il s'agit d'un impôt à la fois idéologique et dictatorial, si vous préférez un impôt fait pour interdire une activité. Il s'agit donc d'un impôt socialiste par essence. Voulu par le sarkozysme. Il y a un véritable consensus de la classe politique de pouvoir sur cette écotaxe.

  2. Mais cet impôt frappe aussi les autres producteurs partout en France sans soulever une révolte comparable à celle des bonnets rouges. Seulement, il faut tenir compte que l'économie bretonne pourrait être arrivée à un état de développement dans lequel elle ne peut plus ni progresser ni se transformer.Exploitations animées par un seul agriculture, elle ne permet plus à une proprotion suffisante de la population bretonne de vivre au pays. Des entreprises, notamment dans la transformation agro-alimentaire, mais d'autres secteurs aussi, ont crus. Mais leur état financier est lamentable à cause de la crise, d'une gestion tirée par la baisse des prix et d'une fiscalité exhorbitante comme partout en France. Bref, la Bretagne est au bord de la faillite, peut être plus que d'autres régions de France, marlgré le toursime, une agriculture "florissante" sur le papier.

    C'est probablement donc un mélange de "mauvaises circonstances" qui entraîne une mobilisation. Il faut aussi tenir compte qu'on a, hors Bretagne, mal mesuré l'existence d'un identité bretonne, basée sur une tradition millénaire pas toujours en accord avec les autres régions françaises ou avec la République dictatoriale de Paris.

Les bonnets rouges séparatistes ?

Il existe entre les deux guerres, puis pendant le gaullisme, une tendance spéciale d'autonomie bretonne. Cette tendance essentiellement socialiste oscille entre le gauchisme de type maoïste et le fascisme à l'allemande, pour lequel une partie des autonomistes bretons a eu un fort tropisme pendant la seconde Guerre Mondiale. Actuellement, il semble qu'il y ait trois influences en Bretagne :

  1. le mouvement des chrétiens de gauche ;
  2. le mouvement folkloriste ;
  3. la gauche radicale.

L'idéologie de gauche a annexé une bonne part du catholicisme très largement implanté en Bretagne. qui par ailleurs est fortement tenu par les mouvements de gauche. Si le folklorisme est un élément centrifuge par rapport à l'Etat unificateur républicain, tant le catholicisme de gauche que les partis de gauche, sont fortement agglutinant à l'Etat républicain. La thématique catholique est de toute façon devenue très miscible avec l'idéologie des diverses gauches. Le quadrillage de la Bretagne par les paroisses est très sensible.

Le folklorisme, comprenant la langue bretonne et son enseignement, est un particularisme qui a toujours été en lutte avec le pouvoir central républicain. Il est donc l'un des plus forts déterminants à un séparatisme qui n'a donc pas attendu les "bonnets rouges". Qu'il soit présent parmi les bonnets rouges, peut être sous la forme du gwen a du le dapeau des autonomistes bretons, c'est possible. S'il n'y a rien de plus, le séparatisme breton n'est pas prêt à influer les bonnets rouges.

Rien ne permet de dire que le mouvement des bonnets rouges ait une accointance particulière avec la droite et encore moins avec l'extrême-droite. D'ailleurs, la Bretagne est une région qui a "bien voté" pour Hollande en Mai 2012. La Bretagne a porté Hollande en tête au premier (31,74%) et au second (56,35%) tours, ce que peu de régions ont fait. Or, dans les orientations de gauche, le séparatisme n'est pas très bien porté. Au contraire, le jacobinisme de l'état centralisateur et fort est très présent dans la culture bretonne. L'historien Prigent explique très bien la montée lors du XX° soècle des réseaux socialistes anticléricaux à l'origine. Puis, avec la Guerre d'Algérie, l'Eglise catholique s'y est peu à peu agrégée.

Il existe une composante agglomérante à la gauche du mouvement des bonnets rouges : la frayeur comique des députés socialistes de ne pas être réélus. Parce que les députés bretons ont parfaitement identifiés que leurs électeurs portaient le bonnet rouge. Mais il existe une composante qui l'en écarte. Cette composante nous est invisible encore. Mais elle a été identifié par le meneur d'extrême-gauche, Mélanchon, qui d'ailleurs vient des mouvements de chrétiens de gauche. Il a dans un accès de rage froide - qu'il affectionne parce qu'elle le fait ressembler à Robespierre - jeté à la face des bonnets rouges «A Quimper, les esclaves manifesteront pour les droits de leurs maîtres». Il se serait excusé depuis ... Mais, il a sûrement perçu le manque d'ambition politique, l'absence de structuration révolutionnaire du mouvement des bonnets rouges.

Parmi les déterminants séparatistes, il pourrait exister un mouvement unioniste qui promeut les régions contre les Etats membres. Ce mouvement qui utilise la Charte des régions européennes, n'a dé'efficacité que lorsqu'il projette d'établir des liens directs, culturels et commerciaux avec au moins une autre région européenne. Rien de tel ne semble exister dans la Bretagne.

L'ensemble de ces données nous conduit à penser que le mouvement des "bonnets rouges" n'est pas plus autonomiste que séparariste. Qui en doutait ?

Les bonnets rouges et la contagion

La contagion nous paraît fort improbable. Il est même étonnant que la protestation contre l'écotaxe n'ait pratiquement débouché sur des exactions contre les portiques et bornes Ecomouv' qu'en Bretagne. Une borne dans les Landes et une autre dans le Nord ont été incendiés. C'est tout. L'opinion émane d'une population complètement anesthésiée depuis plusieurs années. Il n'existe qu'une population qui dispose des moyens d'une émeute durable. Il s'agit des sans-papiers et autres clandestins. Mais, fortement encadrés par les organisations de gauche, leur vélléité de démembrer la République est inexistante. C'est un Etat-Providence qui est d'ailleurs le meilleur patron de ces masses appartenant à la gauche. Tant que l'Etat-Providence reste socialiste, le risque d'émeute est extrêmement faible et sans portée politique.

Le mouvement moderne des bonnets rouges semble bien circonscris à la Bretagne. Non seulement, il fait référence à un mouvement propre à la seule Bretagne, mais, d'après nos informations, aucune autre organisation en dehors de la Bretagne n'a tenté ne serait-ce qu'un seul geste de solidarité ou de soutien. De là à s'entendre pour une extension ou une coordination, il y a un espace immense qui semble infranchissable. Seul le terrain est prêt : un mécontentement, une réprobation, une colère universelle en France.

Quelles seraient les conditions d'une révolution ?

Il faut l'apparition de deux forces radicales. La première force est une force politique qui possède un projet de régime politique clair et précis. Cette force existe. Il s'agit de l'islam. A t'il atteint le niveau politique nécessaire ? Nous ne le pensons pas. S'il l'atteint, ce sera peut être dans le cadre des insttituons du régime actuel et alors, cette force ne sera pas révolutionnaire. En dehors de l'islam, nous ne voyeons aucune force susceptible de fonder un autre régime. Mais, de toute façon, il faut à cette première force, une seconde force qui est un emasse d'émeutiers. Il n'y a besoin que de quelques dizaines de milliers d'émeutiers pour faire tomber un régime présentant une belle apparence. Et cette troupe existe. Il n'est pas besoin de la désigner.

Aujourd'hui, l'Etat disposerait encore des moyens pour payer une police et une force armée. Ces forces seraient selon notre évaluation encore capables de s'opposer à des menées révolutionnaires. Mais, la capacité de l'Etat à financer sa force de répression est parvenue à une limite. Comme dans le même temps, la capacité de la magistrature a appliquer les coercitions légales est de plus en plus réduite, une inquiétude fondée pourrait se lever parmi les politiciens du régime actuel.

La contestation du régime par les bonnets rouges est cependant de plus en plus claire. Si on la conjugue avec les protestations dans le pays, il semble que plus une seule mesure envisagée non seulement ne peut emporter l'adhésion, parfois même des partisans du régime, mais encore suscitera de véhémentes protestations et ailleurs de l'indignation. "Indignez-vous !" avait recommandé l'homme de gauche Stéphane Hessel, il y a moins de quatre ans. C'est en cours. S'approche t'on d'une révolution par l'indignation ?

Nous ne le pensons pas. Il manque le projet de régime alternatif. Par contre, la contagion des "bonnets rouges" serait alors possible.

Mais, les révolutions ont ceci de particulier : elles sont imprévisibles a priori même quand elles sont explicables a posterori.


Revue THOMAS (c) 2013