Bretagne, la "révolte des bonnets rouges"Philippe Brindet - 04.11.2013L'écotaxe, impôt voté par le Parlement et dont l'entrée en vigueur devait être au 1er janvier 2014, dans deux mois, a été reporté. A t'elle servi de déclencheur à la soi-disante "révolte des bonnets rouges" en Bretagne ? La soi-disante "révolte des bonnets rouges" en Bretagne est-elle le début d'une lutte séparatiste ? La soi-disante "révolte des bonnets rouges" en Bretagne est-elle le prélude à une révolution contre le pouvoir socialiste ? Voilà trois questions que l'on se pose ici ou là, ou trois questions auxquelles on répond sans les poser. L'écotaxe déclencheur ?A première vue, c'est le cas. Les émeutiers brûlent des portiques de perception de l'écotaxe et le mouvement des "bonnets rouges" exige la suppression de cet impôt nouveau. Mais, on remarque deux choses :
Les bonnets rouges séparatistes ?Il existe entre les deux guerres, puis pendant le gaullisme, une tendance spéciale d'autonomie bretonne. Cette tendance essentiellement socialiste oscille entre le gauchisme de type maoïste et le fascisme à l'allemande, pour lequel une partie des autonomistes bretons a eu un fort tropisme pendant la seconde Guerre Mondiale. Actuellement, il semble qu'il y ait trois influences en Bretagne :
L'idéologie de gauche a annexé une bonne part du catholicisme très largement implanté en Bretagne. qui par ailleurs est fortement tenu par les mouvements de gauche. Si le folklorisme est un élément centrifuge par rapport à l'Etat unificateur républicain, tant le catholicisme de gauche que les partis de gauche, sont fortement agglutinant à l'Etat républicain. La thématique catholique est de toute façon devenue très miscible avec l'idéologie des diverses gauches. Le quadrillage de la Bretagne par les paroisses est très sensible. Le folklorisme, comprenant la langue bretonne et son enseignement, est un particularisme qui a toujours été en lutte avec le pouvoir central républicain. Il est donc l'un des plus forts déterminants à un séparatisme qui n'a donc pas attendu les "bonnets rouges". Qu'il soit présent parmi les bonnets rouges, peut être sous la forme du gwen a du le dapeau des autonomistes bretons, c'est possible. S'il n'y a rien de plus, le séparatisme breton n'est pas prêt à influer les bonnets rouges. Rien ne permet de dire que le mouvement des bonnets rouges ait une accointance particulière avec la droite et encore moins avec l'extrême-droite. D'ailleurs, la Bretagne est une région qui a "bien voté" pour Hollande en Mai 2012. La Bretagne a porté Hollande en tête au premier (31,74%) et au second (56,35%) tours, ce que peu de régions ont fait. Or, dans les orientations de gauche, le séparatisme n'est pas très bien porté. Au contraire, le jacobinisme de l'état centralisateur et fort est très présent dans la culture bretonne. L'historien Prigent explique très bien la montée lors du XX° soècle des réseaux socialistes anticléricaux à l'origine. Puis, avec la Guerre d'Algérie, l'Eglise catholique s'y est peu à peu agrégée. Il existe une composante agglomérante à la gauche du mouvement des bonnets rouges : la frayeur comique des députés socialistes de ne pas être réélus. Parce que les députés bretons ont parfaitement identifiés que leurs électeurs portaient le bonnet rouge. Mais il existe une composante qui l'en écarte. Cette composante nous est invisible encore. Mais elle a été identifié par le meneur d'extrême-gauche, Mélanchon, qui d'ailleurs vient des mouvements de chrétiens de gauche. Il a dans un accès de rage froide - qu'il affectionne parce qu'elle le fait ressembler à Robespierre - jeté à la face des bonnets rouges «A Quimper, les esclaves manifesteront pour les droits de leurs maîtres». Il se serait excusé depuis ... Mais, il a sûrement perçu le manque d'ambition politique, l'absence de structuration révolutionnaire du mouvement des bonnets rouges. Parmi les déterminants séparatistes, il pourrait exister un mouvement unioniste qui promeut les régions contre les Etats membres. Ce mouvement qui utilise la Charte des régions européennes, n'a dé'efficacité que lorsqu'il projette d'établir des liens directs, culturels et commerciaux avec au moins une autre région européenne. Rien de tel ne semble exister dans la Bretagne. L'ensemble de ces données nous conduit à penser que le mouvement des "bonnets rouges" n'est pas plus autonomiste que séparariste. Qui en doutait ? Les bonnets rouges et la contagionLa contagion nous paraît fort improbable. Il est même étonnant que la protestation contre l'écotaxe n'ait pratiquement débouché sur des exactions contre les portiques et bornes Ecomouv' qu'en Bretagne. Une borne dans les Landes et une autre dans le Nord ont été incendiés. C'est tout. L'opinion émane d'une population complètement anesthésiée depuis plusieurs années. Il n'existe qu'une population qui dispose des moyens d'une émeute durable. Il s'agit des sans-papiers et autres clandestins. Mais, fortement encadrés par les organisations de gauche, leur vélléité de démembrer la République est inexistante. C'est un Etat-Providence qui est d'ailleurs le meilleur patron de ces masses appartenant à la gauche. Tant que l'Etat-Providence reste socialiste, le risque d'émeute est extrêmement faible et sans portée politique. Le mouvement moderne des bonnets rouges semble bien circonscris à la Bretagne. Non seulement, il fait référence à un mouvement propre à la seule Bretagne, mais, d'après nos informations, aucune autre organisation en dehors de la Bretagne n'a tenté ne serait-ce qu'un seul geste de solidarité ou de soutien. De là à s'entendre pour une extension ou une coordination, il y a un espace immense qui semble infranchissable. Seul le terrain est prêt : un mécontentement, une réprobation, une colère universelle en France. Quelles seraient les conditions d'une révolution ? Il faut l'apparition de deux forces radicales. La première force est une force politique qui possède un projet de régime politique clair et précis. Cette force existe. Il s'agit de l'islam. A t'il atteint le niveau politique nécessaire ? Nous ne le pensons pas. S'il l'atteint, ce sera peut être dans le cadre des insttituons du régime actuel et alors, cette force ne sera pas révolutionnaire. En dehors de l'islam, nous ne voyeons aucune force susceptible de fonder un autre régime. Mais, de toute façon, il faut à cette première force, une seconde force qui est un emasse d'émeutiers. Il n'y a besoin que de quelques dizaines de milliers d'émeutiers pour faire tomber un régime présentant une belle apparence. Et cette troupe existe. Il n'est pas besoin de la désigner. Aujourd'hui, l'Etat disposerait encore des moyens pour payer une police et une force armée. Ces forces seraient selon notre évaluation encore capables de s'opposer à des menées révolutionnaires. Mais, la capacité de l'Etat à financer sa force de répression est parvenue à une limite. Comme dans le même temps, la capacité de la magistrature a appliquer les coercitions légales est de plus en plus réduite, une inquiétude fondée pourrait se lever parmi les politiciens du régime actuel. La contestation du régime par les bonnets rouges est cependant de plus en plus claire. Si on la conjugue avec les protestations dans le pays, il semble que plus une seule mesure envisagée non seulement ne peut emporter l'adhésion, parfois même des partisans du régime, mais encore suscitera de véhémentes protestations et ailleurs de l'indignation. "Indignez-vous !" avait recommandé l'homme de gauche Stéphane Hessel, il y a moins de quatre ans. C'est en cours. S'approche t'on d'une révolution par l'indignation ? Nous ne le pensons pas. Il manque le projet de régime alternatif. Par contre, la contagion des "bonnets rouges" serait alors possible. Mais, les révolutions ont ceci de particulier : elles sont imprévisibles a priori même quand elles sont explicables a posterori. |