"Le Mur", un film autorisé par le juge

"Le Mur", un film autorisé par le juge

Philippe Brindet - 17.01.2014

Madame Catherine Vincent, dans un article intitulé « Le Mur, la psychanalyse à l'épreuve de l'autisme » à nouveau libre de diffusion, paru dans le Monde du 16 janvier 2014, nous apprend que la Cour d'appel de Douai vient d'autoriser la diffusion de ce film interdit par une précédente décision du TGI de Lille.

Cette affaire soulève trois questions :

  1. Que se passe t'il au sujet du traitement de l'autisme, ce mal profond ?
  2. Où va la psychanalyse ?
  3. Où en est la liberté d'expression en France ?
Ce sont ces questions que nous voulons esquisser ici.

  1. Que se passe t'il au sujet du traitement de l'autisme, ce mal profond ?

    Selon les informations en notre possession, l'autisme est un état de santé qui n France oscille entre trouble intrinsèque et maladie psychiatrique. Il en résulte que trois pôles médicaux se disputent actuellement en France le droit à traiter les autistes. Quant aux personnes autistes, il semble que leur sort soit en France particulièrement maltraité et je ne dis pas "mal traité" ...

    Les premiers à traiter l'autisme sont les psychiatres. Ce sont eux qui ont fait les premières études et présenté les premiers traitements. Malheureusement pour eux, ces traitements étaient très peu efficaces semble t'il parce que ils utilisaient des médicaments très spécifiques pour traiter tout "autisme" et découvraient dix ans après une nouvelle forme d'autisme qui échappait à ce médicament. Par ailleurs, drame dont souffre l'ensemble de la psychiatrie en France, l'abus de certaines classes de médicaments induit des problèmes de santé gravissimes. Les spécialistes, malgré l'évidence, continuent à affirmer patient par patient, l'avantage dénoté par le ratio bénéfice sur inconvénients.


  2. Où va la psychanalyse ?

    Le deuxième traitement a été celui des psychanlystes dans un mouvement dirigé contre l'autisme par l'américain Bettelheim. C'est ce traitement qui est mis en cause par au moins la moitié des familles d'autistes en France et par le documentaire "Le Mur". Le documentaire interroge des psychanalystes qui utilisent des termes révoltants contre les parents d'enfants autistes, les mères principalement, en application des dogmes freudiens en général et de Bettelheim en particulier. Bien entendu, des psychanalystes se sont sentis trahis par le documentaire et ont obtenu l'interdiction de sa diffusion. C'est cette interdiction que la Cour d'appel de Douai vient de lever.

    Mais, il est exact que la psychanalyse subit dans son ensemble un nombre grandissant d'échecs et de rejets. C'est le cas de l'homosexualité que la psychanalyse majoritaire a contribué à pathologiser. C'est le cas du transsexualisme qui vient récemment de s'en échapper. L'autisme est manifestement un autre échec de cette pratique douteuse depuis l'origine.

    L'immense force de la psychanalyse est de se pratiquer exclusivement par conviction. Le psychanalyste a été préalablement un analysé. Il a donc été conditionné par la psychanalyse et à la psychanalyse. L'extension du champ de la psychanalyse lui a par ailleurs permis d'investir des champs entiers de la culture et de la médecine. De ce fait, son extinction est loin d'être envisagée. Mais sa réduction est visible aujourd'hui.


  3. Où en est la liberté d'expression en France ?

    Le troisième traitement est celui des techniques cognitivo-comportementales qui s'imposent partout dans le monde pour le traitement de l'autisme, la psychiatrie ne traitant plus que les cas qui échappent à ces techniques beaucouop moins invasives et semble t'il très performantes puisque l'étranger s'y est rallié depuis longtemps. L'administration française qui régente tout en France vient de s'y rallier par les recommandations de mars 2012 de la Haute Autorité de Santé dont il semble que le titre ne peut exister qu'en France.

    On remarque que la décision de la Cour de Douai intervient après ces recommandations. Ces dernières sonnaient comme un rapport d'expertise pour donner raison au documentaire "Le Mur" qui renvoit la psychanalyse à son innefficacité. Mais, une fois de plus, on ne peut s'empêcher de penser qu'en France, la liberté d'expression n'est pas défendue.

    En effet, la question de l'interdiction judiciaire de la diffusion du documentaire "Le Mur" n'était pas de décider si l'affirmation de l'innefficacité de la psychanalyse comme thérapie de l'autisme était scientifiquement juste ou erronnée, mais celle de savoir si la liberté d'expression permettait le simple fait de le dire. Bien entendu, le jugement apeut se lire comme protégeant la liberté d'expression des auteurs du documentaire. Mais qu'aurait-elle été si la HAS avait édicté des règles cndamnant les tehniques cognitivo-comportementales et donnant l'exlusive à la psychanalyse ?

    Nous ignorons dans l'affaire du "Mur" si le juge d'appel a dit que les psychanalystes n'avaient pas été diffamés. Parce que la diffamation est une limite légitime à la liberté d'expression. Mais, cette limite est en droit de portée réduite parce qu'elle réduit un principe universel. Il est certain qu'il ne devait pas y avoir diffamation dans ce cas. Mais, on peut regretter que les psychanalystes se soient confiés au documentariste sans la distance qu'une réponse d'expert doit prendre avec sa question. Dans le documentaire, les psychanalystes répondent avec un "naturel" déconcertant qui montre que leur confiance a été trompée. C'est le grand drame de confier sa parole aux média.

    Où en est la liberté d'expression en France ? La question se pose ici à cause de l'occurrence d'une autre affaire, beaucoup plus polémique : celle de l'antisémitisme du spectacle, curieusement dénommé lui aussi "Le Mur" donné par le comédien Dieudonné. La raison de l'interdiction du spectacle de Dieudonné est que l'antisémitisme n'est pas une opinion, mais un délit pénal. L'argument vaut. Mais, comme pour la diffamation, il restreint la liberté d'expression. C'est à nouveau le vieux slogan du "pas de liberté pour les ennemis de la liberté d'expression". Le combat à mort.


Revue THOMAS (c) 2014