Le doute sur la certitude expertale - Une affaire de cannabis

Le doute sur la certitude expertale - Une affaire de cannabis

Philippe Brindet - 18.02.2014

C'est une histoire renversante que nous conte Julien Licourt dans Le Figaro de ce jour (Des policiers contrôlés positifs au cannabis à cause des stocks du commissariat). Selon ce journaliste, des policiers intoxiqués par du cannabis stocké dans le commissariat où ils travaillent, ont procédé à un test salivaire sur eux-mêmes. Ils ont été testés positifs au cannabis.

Il est bien entendu possible de prétendre que ces policiers seraient des consommateurs de la drogue. Nous pensons que certains ne s'en priveront pas. Nous pensons toute autre chose.

La question que pose cette aventure est celle de la certitude que certains tests expertaux suscitent chez les autorité et autres. Or, les tests sont établis, utilisés, et exploités par des gens qui sont au-dessus de toute interrogation. Surtout de la part des autorités qui leur ont demandé de prouver telle hypothèse que, "miraculeusement", le test démontre.

Ici, le simple dégazage d'un stock de cannabis produit sur le voisinage le même résultat au test salivaire qu'une consommation illégale de cannabis. Comment ne pas y voir ici une voie au doute systématique concernant le test salivaire en général. Mais, il existe de très nombreux autres tests sur lequel le doute est permis scientifiquement et le premier d'entre eux, sa "majesté" le test ADN, prétendument donner l'identité du criminel ou du délinquant. Or, nous savons que la sensibilité des tests les rend susceptibles de confondre un vrai positif avec une pollution qui ne sera, elle, jamais détectable puisque le test est à la disposition seule de celui qui va l'interpréter. C'est exactement ce qui est arrivé pour les tests ADN du Comté de New-York où l'on s'est aperçu des années après que parmi des milliers de test ADN, un nombre indéterminé d'entre eux étaient des faux. Pire. Fabriqués à l'insu du plein gré des testeurs scientifiques. Et pourtant, incontestables au jugement des magistrats.

Dans la plupart des tests de police scientifique, l'incontestabilité provient de l'autorité scientifique, puis de l'autorité expertale que la justice leur confère. Et enfin, la dernière incontestabilité réside dans le coût particulièrement élevé du test de police scientifique et dans l'impossibilité techique d'une contre-expertise.

Les policiers qui se sont pratiqués un test salivaire n'ont que leur bonne foi pour affirmer qu'ils n'ont pas fumé de cannabis avant de pratiquer leur test. Quand l'expert pratique un test ADN, le résultat devient totalement inattaquable parce que les conditions mêmes de ce test restent inconnues de celui qui est victime du test. Et si même ces conditions étaient connues, le prix pour établir une contre-expertise paraîtra suffisamment élevé au magistrat instructeur pour qu'il ne commande pas la contre-expertise demandée. Et si l'accusé d'aventure voulait la faire exécuter par ses moyens privés, il aurait bien du mal à connaître les fameuses conditions que l'expert a rencontré. Sa contre-expertise n'aura presque aucune force probante.

Non, l'aventure du cannabis au commissariat ne nous fait pas rire. Elle montre l'incroyable fragilité sur laquelle la certitude judiciaire est assise. Et tout le monde s'en moque.


Revue THOMAS (c) 2014