Un projet de suppression d'une garde à vue de 96 heures

Un projet de suppression d'une garde à vue de 96 heures

Philippe Brindet - 27.03.2014

Dans un article intitulé : Criminalité : l'inquiétant projet de Taubira, Jean-Marc Leclerc, le 27/03/2014 dans Le Figaro fait part de son incompréhension et du malaise des policiers à un projet de la Garde des Sceaux :

La ministre veut supprimer la garde à vue de 96 heures pour les escroqueries en bande organisée. Douane et police judiciaire s'inquiètent.
On a peine à suivre la presse de droite. Son camp vote des lois qui permettent à ses adversaires de la mettre en prison et, quand la gauche abroge certaines dispositions liberticides, la droite proteste en dénonçant un laxisme.

Le plus étrange est que, en général, la droite n'utilise pas les lois liberticides contre ses adversaires. La gauche n'a pas ces scurupules. Sarkozy vient de faire l'épreuve de se faire persécuter par des lois qu'il a fortement promues, sinon posées.

La justice-police de notre malheureux pays dispose récemment de quatre armes d'enquête :

  1. les écoutes : téléphone, internet
  2. la géolocalisation
  3. la vidéosurveillance ; et
  4. la garde à vue et les gardes à vue prolongées.
Ces quatre mesures d'enquête sont absolument dévastatrices des libertés individuelles et même des libertés publiques. Elles tendent à instaurer ce qui n'est jamais arrivé dans l'Histoire de l'Humanité et ce qui avait été prédit par certains auteurs comme Orwell : la surveillance permanente par la justice-police. On s'est beaucoup moqué de ces visionnaires effrayés, en les qualifiant ou bien d'utopistes ou bien de retardataires.

Il s'instaure une nouvelle instituion : la justice-police

Le drame est que très peu des gens qui disposent d'une quelconque autorité, fut-elle simplement morale, sont capables de résister à la progression de la justice-police.La justice-police est la fusion de l'arbitraire de la loi avec l'arbitraire de la force. Cette fusion intervient quand la justice dispose seule du droit de mobiliser la force à son profit. C'est clairement le cas des quatre armes d'enquête évoquées. Toutes ont été admises, alors que tous savent qu'elles portent atteintes aux libertés. Mais, elles ont été admises parce qu'elles sont ordonnées par ces "prêtres" purs et intègres par nature que sont les juges.

Ce que les "braves gens" ne comprennent pas, c'est que la justice-police est une entente contre-nature entre la force de la police et la raison de la loi. Du coup, cette entente rend caduque les raisons de confier aux juges le pouvoir de porter atteinte aux libertés. Il est devenu équivalent de conférer ce pouvoir à la force. Donc à la police.

La vieille police-justice

Il existe depuis toujours une police-justice. C'est celle du pandore qui vous attend au tournant d'une route avec un radar et qui va vous retirer deux points à votre permis de conduire ainsi que vous infliger une amende de plusieurs centaines d'euros, que vous fussiez puissant ou misérable. On avait laissé faire. C'était déjà trop.

La justice-police est à notre avis plus récente. Ou alors ses réalisations anciennes étaient si modestes qu'on n'en accomodait. Aujourd'hui, l'alliance entre la justice et la police devient une véritable menace pour la paix et la liberté. Parce que "ils" savent tout de nous. Plus encore, ils sont capables de nous entraîner à commettre des actes qui leur permettront de nous emprisonner à leur bon plaisir.

Capable de tout savoir de nous, la justice-police dispose encore d'une survivance médiévale : la garde à vue, dont le nom ne dit pas ce qu'elle est en réalité : une torture destinée à obtenir l'aveu du suspect. Aussi, le renoncement à la garde à vue de 96 heures pour l'escroquerie en bande organisée est-il à notre goût une mesure qui restaure un peu de libertés publiques et rend un peu de dignité à la justice.

La garde à vue abusive

Rappelons au passage que dans le Code pénal, l'escroquerie en bande organisée n'est pas qualifiée de crime, mais de simple délit (Article 706-73, 8°bis). Monsieur Leclerc semble effaré par le montant des pertes de TVA pour l'Etat que lui infligerait l'escroquerie en bande organisée. La belle affaire. La TVA est elle-même une escroquerie qui consiste à dévaluer la monnaie avec laquelle on paye les pauvres gens dès lors qu'ils s'en servent pour se nourrir, pour se vêtir, pour se chauffer.

En réalité, le "beau" geste de la ministre hollandiste pourrait provenir de la perception progressive que l'évolution des lois est depuis plusieurs années dans le sens de l'instauration d'une dictature policière et qu'elle heurte les principes les plus essentiels des sociétés qui se croyaient il y a peu démocratiques et qui ne le sont plus du tout, malgré les discours.

La résistance de l'oppression

Comment des députés ont-ils pu se laisser abuser à ce point en votant des lois attentatrices aux principes les plus sacrés ? La réponse est simple. La justice-police dispose de puissants groupes de pression qui se sont introduit jusqu'au sein de la représentation nationale et au-delà, dans les instances européennes, et mondialistes. On retrouve des membres de la justice-police dans les cabinets ministériels, chez les attachés parlementaires et même chez les parlementaires.

On notera que, sauf la garde à vue, les mesures d'enquête les plus attentatoires aux libertés publiques sont impossibles sans la coopération des industries de pointe qui, en plus, y trouvent des marchés réservés extrêmement rénumérateurs. Les matériels d'écoute, de géolocalisation, comme les détecteurs de vitesse sont des dispositifs coûteux et dont le service et la maintenance exigent des compétences et des moyens techniques considérables. Ce lobby industriel a partie liée avec la justice-police.

Il serait bon que les juges et les policiers s'abstiennent d'exiger plus des citoyens libres que ce qui leur retire cette liberté.


Revue THOMAS (c) 2014