Les jeunes et la gauche - Qelques réflexions

Philippe Brindet - 31.05.2014

L'analyse de la presse au sujet de la jeunesse électorale actuelle

La presse a traité la question des jeunes et de la gauche pour déplorer quela jeunesse semble se désintéresser de ce côté de la politique. Pire, pour une minorité croissante d'entre elle, la jeunesse voterait même pour l'extrême-droite, notammment lors des élections européennes de mai 2014 qui vinrent confirmer et amplifier la déroute électorale du Parti Socialiste et la montée notable du Front National, favorisé par la proportionnelle.

Dans un article paru dans Le Nouvel Observateur (MUXEL A - L'expression 'jeunesse de gauche' a de moins en moins de sens (310514).txt), la sociologue Anne Muxel interrogée par Clément Quintard, décrit la désaffection de la jeunesse à l'égard de la gauche et de ses actions traditionnelles. Mais, on ne peut s'empêcher de trouver que la sociologue fait montre d'un paradoxal conservatisme progressiste, un peu comme ces vieux Russes de l'ère Poutine qui regrettent les statues de Staline. La nostalgie, camarade ...

Par exemple, la dame déclare à son interrogateur fort civil :

Elle (l'abstention) a d'ailleurs été très forte chez la jeunesse de gauche, qui ne s'est pas déplacée pour soutenir les partis pour lesquels elle vote traditionnellement...
La "jeunesse de gauche" est ainsi perçue par la dame comme un objet stable, à caractéristiques permanentes. C'est à nouveau tout le problème critique des analyses statistiques qui se trouve confronté à l'objectivité scientifique. Pour Madame Muxel, la jeunesse de gauche vote à gauche. La gauche c'est le PS. Donc la jeunesse de gauche vote pour le PS. La chose est incontestable.

Sauf qu'elle n'a aucun sens.

Pourtant, Madame Muxel prend toutes garanties pour avoir raison. Elle détaille le dépit amoureux de la jeunesse de gauche, trahie par l'élimination de son candidat PS en 2007, la désaffection croissante entre la jeunesse de gauche et les leaders du PS, le défaut d'intérêt pour les élections européennes relativement aux élections présidentielles. Elle fait à ce sujet une observation infondée mais qui n'en est pas pour cela fausse . Elle indique :

Il y a donc une tension paradoxale chez les jeunes : celle entre un intérêt soutenu à la politique, et une défiance qui s'est aggravée vis-à-vis des personnalités politiques.
On peut faire la même observation pour l'ensemble du corps électoral. Mais, Madame Muxel en déduit que la faible mobilisation contre le FN de la part de la jeunesse de gauche ne signifie pas la disparition de la jeunesse de gauche. Veut elle rassurer les patrons du PS ? Elle se veut en effet bien rassurante en rappelant que personne n'avait prédit l'ampleur de la mobilisation des jeunes avant mai 68.

Il y aurait beaucoup à dire à ce sujet. Et que la gauche, socialiste notamment, a très peu bénéficiée de mai 68 auquel elle a du bon gré mal gré s'adapter? Mais Madame Muxel est victime de son conservatisme. L'objet sociologique "jeunesse de gauche" n'est pas un invariant.Il ne constitue pas un système isolé, descriptible par des variables indépendantes.

La chose intéressante, c'est que la jeunesse, en tant qu'elle est formée par le premier âge des électeurs, donc des citoyens de plus de dix-huit ans, la jeunesse électorale n'étant rien de plus, la jeunesse électorale donc a voté, pour un tiers d'entre elle, en faveur de la liste du Front National. Sauf à indiquer que cette proportion ne doit pas masquer le fait que 60% de la jeunesse n'est pas allée voter, Madame Muxel ne dit rien de ce nouvel électorat.

Vicitme de son conservatisme, Madame Muxel ne relève pas que la jeunesse électorale, objet statistique combien changeant puisque, presque toujours, il se renouvelle majoritairement à chaque élection, la jeunesse électorale vote à plus de 30% pour le Front National qui, s'il sait les garder dans leur électorat, vient donc garantir au Front National un nouveau groupe d'électeurs pour les votes futurs.

Et il s'agit bien d'un électorat nouveau puisque les électeurs votaient seulement de 15 à 20% pour le FN autrefois. Et la dynamique électorale est donc dans un gain de l'ordre de 10% de la jeunesse électorale en faveur du FN.

Autrement dit, ce n'est pas sur le paramètre statistique qu'il faut politiquement s'attacher. C'est sur sa dérivée, sur sa dynamique si vous préférez. Et cette dynamique peut bien entendu être modifiée ou bien par une meilleure offre électorale d'un adversaire du FN ou par une méprise du FN au sujet de cet électorat. Mais, cela est une autre question.

Le problème du socialisme français

Incarné évidemment par le plus haut personnage de l'Etat, François Hollande, le socialisme français est un mouvement politique vieilissant de hauts fonctionnaires et de responsables de grandes entreprises. On peut lui ajouter quelques personnalités du spectacle comme Julie Gayet, totalement inconnue du grand public, mais très active dans le mode du cinéma. On pense à un "chanteur" à thème, presque aussi peu connu, Benjamin Biolley, qui aurait ses entrées dans les clubs socialistes. Le brave homme est aujourd'hui un quadragénaire quasiment parvenu dans la classe d'âge suivante.

Si vous préférez, tout indique que la jeunesse électorale a bien de la peine à admirer ces personnalités socialistes. Leur efficacité politique a été particulièrement remarquable et, les jeunes ne s'y sont pas trompés. La majeure partie de leurs largesses ont été dirigées vers la jeunesse. Notamment en matière d'emplois et de bas salaires.

Mais, ce que les socialistes n'ont pas compris, c'est qu'un jeune à qui on offre dans une loghorrée insupportable un emploi aidé et un bas salaire, comprend parfaitement qu'il n'a aucun avenir. Il voit les difficultés économiques de ses parents, confrontés à une fiscalité confiscatoire, à un chômage des vieux sans aucun espoir, à des retraites misérables. Il voit bien le poids énorme des règles et des lois qui brident ou même interdisent l'initiative économique. Il comprend l'inaccessibilité du crédit, pourtant réputé bon marché lorsqu'il tente de s'acheter un véhicule ou un logement. Il comprend très vite les limites des largesses de l'Etat socialiste quand il doit payer ses médicaments et faire la queue dans un hôpital public dégradé et à la limite de l'incapacité.

Convenablement formaté par l'Education Nationale et les média, le jeune de gauche est prêt à entonner les rengaines de l'humanitarisme et des grandes idées. Mais, quand il regarde à la tribune, que fait le jeune de gauche ? Il regarde la tête de l'orateur qui crie les slogans que le jeune de gauche va devoir répéter. Il regarde cet orateur, entouré d'un aéropage de hauts fonctionnaires environnés de policiers de protection. Il les voit arriver et repartir dans de somptueuses limousines dont il n'aura jamais la moindre idée. Alors le jeune de gauche trouve bizarre ces invocations de l'égalité, de la solidarité et autres foutaises de gaucge quand il repart dans un métro crasseux, surpeuplé, vers sa barre de HLM de banlieue.

De fait, il existe des clubs de jeunes de gauche. Mais, lorsque l'on étudie d'un peu près les CV de leurs animateurs ou de leurs figures, on découvre souvent des parents hauts fonctionnaires ou grand-bourgeois. Et le club de jeunes de gauche dont il s'agit se révèle seulement une sorte de junior entreprise réservée à de jeunes bourgeois socialistes pour préparer leur ascension politique. On peut citer les syndicats étudiants comme la FIDL ou des organisations comme SOS Racisme.

Peu de jeunes peuvent s'y reconnaitre.

Le problème du Front National et de la jeunesse électorale

On peut penser qu'un nombre important de jeunes conservateurs, qui dans la logique du système devraient être attirés par l'UMP, s'en écarter à cause de son absence de perspectives et de sa ressemblance avec le PS. Ces jeunes conservateurs peuvent être tentés par le centrisme. Mais, ce dernier est parfois trop progressiste pour eux. Il est aussi très lié à l'UMP. Il est donc naturel que la stratégie du FN à l'égard des jeunes électeurs attire certains de ces jeunes conservateurs.

Par ailleurs, il est constant qu'un certain nombre de jeunes sont naturellement tentés par la violence des idées d'extrême-droite, un peu comme d'autres jeunes le sont des idées d'extrême-gauche. Or, la stratégie centrale du FN est de s'écarter autant qu'il est possible de cette virulence. Il en découle que, sans tomber dans l'apathie des vieux conservateurs bourgeois, le FN doit aussi éviter de retomber dans la provocation et le brillant de l'extrêmisme révolté. C'est dans cet entre-deux que la manoeuvre peut lui apporter le vote de la jeunesse électorale.

Le FN peut évidemment jouer sur les frustrations sociales des jeunes, avec un emploi atone et des perspectives de consommation dégradées. Il n'y manque pas. Mais, sa posture sécuritaire l'a rapproché des intérêts des conservateurs bourgeois notamment. Il faut quelque chose de plus brillant pour attirer de jeunes électeurs. Le patriotisme peut être cette alternative qui est dans les gènes du FN et qu'il peut offrir à ses jeunes électeurs. Avec le risque d'un contre redoutable d'accusation de nationalisme qui peut fédérer contre lui.

La contre-attaque basée sur la critique de l'Europe, peut lui permettre un temps de détourner le grief de natinalisme et de repliement identitaire ou national. Mais, sans éléments brillants qui claquent au vent des manifestations publiques, meetings et autres défilés, le FN aura du mal à animer une vie politique. Surtout à destination de la jeunesse électorale.

D'autant que le plus grand danger qui guette le FN, c'est le socialisme qui est inhérent à la citoyenneté française, à cause de l'Histoire, mais surtout à cause de l'Education Nationale et des média qui orientent l'individu entièrement vers la soumission socialiste à l'Etat, non pas comme un provendier maternant, mais comme un maître fort et respectable.

Plus clairement, la dictature fasciste qui sort toujours du socialisme.


Revue THOMAS (c) 2014