De Jude et Simon à Pierre et Judas

De Jude et Simon à Pierre et Judas

Philippe Brindet - 12.11.2014

Le 27 octobre 2014, le pape François se livrait à une méditation dans la chapelle de sa résidence Sainte-Marthe. Du fait de transcriptions erratiques, l'Osservatore Romano a reçu mission d'établir autant que possible des relations abrégées de ces Méditations et de les publier sur le site du Vatican. C'est l'une d'entre elles qui fait l'objet de nos réflexions.

Le 27 octobre est dans toute l'Eglise catholique romaine de rite de forme ordinaire, la fête des saints apôtres Jude et Simon. Il se trouve que, dans de nombreuses langues, Jude porte le même nom que Judas l'Iscariote et que Pierre s'appelait Simon avant d'être nommé ainsi par Jésus (le fameux "Tu es Petrus ..."). Or, le Simon dont il s'agit est Simon le Zélote, un frère de Jacques.

Le texte de l'Osservatore Romano est daté du 7 novembre 2014. Il était accessible sur le site du Vatican en langue française à l'url : http://w2.vatican.va/content/francesco/fr/cotidie/2014/documents/papa-francesco-cotidie_20141028.html. Le texte de l'Osservatore Romano n'est pas une transcription littérale de la méditation publique du Pape. C'est plutôt une retranscription dans laquelle les mots mêmes du pape seraient retranscrits entre guillemets.

Le pape François ignore les deux apôtres dont il est question ce jour-là et décide de méditer sur Saint Pierre et Judas l'Iscariote qui, bien entendu, n'est pas un saint de l'Eglise catholique moderne (ni ancienne d'ailleurs). Il est dommage que, dans le texte de l'Osservatore Romano, le pape confonde Saint Simon le Zélote avec Saint Pierre, et plus encore Saint Jude avec Judas l'Iscariote.

Le pape François a bien le droit de méditer sur qui bon lui semble et de le faire savoir comme il l'entend.

Toujours est-il que le bref rapport de l'Osservatore Romano sur sa "méditation du 27 octobre 2014" ouvre des perspectives ... abyssales sur la profondeur de sa théologie.

Judas est un pécheur comme tous les apôtres parce qu'ils ont fui la Passion.

Le pape François semble absolument persuadé, comme d'une vérité de foi, que nul ne sait si Judas l'Iscariote est un plus grand pécheur que d'autres. Nous n'avions encore jamais entendu parler d'un concours du plus grand pécheur dans le catholicisme. Ce serait une nouveauté dont on espère qu'un reste de sagesse empêchera. Toujours est-il que ce qui est appelé "la trahison de Judas" est en réalité très embêtant pour la faction actuellement au pouvoir dans l'Eglise. Judas trouvait que l'argent de Jésus devait être distribué aux pauvres ! On remarquera que la tentative du pape François de ne pas distinguer Judas l'Iscariote de Saint Pierre implique que la fonction pétrinienne pourrait le conduire à livrer l'Eglise comme Judas l'Iscariote le fit de Jésus.

Le pape François considère que les Douze apôtres sont tous également pécheurs. Le fait qu'il leur reproche à tous serait d'avoir "fui pendant le moment difficile de la passion et ont laissé Jésus seul.". Une telle affirmation est consternante. Nous savons des Evangiles que l'un des disciples qui l'entouraient lors de son arrestation au sortir du Jardin des Oliviers, esquissa une défense de Jésus qui lui interdit de poursuivre pour que son oeuvre puisse s'accomplir.

Le pape François écarte un autre enseignement essentiel des Evangiles : tant la trahison de Judas que le reniement de Siant Pierre étaient connus de Jésus qui leur annonce à chacun ce qu'ils feront. L'idée que trahison et reniement s'équivalent parce qu'ils seraient la même expression d'un coeur malade est une erreur complète.

Il en résulte très clairement que, pour critique que l'on puisse être à l'égard des apôtres qui sont en effet des pécheurs comme nous le sommes tous, les incriminer d'un péché d'être restés passifs lors de l'arrestation de Jésus est une atrocité commise à leur encontre. Elle témoigne d'un mépris complet du message du Christ.

Accuser de péché les apôtres pour ne pas avoir résisté à l'arrestation de Jésus, c'est accuser du même coup la Mère de Jésus d'avoir assistée de loin avec Saint Jean - donc sans bouger aussi - à la mort de son Divin Fils. On ne peut aller plus loin dans la perversion.

Jésus prie et Jésus guérit

Paraphrasant ce qu'il croit être le premier et le dernier mot de l'Evangile, le pape François décide que :

« Jésus prie et Jésus guérit », précisément parce que « de lui sortait une force qui guérissait tout le monde »
Cités entre guillemets par l'Osservatore Romano, ces mots seraient donc directement ceux du pape François. la première et la deuxième parties de la citation sont raccordées par un ajout de l'Osservatore Romano, probablement pour écarter une digression.

Une telle chose est absolument étrangère aux Evangiles. Il s'agit d'une "glose" du pape François qui présente une très jolie cadence stylistique, mais qui est contredite par le message droit des Evangiles. Jésus n'a jamais guéri "tout le monde" par une force qui sortait de lui ... Jésus a guéri des gens qu'il avait identifié et Il l'a fait dans deux buts : par compassion, pour démontrer sa divinité. Et il ne guérissait pas à l'aide d'une force "mystérieuse", mais bien parce qu'Il est Dieu Tout-Puissant. Et les gens qui assistaient à ces miracles croyaient vraiment qu'il est Dieu.

L'idée que le péché est une "maladie" permet en général d'écarter le fait que Jésus guérissait les malades. Il s'agirait, dans une tendance de plus en plus majoritaire dans l'Eglise catholique romaine, de sous-entendre que, bien entendu, les aveugles et les boîteux n'étaient pas guéris, mais que leur "coeur" était guéri parce qu'ils pouvaient enfin "aimer les autres". Ainsi, Saint Pierre, abandonnant Jésus à son arrestation à cause de sa "maladie de coeur", est guéri par" Jésus qui prie et guérit" grâce à la force qui émane de Lui. Voilà comment le pape François efface d'un trait de langue quatre évangiles et, par le fait même, la Rédemption qui se suffit de l'action de "Jésus qui prie et guérit". La Passion et la Résurrection deviennent "inutiles".

Les chrétiens sans entrer à l'intérieur

C’est l’attitude de celui qui se déclare « catholique, mais pas trop », nous explique l'Osservatore Romano au début de la méditation du pape François.

On commence à remarquer que le pape François qui se présente comme le Pape de l'ouverture de l'Eglise tend à exclure de plus en plus de gens. Ici, il reproche aux chrétiens tièdes de "se dire d'Eglise" alors qu'il leur demande d'entrer ou de sortir, mais de ne pas rester sur le pas de porte.

L'association d'idée avec Saint Pierre qui accepte d'être le Premier des apôtres parce qu'il aime Jésus et qui finit par Le renier est directe. Mais alors pourquoi leur reprocher d'être chrétien "pas trop" ? Cela n'a aucun sens, sauf à leur annoncer que le pape François va refermer la porte pour ne garder que les "vrais" chrétiens.

Or un chrétien, c'est quelqu'un de simple. Il est baptisé, un point c'est tout. Après, c'est une affaire entre lui et DIeu. Et quand il est baptisé, il est l'Eglise, et les prêtres sont à son service. Parce que, pour eux, il est le frère du Christ que tout prêtre sert par l'Eucharistie. Il est donc terriblement mal venu de critiquer des chrétiens "pas trop".

Certains pensent que les prêtres ont tout pouvoir sur les chrétiens. C'est une erreur radicale, même si l'Eglise hiérarchique s'est arrogée des droits, parfois exhorbitants, dont elle aura des comptes à rendre.


Revue THOMAS (c) 2014