Les attentats de Paris et la guerre de civilisations

Les attentats de Paris et la guerre de civilisations

Philippe Brindet - 19.01.2015

Contrairement à ce que le titre de notre article semble indiquer, nous ne croyons pas à une guerre de civilisations, de mondes non plus. D'un choc, pas davantage.

En attendant, les attentats de Paris sont une réalité avec laquelle nous sommes confrontés sans qu'il soit possible d'en disputer. Le tout est de raison garder.

Les attentats de Paris sont le fait de trois citoyens français, aux dernières nouvelles nés en France et éduqués par les services de l'Etat laïc. Ils auraient été assistés par une douzaine de personnes qui appartenaient à leurs cercles de relations. On a parlé d'appartenance à la "bande des Buttes-Chaumont" animée par un prêcheur de djihad rencontré en prison par au moins l'un des membres du trio. Cette "bande" tentait dans les années 2005 de recruter des hommes pour les envoyer faire la guerre en Irak. La bande a été dissoute par les arrestations et les procès.

De fait, les informations diffusées par la presse indiquent que les armes utilisées ont été achetées en Belgique, avec un simple crédit à la consommation obtenu par l'un des assassins. Et les munitions seraient de vieilles livraisons bosniaques de plus de vingt ans d'âge. L'implication d'une organisation professionnelle parfois agitée pour expliquer le "succès" des attentats semble donc inexistante.

Selon les données publiées, les trois assassins ont reçu une formation idéologique qu'ils auraient eux-mêmes qualifiés de "djihadiste". On note que le problème de la diffusion de cette idéologie dans les populations européennes s'est accru du fait des discours irresponsables de diplomates français et, depuis quelques années, de leur propre ministre, et qui ont appelé à l'intervention armée contre le régime laïc syrien. Les appels de ce genre ont été maximaux en 2013, année pendant laquelle la Russie est parvenue in extrêmis à empêcher les Etats-Unis de mener une nouvelle action catastrophique.

Les observateurs ont noté que les problèmes de départs de citoyens européens et autres en Syrie ont réellement commencé à dépasser le niveau "confidentiel" à partir de cette époque. Ce n'était plus des individus isolés, mais des groupes de dizaines de fanatiques qui partaient de nos pays vers la Syrie qu'ils comptaient, suivant l'irresponsable politique de l'Occident, "libérer" de sa dictature laïque pour y installer un islam radical, supposé "pur".

Cette "géostratégie" se combinait avec la fomentation par les services secrets occidentaux de révoltes dans le monde arabe, révoltes connues sous le vocable médiatique de "printemps" arabe. Cette stratégie est largement à la source des attentats qualifiés de djihadistes, l'Occident ayant trouvé commode l'expédient de désigner comme "ennemi" ceux-là même qui ont servi ses intentions.

Pour revenir aux faits des attentats de Paris, le visionnement de vidéos prises par des témoins, notamment celles de l'attaque barbare contre Charlie Hebdo, avait donné lieu à des qualifications de professionalisme au sujet des deux ou trois hommes visibles en tenue de combat, cagoulés et tirant avec précision et minutie. On avait alors excitée la peur d'individus revenant de Syrie avec une expérience de la guerre. Cette peur, agitée par l'Etat dans plusieurs pays occidentaux, est utilisée notamment pour obtenir le vote parlementaire de lois de police destinées à accroître la surveillance des réseaux de communication et aussi des mesures de surveillance par géolocalisation ou écoutes dans les lieux privés.

Il n'y a manifestement rien de tel. Les trois auteurs des attentats de Paris sont de très simples malfaiteurs de banlieue n'ayant aucune formation militaire ou guerrière connue. Il semble donc qu'il ne soit pas nécessaire d'aller à l'étranger très loin pour mettrea u point des techniques de combat efficaces ... contre des civils désarmés, ce qui semble étonner certains de nos responsables politiques.

Si les assassins des attentats de Paris étaient animés par une idéologie - celle de l'islam radical et djhihadiste - il semble bien que les attentats de Paris ne sont pas le fait d'un complot mondial par une quelconque organisation structurée selon les modèles développés à l'ENA et autres lieux de préparation au pouvoir en Occident. Il s'agit de la réaction de voyous et de gangsters en lutte clairement contre certains représentants de l'Occident.

Réaction. C'est en réalité le problème essentiel sur lequel butent les classes dirigeantes en Occident.Beaucoup des actes criminels attribués à la mouvance djihadiste sont des réactions à quelque chose de l'Occident. Et, "sans réfléchir", l'Occident attribue à une telle chose le statut de "valeur" qui, par glissements successifs, devient vite une chose "sacrée" dans une société qui a justement détruit toute valeur sacrée.

Le cas de Charlie Hebdo est absolument symptomatique à ce sujet. Hurlant leur slogan djihadiste, les deux assassins ont clairement exprimé que les caricatures réalisées par Charlie Hebdo sur le personnage du Prophète étaient des actes qui exigeaient une punition proportionnée, du moins dans leur mentalité de violence exacerbée.

Le cas du troisième criminel à Montrouge, puis à Vincennes est différent. A Montrouge, il abat une policière municipale désarmée et blesse grièvement, probablement par accident un agent de voierie. Le crime est incompréhensible. La présence d'une école juive à proximité pourrait expliquer le crime de Montrouge, même si l'explication paraît difficile. Le troisième crime de Vincennes est lui clairement attribuable au terrible, bestial, antijudaïsme.

Ce qu'il y a de frappant dans la réaction publique, c'est que seul le premier attentat va mobiliser presque quatre millions de manifestants. Quatre millions de personnes, ameutées par la presse aux ordres du pouvoir hollandiste, vont se rassembler pour - et on rirait si la chose n'était tragique - défendre la liberté d'expression en France. Cinq juifs ont été abattus froidement. Ils n'auront droit quà une vague mention et sont partis se faire enterrer ailleurs dans un silence méprisant qui nous attriste.

Et au risque de provoquer la colère des imbéciles, nous tenons que le motif de défense de la liberté d'expression pour rassembler quatre millions d'individus en mémoire de douze victimes masssacrées dansl les locaux de Charlie Hebdo est une manipulation. Elle a permis au pouvoir hollandiste de faire silence sur les crimes de Vincennes, et donc aussi de Montrouge. Mais elle conduit l'Etat français à ne pas entendre la colère montante des musulmans modérés.

D'abord, il est parfaitement ridicule de parler d'atteinte à la liberté d'expression au motif que les cinq dessinateurs qui faisaient partie des douze victimes de Charlie Hebdo ne pourront plus s'exprimer, puisqu'elles sont mortes. On pouvait parfaitement défiler pour protester contre l'assassinat inadmisissible de douze personnes. La liberté d'expression est sûrement menacée en France, mais pas par les musulmans qui, quand ils ne sont pas d'accord avec l'expression d'une opinion, saisissent républicainement les tribunaux compétents qui, souvent, les déboutent. Mais c'est un autre problème.

Parce que, on a beau répéter comme une mantra le fait qu'il existerait en droit français un droit au blasphème au prétexte que le crime de blasphème a été supprimé, il y a longtemps de la législation française, le blasphème dont il était alors question était celui contre la religion catholique, alors en cours d'éradication de l'espace public. Aujourd'hui totalement disparue de cet espace publique, la religion catholique n'est de toute façon plus en mesure d'agiter un quelconque crime de blasphème devant qui que ce soit.

Le problème, c'est que dans l'intervalle, il est apparu en France la religion musulmane. Et elle est pratiquée de manière extensive par plus de cinq millions de personnes, dont toutes ne sont pas des immigrés qu'il suffirait de "bouter hors de France". Le Hollandisme a largement été élu par 98% de ces musulmans. Le mépris dans lequel ils se sentent maintenant tenus, plus enore, le mépris du centre même de leur culture, leur enseigne que les belles paroles sur une société républicaine respectueuse de toutes les cultures et de toutes les religions est une vaste tromperie.

S'il en était besoin, l'état pitoyable de la religion catholique leur enseignerait l'attention agressive de la République à toute "culture religieuse" que la République s'est attachée avec le succès que l'on connaît à éradiquer. Mais, la classe politique, mêlant "fraternellement" hollandistes et sarkozystes, mais aussi leurs extrêmistes et leurs centristes, simule son attachement à un multiculturalisme qui se limite en fait à celui de la marchandisation américanolâtre, de Apple et de Coca Cola. Or, ils se méprennent complètement sur la base même de l'islam confondant également toutes les religions dans leur mépris pour la faiblesse du catholicisme dont la partie "officielle" a fait il y a longtemps allégeance à la République.

Malgré les désirs des uns - Sarkozy "inventant" le CFCM d'un "islam républicain" qui n'a nul besoin de lui - et les illusions des autres - les tentatives désespérées du Dr Boubakeur de paraître le "pape" de l'Islam de France - l'islam est une religion-politique qui est multiforme. Le catholicisme a eu lui aussi une, et même plusieurs formes politiques. Mais il a une organisation interne qui met ses membres à la merci d'un pouvoir tiers. A la différence, l'islam n'a pas de prêtres. Et même si cela énerve les anciens élèves des Oratoriens et autres bons pères qui animent depuis longtemps la République française, les musulmans ont tendance à se donner à eux-mêmes, par petites communautés, leurs propres cadres religieux-politiques.

Et que l'on ne confonde pas, au prétexte de l'érudition, le Dr Boubakeur avec le chanoine Kir ...

L'islam en tant que religion-politique n'est pas une religion avec une politique. Ce n'est pas une théocratie comme le serait une République dont le chef serait le pape. C'est un Etat qui est entièrement structuré par une loi - la Charia - issue d'un texte sacré - le Coran - qui sont largement instillés dans les communautés musulmanes selon des formes extrêmement variables et facilement opposables les unes aux autres. C'est probablement la raison de la faiblesse passée de l'islam au XX° siècle. Mais, donnez aux musulmans une cause commune à haïr, et leur force va éclater, concentrée qu'elle sera dans l'unité de la haine contre l'ennemi.

Certains esprits étroits ricanent à ce genre de propos. Ils demandent où se trouvent l'ENA de cet Etat et son ministère de la police qui sont parmi les organes principaux de l'ordre républicain. Ils ne comprennent pas que l'infusion continue de mille cinq cents ans d'une loi et d'un texte sacrés, avec une langue unique, a une force que toutes les "Lumières" de l'Occident ne pourront jamais vaincre.

Les politiciens occidentaux ont compris que les djihadistes pouvaient avoir quelque chose d'effrayant pour d'autres musulmans. Avec un esprit politique correct, ils en ont déduit qu'il fallait lever les musulmans "modérés" contre les djihadistes. Ce n'est pas une "mauvaise" idée. Malheureusement, le motif du défilé du 11 janvier 2015 a donné à toutes les communautés musulmanes le motif de leur union contre les impies.

Abêtis par la corruption de leur esprit, les républicains n'ont pas vu que les plus modérés des musulmans ne pouvaient pas supporter l'idée du blasphème commis, puis répété, par Charlie Hebdo et que, du fait même, le soutien de quatre millions de français a dressé plus de cinq millions de musulmans en convergence avec le djihadisme plus sûrement que tout appel de Frères musulmans ou de l'Etat Islamique.

Certains éclatent de rire quand ils lisent ce genre d'assertion. Elle n'est pas neuve en effet. Mais, c'est vrai que les imbéciles rient toujours des mêmes choses. Ils n'apprennent rien. Leur position cent fois répétée est que les musulmans sont comme les catholiques. Ce sont de braves gens trompés par les curés. Donnez leur tous les soirs à lire Charlie Hebdo et à voir Ruquier à la télé et ils abandonneront leurs religions stupides. Les catholiques l'ont bien fait ...

Ce qu'ils ne voient pas, c'est qu'ils ont guillotinés les catholiques. Et même si les musulmans se laissaient guillotinés - ce qui est loin d'être acquis - les républicains n'ont plus de guillotine.Et l'anti-culture de Charlie Hebdo ou de Ruquier est rejetée par les musulmans. Même l'enseignement vide de l'Education Nationale est contesté par leurs enfants. Non, les musulmans ne sont pas les catholiques.

Nous devons reconnaître que certains républicains affirment être de culture musulmane, parfois même d'être de religion musulmane. C'est le problème des marges et des extrêmes. Si vous prenez sufisamment de gens, vous aurez toujours sur tout aspect social un centre et deux extrêmes. Ainsi, les musulmans ont évidemment des gens qui sont entièrement acquis à l'esprit des Lumières, et des gens entièrement acquis au djihad. Et entre ces deux extrêmes, il y une foule de gens dont les opinions sont graduelles entre ces deux pôles.

.. TRAVAIL EN COURS ...


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