Les désordres populaires en France

Les désordres populaires en France - Quelques réflexions

Philippe Brindet - 28.06.2015
  1. La folie sécuritaire

    Au prétexte que le devoir de l'Etat de droit est de fournir à ses sujets la sécurité, le pouvoir politique s'est lancé depuis des années dans une course dangereuse à l'accroissement de la sécurité. Et le danger est double. Il s'agit en effet d'une escalade qui conduit immanquablement l'adversaire de la "sécurité" à redoubler d'efforts et de ruses. Mais, plus grave en sus, l'escalade sécuritaire conduit le pouvoir politique à réduire graduellement les libertés publiques et privées, ces dernières encore plus que les premières.

    Un exemple récent est celui de la prétendue "loi sur le renseignement" qui, au prétexte de surveiller moins de quatre mille individus que l'on soupçonne de vouloir "préparer des attentats", permet à la police de surveiller l'intégralité des communications et des déplacements de l'ensemble de la population. Et il existe beaucoup d'autres effets délétères, que l'on trouvera notamment dans ce que l'on nomme la connexion des fichiers. Il en résulte que, quelques fonctionnaires, qui se sont adjoints les services de quelques individus privés, disposent de l'ensemble des informations concernant n'importe lequel d'entre nous.

    C'est comme cela que l'on peut parler de "folie sécuritaire".

  2. L'islamisme radical

    Quelques rares affaires criminelles, comprenant les affaires Merah, Kouachi, Coulibally et dernièrement Salhi, ont permis au pouvoir politique de suivre le schéma bien connu du délire complotiste. Au prétexte que les criminels concernés auraient des liens avec "lislamisme radical", ces liens étant notamment révélés par leur présence dans des mosquées et par leurs communications avec des individus déterminés, on en a déduit qu'il existait un complot de l'islamisme radical. On a alors recherché des ennemis de l'étranger et on a trouvé l'inénarrable Al Quaïda et ses filiales, des ligues combattantes au Proche-Orient, des confréries comme les Frères Musulmans, le salafisme, le Tabbligh. Et on a prétendu que de jeunes abrutis étaient fanatisés par cet ennemi de l'étranger en vue de semer la terreur en France.

    Et on assiste à ce spectacle lamentable de mères de famille, éplorées après un crime de droit commun, se faisant filmer par la Télé au 20 Heures chantant la Marseillaise. Le couplet "...qu'un sang impur abreuve nos sillons !" a le ton tremblotant de leurs arrières-grands-mères chantant "Marie soyez Reine". On peut penser que les "conspirateurs" du fameux "complot de l'islamisme radical" doivent bien rire.

    "Islamisme radical" n'a aucun sens. Il n'est qu'une étiquette destinée à masquer l'ennemi à l'aide d'une menée complotiste. Et de nombreuses organisations musulmanes ne s'y sont pas trompées qui, comme le CCIF, proclament que l'ennemi, ce n'est pas l'islamisme radical, mais l'islamophobie.

  3. La colère de l'oumma

    Une chose semble complètement échapper aux puissants qui nous dirigent. C'est la colère du monde musulman, de l'oumma, qui sent sa puissance se réveiller tandis qu'il constate toujours davantage la faiblesse de l'Occident amolli. Et cette colère monte sous les menées délétères des Etats-Unis qui, tout l'indique, comptent sur l'islam pour réduire à néant les idées de grandeur européenne. Comme si la médiocrité de ses dirigeants ne suffisait pas.

    Les actions des Etats-Unis en Afghanistan, en Somalie, en Mozambique, et plus récemment en Irak, en Syrie et en Libye, exaspèrent le ressentiment des musulmans. Par ailleurs, la richesse du monde musulman s'accroît d'année en année. C'est le cas avec les monarchies pétrolières qui reversent des sommes considérables pour financer la culture islamique partout en Europe. C'est le cas avec la pompe aspirante de l'immigration en Europe, qui transfèrent une richesse de moins en moins monétaire, de plus en plus réelle, vers l'oumma. Tout cela conduit à une forte communautarisation des musulmans par leurs institutions, mosquées, confréries et par les rares répressions qu'ils subissent encore - comme dans les prisons républicaines.

    Le mode de vie occidental, de plus en plus américanisé, matérialiste et sans valeurs transcendantes, l'immoralité de la plupart des manifestations civilisationnelles de l'Occident, constituent une véritable tromperie aussi bien pour ceux qui y croient que pour ceux auxquels les traîtres les proposent. Les occidentaux imaginent que ce mode de vie, cette immoralité, conduiront les musulmans à se démocratiser, entendez par là à rejeter la religion pour pouvoir pleinement jouir des "bienfaits" de l'Occident laïque. Mais les musulmans n'ont que mépris pour ces menées en faveur de l'homosexualité, en faveur de cet imperium de la féminité, de cette mollesse des hommes, gras et repus, fraîchement rasés et incapables du moindre effort viril.

    Cette méprise de l'Occident - en fait cette méprise de ses maîtres qui imaginent endormir l'islam dans la mollesse et les délices de l'américanisme - rencontre la haine des musulmans à l'égard de ces "valeurs" qui sont à l'envers de leur civilisation. Et, s'il est patent qu'un certain nombre de musulmans ont été dénaturés par la propagande de l'Amérique, le flux constant de l'immigration remet en permanence chaque citoyen musulman français en présence de la permanence des valeurs de l'islam. Et si le flux de l'immigration tarissait - ce que rien n'indique - les paraboles de la télévision et de l'internet satellitaires, offerts par les Etats-Unis, suffiraient à maintenir une exigence islamique pour contrer cette propagande maladroite.

  4. Les désordres populaires

    Il y a quelques dizaines d'années, les désordres populaires étaient largement fomentés par des organisations sociales qu'on désignait alors du nom de "syndicats". Ces syndicats étaient en réalité le relais d'action d'un ou deux empires, parmi lesquels l'URSS aujourd'hui disparue. Ce relais d'action semait des désordres - que l'on nommait grèves et manifestations - en vue de conduire à une prise du pouvoir par l'un ou l'autre de ces empires. Ces désordres sont aujourd'hui à peu près disparus.

    Mais, il faut bien identifier que ces syndicats n'agissaient pas sur le peuple des manifestants et des grévistes par des moyens illusoires. Non. Ils utilisaient réellement un sentiment de frustration, une haine de classe, que ces syndicats exploitaient dans leur propre intérêt. Et de nombreux membres de la classe ouvrière de ce temps-là n'ont pas de raison de regretter leur participation au "mouvement revendicatif" pour parler le langage de ce temps disparu. La pauvreté, les vexations du patronat, le logement misérable, les soins médicaux manquants, le confort inconnu alors que la publicité l'étalait partout, voilà les moteurs qui ont permis de fomenter les désordres populaires de ce temps-là.

    Il existe aujourd'hui au bas mot 7 millions de musulmans en France. Le chiffre est probablement plus élevé. Mais il est inconnu. La classe ouvrière des années 70 n'était guère plus nombreuse. A notre analyse, les prétendus "attentats" qui ne sont terroristes que sous la plume des journalistes à la solde du pouvoir, ne sont que les précurseurs d'événements dont nous n'avons pas la moindre idée, ni sur leur nature, ni sur leur ampleur.

    Certains, croyant qu'être désobligeant sufisait pour être intelligent, comparent la montée de l'islamisme radical à celui du nazisme. Il y a sûrement toujours quelque chose d'instructif à comparer le présent au passé. Et il est vrai que, selon certaines sources, les membres de la SS hitlérienne possédaient un exemplaire du Coran.

    Les désordres populaires qui nous guettent s'appellent essentiellement pillages, meurtres aveugles, explosions criminelles mêlant indistinctement "roumis" et musulmans qui passaient. Les auteurs de ces désordres ne seront pas nécessairement affiliés à une organisation comme les vieux syndicats des désordres d'autrefois. Mais, protestant de leur adhésion aux valeurs républicaines, les musulmans modérés condamneront ces menées tout en les protégeant dans leur communauté.

    Parce que l'oumma est une communauté qui n'a pas besoin d'institution du genre des Nations Unis ou de la CPI. Tout musulman bout de colère devant les blasphèmes innombrables commis souvent sans le savoir par notre société démocratique.

    Dans un de ses films, Hitschcock tourne une scène dans un autocar roulant sur une petite route chaotante du Maroc des années 1950. Le jeune garçon d'un fonctionnaire américain qui se trouvait à bord trébuche et se raccroche au voile d'une femme qui se trouvait là et dont il découvre le visage. L'homme qui accompagne la femme se met à hurler de colère et sort son couteau sous les yeus effarés de la petite famille américaine, dodue et parfaite dans son bien-être occidental.

    Les désordres populaires qui nous attendent auront d'innombrables causes, d'innombrables formes. Et nous pourrons dépenser des millions pour découvrir la "cellule islamiste" de l'étranger qui aura activé le brave homme qui a tiré son couteau sur le petit garçon du film de Hitchcock, nous ne comprendrons jamais rien à ces désordres qui nous emporteront. Malgré toutes les lois sécuritaires et toutes les instances de dialogue avec l'islam remplies de forts bons musulmans.


Revue THOMAS (c) 2015