La crise européenne - Réviser la polémique sur la Grèce

Philippe Brindet - 01.07.2015

L'Europe est en crise. Financière, économique et au-dessus de tout politique.

Dans la construction européenne, une construction particulièrement obtuse est celle de la monnaie unique, l'Euro. La stupidité de cette institution, adorée par les Européens a fait dire à de nombreux économistes que les Européens avaient passé deux siècles à s'échanger des obus et des bombes et qu'ils allaient continuer pendant deux siècles à s'échanger de la dette et du déficit.

L'affaire grecque est particulièrement frappante à ce propos. L'Europe serait bien en peine d'envahir la Grèce. Elle ne dispose pas des moyens militaires suffisants. Alors, avec le secours dune grande banque américaine, elle a maquillée les comptes de la Grèce pour l'occuper économiquement à l'aide de la monnaie unique.

Comme le dit Jean-Yves Archer, Tsipras a une vision historique de son pays. Il sait qu'il a été sous occupation ottomane. Il sait qu'il a été sous occupation allemande. A ce propos, il sait aussi que les réparations de guerre établis à la conclusion de Deuxième Guerre mondiale sous l'arbitrage des Etats-Unis et de l'Union soviétique, n'ont toujours pas été réglés par l'Allemagne. Cela a beaucoup fait rire en France. Moins en Allemagne qui le sait bien.

La crise grecque

L'expliquer alors qu'elle se déroule actuellement est une gageure que nous ne relèverons pas. Cependant, pour résumer l'histoire, on peut dire ceci.

La Grèce est entrée dans la zone Euro en 2001. Selon les récriminations ultérieures des uns et des autres, elle aurait "trafiquée" ses comptes pour entrer dans les critères économiques et financiers posés par l'Allemagne, la France et l'Italie. Elle a alors bénéficié d'une manne importante de crédits européens (BCE) qui a littéralement désorganisée son économie, ses finances et ses élites. En 2009, elle rencontre une grave crise budgétaire qui la contraint à demander l'aide économique de l'Europe.

Cette dernière l'accorde après avoir découvert "avec stupeur", ce qu'elle savait pertinemment. Le maquillage des comptes grecs à son entrée en zone Euro étaient connus de tous. Mais, le dogme était que l'unification de l'Europe devait débuter par une monnaie unique dont les "bénéfices" rendraient évidents la nécessité d'une dictature unique. Bruxelles et Francfort ont donc accepté la Grèce et joués la stupeur pour endormir la galerie qui ne demande pas plus, dès que le problème économique de l'Euro est apparu insurmontable.

Le gouvernement de droite a alors accepté qu eles banquiers allemands viennent contrôler les réformes exigées par Bruxelles pour reprendre le contrôle de la Grèce. Il faut en effet se souvenir que l'Union européeen est radicalement une dictature qui n'a rien de démocratique. Elle s'impose aux peuples des Etats. Et ces peuples qui sont chacun souverain dans son Etat, n'ont aucune souveraineté en Union, puisque leurs Etats, devenus membres en sont les sujets soumis. Les peuples ont donc été démocratiquement rejetés.

Lors du référendum français sur l'Union, le tropisme dictatorial de l'Union européenne a été évident. Le Non l'emporte. Six mois plus tard, réuni en hâte par les européistes consternés, le Parlement aux ordres annule les effets du référendum et ordonne la ratification du Traité d'Union contre la volonté souveraine.

Constatant l'impossibilité de payer sa dette malgré 5 ans d'efforts et d'une austérité remarquable, mise en doute par personne, Tsipras élu récemment, tente de discuter de sa dette avec l'Union. Devant le blocage, de l'Allemagne notamment - mais la France joue un jeu trouble à ce sujet - Tsipras décide de soumettre le nouveau plan d'aide de l'Union européenne au référendum du peuple grec.

Ce recours soulève un tollé des européistes consternés. Le luxembourgeois Junker et la française Lagarde se distinguent par un mépris total à l'encontre ds grecs et de leur gouvernement pourtant courageux. En réalité, le référendum n'a strictement aucun effet au niveau de l'Union européenne puisqu'il s'agit d'une dictature qui n'a que faire de l'opinion des peuples.

Mais Tsipras joue un autre jeu. Il aurait, nous semble t'il, une réelle vision politique pour son pays. Pour passer à l'étape suivante de son plan, il a besoin d'obtenir l'appui de la majorité de son peuple. Et parmi les grecs, le souvenir de la manne bruxelloise et francfortaine n'est pas éteint. Malgré les privations imposées par Bruxelles, beaucoup de Grecs espèrent de l'Europe-l'Europe. Et c'est contre eux que Tsipras a besoin d'un référendum.

Il sait qu'il n'a rien à jouer avec l'Union européenne. Il a été élu parce qu'il est un opposant à l'Union européenne. Toute sa campagne électorale qui a précédée son arrivée au pouvoir a été vilipendée par la presse française, allemande ou italienne. La classe politique européiste n'avait pas de mots assez méprisants pour ce marxiste et ses affidés d'extrême-gauche Siriza.

Aussi sa première période au pouvoir a été de gagner du temps pour se confronter la nullité du personnel européiste. Il avait aussi besoin de temps pour se faire reconnaître par d'autres leaders, ailleurs. Il ajoué et, de ce côté, on peut penser qu'il a gagné.

Que peut envisager Tsipras

Les éventualités ont été presque toutes envisagés par de nombreux auteurs comme DSK, Bouzou, Archer, Sapir et bien d'autres.

L'éventualité méditerranéenne

Tsipras peut jouer un "coup" avec les méditerranéens. L'Espagne et le Portugal, mais aussi l'Italie et la France. Ces deux derniers Etats sont paradoxalement très européistes - je veux parler de leurs classes dirigeantes. Mais ces deux Etats ont de gros problèmes proches de ceux de la Grèce. Dette et déficit public, comptes maquillés, services publics pléthoriques et improductifs, ...

Peut-on construire quelque chose en mettant ses dettes et ses déficits en commun ? On ne voit pas bien. Mais, c'est qu'on ne réfléchit pas bien.

Si la Grèce s'associe en un quintette avec le quatuor précité, ce sont cinq mille milliards de dettes (voir les chiffres ici) que le quintette peut opposer aux cinq mille milliard de dettes des 8 principaux Etats de l'Europe du Nord. (voir les chiffres ici)

Le coup avec la Turquie

Encore plus improbable pour des raisons historiques : une alliance avec la Turquie voisine. Mais, les Grecs sont rusés et les Turcs se lassent des promesses des politiciens de Bruxelles. Ils ont d'ailleurs proposé le 29 juin de financer une partie de la dette grecque au FMI.

Selon Libération, le premier ministre islamo-conservateur turc, Ahmet Davutoglu, a pour sa part proposé lui aussi l'aide de son pays à la Grèce, en s'affirmant prêt à étudier "toute proposition de coopération" avec son voisin. "Nous voulons que la Grèce soit forte (…) nous sommes prêts à aider la Grèce à se sortir de la crise économique en coopérant dans le tourisme, l'énergie, le commerce", a déclaré M. Davutoglu lors d'un discours devant les députés de son parti.

L'alliance russe

Plusieurs commentateurs ont bien noté que Tsipras avait rencontré Poutine au moins deux fois. Et comme le dit Archer, ce n'est pas pour discuter de leurs vacances. Les projets de développement commun sont multiples. Ils permettent notamment à la Russie de contourner l'Ukraine pour atteindre l'Italie et l'Espagne, et pourquoi pas, si les choses évoluent, la France. D'autant qu'avec la Crimée, la Russie a une influence méditerranéenne indéniable.

Le problème que Tsipras va rencontrer, c'est qu'il s'agit d'une entorse gravisisime au blocus appliqué par Bruxelles et Berlin aux ordres de Obama. Peut-il prendre ce risque ? Paris, Rome et Madrid peuvent ils offrir un débouché suffisant à un rapprochement éventuel de Athènes avec Moscou. ? Si tel était le cas, la géostratégie américaine s'effondrerait.

Dans l'hypoyhèse contraire, il n'est pas sûr qu'un rapprochement avec Moscou ne serait pas jouable, notamment en envisageant de passer par Ankara dont la duplicité à l'égard de Washington est à prendre en considération.

L'ouverture à la Chine

La Chine est déjà présente en Grèce. Le port du Pirée pourrait passer sous le contrôle d'un consortium chinois, Cosco Group. Cette concession, stoppée initialement par Tsipras, est cependant prévue par lui dans la négociation avec l'UE et le FMI. Mais, la chose est négociée depuis 2008, sans succès, les dockers et l'extrême-gauche Syriza, bloquant la solution.

Tsipras peut il aller plus loin avec la Chine ? Nous ne voyons pas. Mais, le secteur commercial en Grèce est extrêmement dynamique. Ne jurons pas qu'il ne puisse trouver de convergence avec leurs collègues chinois et y intéresser leur gouvernement.

Le conflit grec et le futur de l'Europe

Que le réferendum ait lieu ou non, qu'il soit favorable à l'Union ou contraire, tout est encore possible. Dans tous les cas, Tsipras peut se rapprocher des négociateurs, notamment s'il trouve de l'argent frais pour calmer les créanciers. Il peut aussi rompre les liens. Ou certains seulement.

Mais, comme le soulignent certains économistes, on ne trouve pas une monnaie de remplacement comme cela. Le rouble peut être ? Il y a ensuite des préparatifs techniques et on peut alors compter sur la toxicité de l'Union européenne pour gêner tout mouvement de Tsipras de ce côté là.

Un petit a parte historique. On se rappelle que, pour amuser la galerie, l'Histoire officielle prétend que la Guerre de Sécession qui ravageat les Etats-Unis de 1861 à 1870, fit plus de un million de morts, ne fut pas causée parce que les petits coeurs sensibles des New-Yorkais ne supportaient plus de voir les Noirs de Charleston oppimés par d'affreux gros Blancs racistes. Il y avait autant de Noirs dans les Etats nordistes et ils crevaient de misère sous les triques des contremaîtres bien mieux que dans le Sud.

A cause du flottement des monnaies, les Etats du Sud s'étaient endettés et ne parvenaient plus à rembourser cette dette parce que ils avaient du mal à exporter en Europe leur production de coton concurrencée par celui de l'Egypte et de l'Inde. Ils ont demandé à quitter la Fédération et à se constituer en Confédération avec sa propre monnaie pour résister au dumping. Le Nord a refusé.

Tsipras pourrait reproduire le schéma de Davis. La seule différence est de taille. Le Nord n'a probablement pas les moyens militaires d'une guerre qui l'affronterait très probablement à la Russie et à la Turquie. Qu'est-ce que Tsipras va décider ?

Plus que ce genre d'interrogations quelque peu oiseuse, c'est bien entendu toute la légitimité de l'Union Européenne incapable de solidarité entre ces membres qui est posée. C'est une occasion dans laquelle, l'Europe peut aussi bien montrer sa véritable "figure", la dictature. Mais, sa mollesse et sa faiblesse économique peuvent la conduire à une attitude d'évitement du conflit.


Revue THOMAS (c) 2015