La question politique du terrorisme djihadiste

Philippe Brindet - 16 juillet 2015

Des actes criminels. De la sécurité, du terrorisme et de la malveillance.

Dès lors qu'un musulman était plus ou moins impliqué, par exemple s'il semblait issu d'une immigration plus ou moins musulmane, le pouvoir, hollandiste actuellement, avait pris l'habitude, surtout si les dégâts n'étaient pas trop élevés, de mettre l'incident sur le compte du terrorisme. Cela fait martial, nez en l'air et démarche virile.

Par contre, si l'incident est entouré de circonstances permettant de se défausser sur d'autres responsables, le pouvoir n'hésite pas un instant à l'attribuer à autre chose. Ce fut le cas de l'incident AZF pour lequel le pouvoir chiraquien de l'époque avait immédiatement exclu le terrorisme. Et malgré les éléments factuels, cette exclusion demeure encore comme vérité d'Etat.

Plus récemment, un livreur a décapité son patron et précipité sa camionnette sur des cuves de produits chimiques d'une usine dans laquelle il livrait. Le terrorisme a été alors évoqué, mais dénié par l'auteur. La raison de la qualification provenait d'une certaine mise en scène de l'acte criminel.

Peu après, un site de munitions de guerre était visité par des individus non-identifiés. et des munitions dérobées. Le pouvoir hollandiste a alors qualifié l'acte de "malveillant", ce qui soulève bien des interrogations sur la qualification d'autres incidents qualifiés de cettte façon ou autrement. Encore un peu après, plusieurs cuves d'hydrocarbure ont été plastiquées ou endommagées de cette façon, et on a à la fois fait le rapprochement purement anecdotique entre le vol sur le site militaire et cet acte qui a été lui aussi qualifié de malveillant.

On note que les responsables de ces deux derniers sites ont eu plus de chance que leur confrère de AZF qui a été sacrifié au nom de la sécurité contre le bon sens le plus élémentaire et dans l'indifférence générale. Dix ans plus tard.

La qualification d'un crime comme acte politique

En général, la qualification d'un crime est du domaine pénal et elle est l'oeuvre de la justice professionnelle qui utilise le Code pénal et la jurisprudence. Mais, avant celle-ci, rien n'interdit à chacun en général et à l'Etat en particulier, de qualifier comme bon lui semble un crime. Très clairement, quand la qualification est l'oeuvre du pouvoir politique, il s'agit simplement d'un acte politique.

Deux idées-force semblent conduire la politique contemporaine depuis au moins le Onze-Septembre. Tout d'abord, les citoyens ont une exigence claire à l'égard du pouvoir politique. Cette exigence est celle de la sécurité à tout prix contre une menace identifiée : celle des attentats.

C'est au nom de cette exigence que, par exemple, le hollandisme, appuyé par le sarkozysme, s'est employé à faire voter une loi dite sur le renseignement qui rend légales des opérations de basse police qu'il n'était question jusqu'alors ni de faire connaître, ni d'abandonner. Il est donc clair que, pour légitimer cette loi que l'on peut qualifier d'atteinte grave aux libertés publiques et privées, le pouvoir doit démontrer que le terrorisme invoqué pour nécessiter une telle loi est une réalité insupportable.

On a donc tout fait - et ce, depuis plusieurs années alors que des lois embryonnaires préparaient déjà l'atteinte aux libertés que constitue la loi sur le renseignement - pour donner une matérialité au terrorisme djihadiste. On a laissé l'Etat prétendre compter les candidats au départ en Syrie, comme si les djihadistes avaient besoin de passer par la Syrie pour commettre les attentats en France, caution de la loi sur le renseignement.

Le critère pour qualifier de djihadiste ou de terroriste - c'est selon - comprend deux termes :

  1. la revendication de l'acte par une organisation se prétendant djihadiste ;
  2. la mise en scène de l'attentat selon un rituel qualifié de djihadiste.
C'est un peu précaire et souvent - sans le dire parce que ce serait un acte illégal - le pouvoir utilise le fait implicite que les auteurs de l'attentat ont des noms clairement musulmans.

Il existe plusieurs buts, objectifs ou causes à cette politique. Il n'est pas toujours possible de classer ces éléments parce qu'ils sont polyvalents.

On remarque que les actes présumés terroristes partagent les populations résidant en France. Ceux qui sont non-musulmans ont très souvent une réaction négative à l'encontre de l'ensemble du monde musulman. Qualifier cette réaction négative, de peur, de haine de phobie. Cela n'a en soi aucune espèce d'importance intellectuelle. La qualification de cette réaction négative est en soi un acte politique. Et toujours est-il que l'ensemble de l'islam est l'objet à tout le moins d'une méfiance parfois injustifiée, mais fondée.

A l'inverse, ceux qui sont musulmans ou islamophiles - et parmi eux se trouvent beaucoup d'intellectuels gauchistes et de membres de la gauche radicale - trouvent dans la qualification politique de ces actes un motif de fierté et de satisfaction. Les uns parce que le monde occidental est fortement exécré et méprisé par beaucoup, les autres parce que l'exacerbation des haines communautaires est une voie très sûre pour une révolution violente attendue par eux.

A preuve de ces réactions, on se souviendra que toute une frange de la population est en sympathie avec les auteurs de ces actes criminels. Leurs noms sont souvent associés à des louanges, irresponsables peut-être, mais réelles. Et le pouvoir policier ne devrait pas les négliger parce que ces personnes admiratives sont - plus qu'un vivier de futurs auteurs - l'indication qu'existe dans la société française un milieu dans lequel le terroriste peut évoluer caché et protégé par la population.

Très clairement, le pouvoir politique exploite tant qu'il peut ces mouvements d'opinion. Ainsi, il doit laisser prospérer un certain terreau favorable au terrorisme qui légitimera son emprise policière sur l'ensemble de la population. Mais, il n'ignore pas que ce terrorisme - et il est nommé tel par commodité ici - ne lui sera jamais favorable. Il doit donc le contenir dans une nuisance limitée servant ses intérêts.

La qualification d'un crime comme acte de communication

Et très clairement encore, le "terrorisme" est une qualification de tout une catégorie d'actes simplement criminels qui sert à la manipulation de l'opinion publique par le biais de la communication politique à laquelle se prête toute une presse aux ordres.

On ne sait ce qu'il faut admirer le plus du "machiavélisme" de l'appareil d'Etat ou de la naïveté feinte des média autorisés par lui.

Ainsi, en au moins deux occasions, les média se sont trouvés hésitants à mettre en exergue l'antijudaisme ou le djihadisme supposé des criminels. On note que dans ces hésitations, les média n'ont pas hésité à finalement passer littéralement sous silence l'offense à nos concitoyens juifs. Cette situation participe à la forte poussée d'émigration parmi eux. Et c'est sûrement l'une des choses les plus négatives pour la société française.

Pour en revenir à la qualification de terroriste d'un acte criminel, les média tentent désespérément de s'aligner sur la désignation par l'Etat. Or, depuis quelque temps, l'Etat est moins assuré dans sa stratégie. On sent qu'il hésite. Mais, il est certain que désigner un acte comme terroriste et se voir ensuite démenti par les faits est un risque considérable pour la crédibilité de l'appareil d'Etat.

Or, le bénéfice attendu par le pouvoir sur la communication portant sur ces actes criminels est immense. On a entendu Hollande "doubler" son premier ministre pour annoncer une "victoire sur le terrorisme". Là aussi, la victoire est pitoyable et incertaine parce que la qualification est essentiellement à but politique par voie médiatique.

Il s'agit en réalité d'une stratégie de vendeurs de boîtes de lessive. Comment vendre plus de poudre de lessive sans en avoir l'air. Un commercial avait trouvé : percer des trous plus gros sur les boîtes. Gain de l'opération : 17% de hausse du chiffre d'affaire. Résultat pour l'environnement : 30% de hausse de la pollution des rivières. Et nécessité d'imposer de nouvelles contraintes sur l'eau. Tout le beau monde y trouve son compte. Nous, nous ne comptons guère.


Revue THOMAS (c) 2015