Vers la guerre ou vers la guerre civile ?

Vers la guerre ou vers la guerre civile ?

Philippe Brindet - 16 novembre 2015
Après les attentats joués et déjoués commis en France depuis le début de l'année, la lecture de la presse conduit à plusieurs observations.
  1. Tout d'abord, et très évidemment, les événements qui bouleversent l'opinion publique occidentale sont absolument imprévus par les autorités même si elles peuvent démontrer qu'elles avaient prédit leur occurrrence.

  2. La stupéfaction et la frayeur se lisaient dans les yeux et s'entendaient dans les discours des plus hautes autorités de l'Etat français. Le regard vide, le ton essoufflé de Hollande lors de sa première déclaration nocturne après les attentats du 13 novembre suffisent à indiquer le désarroi des autorités politiques.

  3. L'opposition politique s'est, dans un premier temps, trouvée coincée entre l'exigence d'unité républicaine et des motivations plus électoralistes. Mais aussi, dans une large mesure, parce que l'analyse et l'action politiques sont identiques entre la "droite" et la gauche. Hollande a largement suivie la politique de Sarkozy, tandis que Fabius s'est limité à reproduire les postures martiales de Juppé. Seul, Le Drian semble avoir eu une attitude plus active que celle de son prédécesseur sarkozyste.

  4. Dans un second temps, laissant Sarkozy s'enferrer dans le soutien à l'action de Hollande, l'opposition a souligné, avec Fillon notamment, les errements de la politique étrangère française à l'égard tant de la Russie que de Assad. Elle a incriminé, notamment avec des auteurs comme Bilger, les mesures de sécurité intérieure, imposées par la politique pénale mise en oeuvre par Taubira, soutenue par Hollande.

  5. Valls a très clairement demandé les suggestions de réaction de la part de sa majorité, mais aussi de l'opposition. On a pu ainsi entendre des gens pourtant sensés faire des propositions constructives démontrant que leur analyse politique coïncidait avec celle des socialistes, qu'ils soient hollandistes ou sarkozystes. L'idée de Bayrou de former une garde nationale pour soulager les effectifs de police, est loin d'être négligeable, même si historiquement elle présente un certain nombre de désagréments pour le pouvoir en place.

  6. A l'heure présente, deux mesures gouvernementales ont été prises :

    1. l'aviation française a bombardé le chef-lieu de l'Etat islamique de manière plus accentuée que par le passé (10 avions au lieu de 2) ;
    2. la police française a mené des perquisitions et des arrestations parmi les milieux islamistes en France.
    Ces mesures paraissent raisonnables. On notera par ailleurs que le porte-avion Charles de Gaulle a appareillé et, sous peu, devrait être opérationnel en Méditerranée. Il apporte 24 avions de combat supplémentaires aux 12 basés en Jordanie. On note que l'engagement aérien français va se trouver comparable à celui de la Russie. Et une coopération avec la Russie devient inévitable.

  7. Malheureusment, cette solution naturelle, et qui poursuit simplement la politique sarkozyste - ce qui limite la possibilité de la critiquer pour le probable candidat opposé à Hollande - pose un énorme problème juridique. Celui de savoir si l'Etat est un état de guerre étrangère ou un état de guerre civile. Ou - ce qui serait suicidaire - les deux en même temps. Hollande ne veut pour rien au monde déclencher une guerre civile que la République perdrait assurément. Il n'a absolument pas les moyens industriels d'une guerre étrangère, dont ses alliés ne veulent à aucun prix pour ne pas gêner leurs alliances musulmanes. En résultat, Hollande, comme Sarkozy, se pavane dans une attitude martiale devant une escouade de braves gardiens de la paix qu'il envoie dangereusement se faire démonter à l'étranger, pendant qu'il fait se promener, l'air ennuyé, ses parachutistes et commandos de marine au milieu des petites touristes chinoises, pas effarouchées pour un sou. On ne peut pas dire que son problème ne soit pas à l'étranger. Mais il ne peut pas dire que son problème n'est pas d'abord en France.

  8. Dans le domaine des idées politiques, en Occident, la soumission à la géostratégie sunnite est de plus en plus forte. Parfois portée par des universitaires musulmans, mais souvent par des opportunistes, cette géostratégie musulmane exige que l'Occident combatte autant l'Etat islamique - qui est une force musulmane nouvelle - que le régime de Assad - qui est une ancienne forme d'un islam laïc et démocrate que les Etats musulmans régnant veulent à toute force faire disparaître. Avec le soutien irresponsable des Etats-Unis. Cette géostratégie est clairement celle de la Turquie, de l'Arabie séoudite et des Etats du Golfe, Quatar notamment. Cette infusion est clairement un aveu de faiblesse de l'Europe d'abord, de la France ensuite, pour autant que sa force puisse compter, ce qui est douteux. Or, cette posture était déjà celle de Juppé. Elle a été immédiatement celle de Fabius. Et Hollande, qui ne pense qu'à rester Président, l'a suivi "de confiance". Tant pis pour nous.

  9. Les attentats de Paris auraient été commis - selon les premières informations - par de jeunes musulmans radicalisés. La plupart seraient d'origine franco-maghrébine, souvent installés en Belgique et passés en Syrie. L'idée que ces individus seraient mandatés par l'Etat islamique permet au pouvoir français de désigner un ennemi de l'étranger. On note a contrario qu'au moins l'un d'eux, de nationalité syrienne, serait entré en France depuis la Turquie avec une vague de migrants passés par la Grèce, la Serbie, puis la Croatie d'où il est passé directement en France. Certains en déduisent que les migrants de la Méditerranée constitueraient un danger mortel pour l'Europe. On note que plusieurs des terroristes impliqués étaient surveillés par les fameuses fiches "S" de l'Etat français. L'un d'eux, son attentat perpétré, a traversé tranquillement la frontière française, pourtant contrôlée depuis quelques heures et a été ensuite arrêté en Belgique.

    Selon plusieurs analystes comme l'ancien juge Trévidic, le jeu de l'Etat islamique serait de provoquer une répression par les Etats occidentaux de leur population musulmane de sorte que celle-ci se soulèverait, ouvrant un front intérieur parmi les membres de la coalition contre L'EI. Malgré tout, les autorités occidentales semblent écarter rigoureusement toute action qui pourrait être mal interprétée par leurs populations musulmane.

    On note la grande proximité entre la situation actuelle et la situation politique du début du XX° siècle, alors que le marxisme-léninisme était une force montante.


Revue THOMAS (c) 2015