Les mesures contre le chômage

Les mesures contre le chômage

Philippe Brindet - 07.01.2016

La force du progrès

Le président de la République a, lors des voeux 2016, inventé le moyen de sa ré-élection : mettre autoritairement 500.000 chômeurs en formation

L'astuce ?

Ils sortent des statistiques du chômage avant la date limite du dépôt des candidatures aux élections présidentielles de 2017.

L'effet ?

Faisant baisser le chômage de 500.000 unités, donc de 10%, Hollande s'attribue le droit de se représenter à l'acclamation populaire.

Prend il les français pour des idiots ?

Réponse : oui. Et il le peut. Sa ré-élection le prouvera.

La réaction

La réaction de la gauche a été celle du ravissement. Ne voyez aucune ironie dans ma remarque. Je suis formel : la gauche est ravie.

Pourquoi ?

Elle a massivement investie dans la formation. Pour peu que Hollande débloque des emprunts pour payer cette formation - ce n'est pas certain, mais très probable - et c'est une nouvelle manne qui va tomber sur la bourgeoisie rose.

La réaction de la droite - on n'ose pas écrire "de l'opposition" ... - est grinçante. La formation est leur recette numéro 1 depuis des années. Assister à l'utilisation de leur "recette miracle" et cela pour assurer "sa" présence aux élections les emplit de rage. Mais, que voulez-vous, "vae victis" ... En plus, si la droite prend le pouvoir en 2017, elle va retrouver les 500.000 chômeurs et rembourser l'emprunt certainement contracté par Hollande pour payer les bourgeois socialistes bénéficiaires des budgets de formation !

Interrogé dans une émission de radio matinale, un candidat célèbre à la primaire d'un parti de droite propose plutôt de donner les moyens aux entreprises d'embaucher les chômeurs. Ce n'est pas bête. L'ennui c'est que, ignorant radicalement comment en quelques mots décrire pourquoi les entreprises embauchent ou licencient, le brave homme est contraint d'indiquer quelques recettes disparâtes qui, selon lui, concourent à cet objectif.

  1. Pour le candidat de droite, il faut d'abord permettre à l'employeur de licencier facilement.
    L'idée, déjà cent fois entendue, suscite toujours le même effroi. Les employeurs ont déjà fait de 4 à 10 millions de victimes du chômage, soit presque un tiers de la population active, et il faudrait encore leur faciliter la tâche !
    Pour avaler une telle proposition, il faut un goût du paradoxe qu'on ne peut développer qu'avec une longue pratique des dîners mondains. Ceux qui s'épuisent dans les tranports en commun et les embouteillages sont absolument imperméables à cette proposition.
    Ce que les promoteurs de la proposition du "licenciement facilité" ne parviennent pas à contrôler, c'est justement les raisons pour lesquelles un employeur embauche et celles pour lesquelles il licencie. Et ces raisons sont extrêmement multiples. De sorte que si la mesure peut être favorable dans certains cas, elle est formidablement nuisible dans la plupart des autres.
    Il faudra donc ou bien faire contrôler l'application de la mesure facilitant le licenciement par les tribunaux, ou bien définir des conditions d'ouverture d'un licenciement facilité et les faire contrôler par l'Inspection du Travail.
    Et on est ramené à la case départ du "licenciement compliqué" ! ....

    On est dans l'agitation politique à cause de laquelle les propositions "nouvelles" ne changent rien.
  2. Il propose ensuite l'extension de l'apprentissage.
    Là, c'est un truc incroyable qu'on agite depuis cinquante ans. C'est exactement la variante "pue-la-sueur" du truc de la formation, plus "col-blanc". C'est évident qu'il en faut, c'est évident qu'il faut l'améliorer. L'apprentissage est totalement indépendant du chômage. Seuls des abrutis fortement diplômés et qui d'ailleurs n'ont jamais travaillé de leur vie - promenant leur paresse dans les sinécures de l'Administration façon 40.000 euros de taxi pour promener le chinchilla - peuvent soutenir une telle proposition.
    Une variante est celle des stages. Avec l'apprentissage, le stage est un moyen d'une perversité absolue qui conduit à stocker dans une caste de pariahs une masse de travailleurs mal payés et affreusement traités par les employeurs et les employés de la caste des CDI.

    Cette proposition est absolument détestable.
  3. Il propose ensuite l'exonération complète des charges sociales pour les salaires au SMIC.
    Cette proposition déjà partiellement pratiquée par une réduction de certaines charges est un piège absolu. Elle vise non pas à réduire le chômage mais à diminuer la masse salariale. Pourquoi ?
    Quand un salarié au SMIC exonéré de charges sociales coûte 1 à son employeur, un salarié payé 2 SMIC et donc assujetti au taux plein des charges sociales va lui coûter 4 ! Inutile de faire l'ENA pour savoir que le patron fera tout pour réduire le salaire du salarié à 2 SMIC. La mesure effondre à terme le salaire maximal admissible et c'est mauvais pour le niveau de vie et pour la couverture des besoins de la protection sociale.
    Mais l'employeur peut aussi calculer d'embaucher 4 salariés supplémentaires au SMIC et virer celui à 2 SMIC. Il aura 5 employés pour le prix de 2 et l'Etat aura perdu 4 unités de charges sociales !

    Cette proposition est exactement une mesure où tout le monde perd : les salariés de moins en moins payés, les patrons incapables de motiver leurs employés et l'Etat écrasant brutalement ses recettes sociales. A quoi pensent-ils ?
  4. Il propose la suppression de l'ISF
    C'est l'un des impôts les plus stupides qu'on ait jamais inventé. Le lendemain du jour où il a été institué, les gens raisonnables voulaient déjà le supprimer. Comme depuis, ils ne sont jamais allés au pouvoir ... les impôts idiots ont fleuris, et l'ISF n'est plus ... le seul impôt idiot.
    Par ailleurs, le lien de l'ISF avec le chômage est des plus ténus. Non qu'aucun chômeur ne puisse être astreint à l'ISF ... Mais le fait de supprimer l'ISF ne devrait pas changer énormément la situation de l'emploi. L'ISF est un impôt spoliateur qui exige que le patrimoine de protection se transforme en capital de rentabilité. Son effet a été clair : les patrimoines se sont évaporés. Le chômage n'a rien à y voir.

    Cette proposition montre combien le personnel politique est incapable de comprendre l'économie.
  5. la « réorientation de l'épargne vers l'investissement productif »
    Voeu pieux. Mais pourquoi pas. Cependant, l'investissement "productif" peut être compris ou bien comme l'investissement rentable qui ne passe pas par l'emploi - la spéculation par exemple - et l'investissement dans les secteurs devant alors embaucher. La nuaunce semble échapper à certains.
  6. le recul de l'âge légal de la retraite à soixante-cinq ans.
    On se demande le lien avec la réduction du chômage. Avec un accroissement spectaculaire du chômage des vieux, l'éloignement de l'âge de la retraite est une mesure euthanasique. Il faut admettre que, pour certains hommes politiques, il est préféré de compter des décès plutôt que des chômages. C'est une question de sensibilité ...

On est effaré de la vanité de ces propositions déjà cent fois serinées, dont on sait que toutes sont sans effet pour l'emploi. Elles accroissent et le sort des chômeurs, et le sort des travailleurs, des travailleurs pauvres en tout premier lieu.

Pour combattre le chômage que faut-il faire ?

L'idée de départ du candidat de droite est loin d'être mauvaise. Mais, comprenant qu'il serait incapable d'expliquer des mesures compliquées, il a préféré répéter des recettes bien connues des électeurs qui ont déjà oubliés qu'on les leur avaient servies vingt fois avec un insuccès complet.

Pourquoi, l'homme politique en reste t'il là ?

Le problème d'un homme politique, ce n'est pas de résoudre le chômage. Il n'y peut pas plus que de faire pleuvoir pendant la sécheresse ou que d'arrêter la pluie pendant les inondations. Ce qu'il veut, c'est être élu. Ou ré-élu. Et pour celà, il faut qu'il associe son nom à des idées simples qui plaisent aux électeurs. Et en matière d'idées simples, autant reprendre celles que les électeurs connaissent déjà. Le réflexe pavlovien joue alors.


Le chômage est une évidence. Il est une inadaptation de la zone économique dénommée France à la mondialisation qui s'est faite sans elle.

Pour que l'emploi reparte en France, il faut d'abord que le lien actuel entre l'Etat et la mondialisation soit vigoureusement annulé. Pour des raisons idéologiques, la France est parfaitement désarmée contre la mondialisation actuelle à la différence d'autres nations. En effet, l'Etat français se tient pour le propriétaire-exploitant de tout ce qui se trouve sur son sol, au-dessus et en en-dessous. Il a admis la mondialisation sans comprendre un instant que, dans la mondialisation, on ne peut pas être un propriétaire-exploitant. Il faut être un producteur économe, sachant acheter, puis sachant vendre. Exactement le contraire de ce que sait faire l'Etat français !

Dans les autres zones de la mondialisation, l'Etat ne se tient pas pour un propriétaire-exploitant. Les acteurs de la mondialisation sont les entreprises et les individus. Et les Etats se contentent de tirer le maximum d'argent de la situation fiscale très avantageuse qui leur est faite. Encore, et peut être pas pour très longtemps.

L'Etat français n'a donc qu'une alternative :

  • ou bien, il cède son fonds à qui en voudra, de préférence aux français. Mais çà, ce serait une surprise absolue. Et la France rejoindra alors la vraie mondialisation sans chômage ;
  • ou bien, l'Etat ne lâche pas la bonne vieille terre féodale de ses "aïeux" et notre seigneur et maître crèvera après nous, comme un vieux noble égrotant de misère, édenté chichement nourri à la cuiller par un dernier vieux domestique fidèle.
Devant le sens de l'Histoire, je nous vois la seconde solution se profiler. Normalement, une révolution ou une invasion étrangère vient trancher le cou du noble avant qu'il ne meure de faiblesse.

Et cela n'a jamais été bon pour nous.

Et le bon vieux politicien qui, paternellement nous annonce que le fait d'exonérer partiellement de charges sociales les salaires entre 1 SMIC et 1,8 SMIC va supprimer le chômage, nous avoue tout simplement deux choses :

  1. il n'a strictement aucun avantage ne serait-ce qu'à faire baisser le chômage ; et
  2. il n'a strictement rien compris à la mondialisation.
Non, vraiment, ce n'est pas bon pour nous.


Revue THOMAS (c) 2016