Le rituel du Lavement des pieds

Philippe Brindet - 24.03.2016

Le texte qui suit aurait été "lisible" par la plupart des locuteurs de langue française, il y a soixante-dix ans. Le Concile Vatican II est passé par là et j'estime que moins de 100.000 francophones sont capables de comprendre - de comprendre et pas forcément d'accepter ... - ce qui va suivre.

Pour les autres, je leur recommande d'oublier ce texte sans importance.

Depuis des années, peut être des siècles, le rite du "lavement des pieds" est pratiqué absolument en contre-sens du commandement évangélique. Avec une rage constante de trahir qui interroge la capacité de la Tradition à propager du faux avec une consternante certitude. Renforcée par le fait que l'erreur est pratiquée par les pontifes depuis ... longtemps.

De quoi s'agit-il ?

Le site du diocèse de Strasbourg publie le texte suivant :

Dans un décret rendu public le 21 janvier 2016 par la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements, le rite du lavement des pieds est modifié à la messe in Coena Domini du Jeudi-saint au soir. C’est à la demande du Pape François que cette nouvelle norme est promulguée.

Il est désormais recommandé que les pasteurs fassent appel pour ce rite à « un groupe de fidèles qui représente la variété et l’unité de chaque portion du peuple de Dieu », alors que jusqu’à présent seuls les hommes y étaient admis. Le texte précise que les prêtres pourront choisir des hommes ou des femmes, des personnes jeunes ou âgées, saines ou malades, des clercs, des consacrés ou des laïcs, qu’il soit mariés ou célibataires.

Source : http://www.alsace.catholique.fr/actualites/298629-le-nouveau-rite-du-lavement-des-pieds/

A ce texte, publié sous le contrôle de l'archevêque de Strasbourg, est joint le texte officiel du Décret de la Congrégation romaine concernée et un commentaire du pape François lui-même.

La situation antérieure datait de 1955, du temps de Pie XII et le texte normatif de 2016 la rappelle :

Par le décret Maxima Redemptionis nostræ mysteria (30 novembre 1955) la réforme de la Semaine Sainte a donné la faculté, là où pastoralement cela semble bon, de faire le lavement des pieds à douze hommes pendant la Messe de la Cène du Seigneur, après la lecture de l’Évangile selon saint Jean, comme pour exprimer d’une manière représentative l’humilité et l’amour du Christ envers ses disciples.

Nous estimons que ce qui n'était qu'une "innovation" réservée par Pie XII à quelques endroits pour expérimentation était déjà une trahison de ce fameux "Mandatum" évangélique.

D'ailleurs, le commentaire que le texte normatif de 2016 produit à ce sujet est lui-même en contradiction avec le texte évangélique :

En accomplissant ce rite, les évêques et les prêtres sont invités à se conformer intimement au Christ, qui « n’est pas venu pour être servi, mais pour servir » (Mt 20,28) et, poussé par un amour qui va « jusqu’au bout » (Jn 13,1), donner sa vie pour le salut de tout le genre humain.

Le fameux "mandatum" qui instituerait le Lavement des pieds ne se lit pas dans les passages cités par le texte normatif de 2016. La citation de Mt 20, 28 concerne un discours du Christ très antérieur à la Cène. Il n'a rien à voir avec lui. D'autant que Saint Matthieu ne rapporte aucun "mandatum" sur le Lavement des pieds lorsqu'il évoque la Cène. Le seul Lavement de pieds évoqué par Saint Matthieu est celui pratiqué par Marie de Béthanie avec un parfum de prix et il a lieu plusieurs jours avant la Cène.

La citation de Jn 13, 1 est simplement le premier verset du chapitre dans lequel Saint Jean rapporte la Cène avec le fameux mandatum du Lavement des pieds qui est énoncé en Jn 13, 14 dans lequel le Christ revendique qu'il est le Maître et le Seigneur et sûrement pas un serviteur.

Si donc moi, le Seigneur et le Maître, je vous ai lavé les pieds, vous devez aussi vous laver les pieds les uns aux autres.

Jn 1, 14

Le texte réglementaire de 2016 indique :

Ce rite, dans la liturgie romaine, a été transmis sous le nom de Mandatum du Seigneur sur la charité fraternelle suivant les paroles de Jésus (cf. Jn 13,34) qui sont chantées comme antienne durant la célébration.

Cette citation est "fausse" !

Il ne s'agit absolument pas du Mandatum évoqué par le texte réglementaire de 2016. Le Mandatum du Lavement des pieds se trouve en Jn 13, 14 et il est cité plus haut. La citation de Jn 13, 34 est un élément du discours de Jésus après la Cène, alors que Judas est déjà parti. Jn 13, 34 n'a rien à voir avec le Lavement des pieds.

Ce qui est vrai cependant, c'est que la citation de Jn 13, 34 est effectivement un "mandatum" :
Je vous donne un commandement nouveau ...

Le problème, c'est que ce commandement n'a rien à voir avec le commandement du lavement des pieds de Jn 13, 14 :

... vous devez aussi vous laver les pieds les uns aux autres.

Pourquoi le catholicisme concilaire oublie t'il le commandement du Lavement des pieds pour lui préférer le commandement de l'amour du prochain avec lequel il le confond ?

La raison est simple.

Dans le Lavement des pieds, le Christ revendique exactement l'opposé de ce que l'Eglise concilaire veut promouvoir : la figure d'un Christ au service des hommes. Or, dans le commandement du Lavement des pieds, c'est exactement le contraire que Jésus dit de Lui dans Jn 1 :

13 Vous m'appelez le Maître et le Seigneur: et vous dites bien, car je le suis.
14 Si donc moi, le Seigneur et le Maître, je vous ai lavé les pieds, ...

La référence trompeuse à un autre commandement permet ainsi de donner au Lavement des pieds un sens qu'il n'a pas et surtout de plonger dans l'oubli le sens que ce Lavement a dans le catholicisme et peut être dans l'orthodoxie.

Quelle importance à cette interprétation moderne ? Elle est évaluable par l'impact qu'elle a dans la presse athée. On se reportera par exemple à l'article du 24 mars 2016 du Washington Post , signé par Nicole Winfield, la spécialiste du catholicisme pour ce journal. Elle intitule son article Pope to wash feet of refugees in 1st application of new law et montre qu'elle a parfaitement compris l'importance de la manipulation du pape François.

D'ailleurs, elle utilise l'interprétation de Fisichella, un prélat de Curie, qui lui a déclaré :

“By washing the refugees’ feet, Pope Francis is asking for respect for each one of them,” he wrote.

Et le Washington Post a terminé son article. Le Christ est "viré" du catholicisme au profit d'un geste politicien douteux.


Philippe Brindet (c) 2016