Réflexions sur le Vendredi Saint

Philippe Brindet - 25.03.2016

Dans la liturgie catholique romaine, le Vendredi Saint est en relation avec la Passion de Notre Seigneur Jésus.

S'agit-il d'une mémoire ?

Il y a indéniablement un aspect liturgique de mémoire de la Passion de Notre Seigneur. L'événement de la Passion est historique en ce sens qu'il s'est produit une fois dans l'Histoire et qu'il ne se reproduit plus jamais. De ce point de vue donc, les chrétiens font mémoire de la Passion de Notre Seigneur Jésus-Christ et les non-croyants peuvent en rester là.

Qu'est-ce que la Passion de Notre Seigneur Jésus ?

Jésus a été capturé par des Juifs, sous l'instigation des autorités religieuses juives. Il a été livré par eux aux Romains qui l'ont alors mis à mort pour calmer la colère des Juifs contre Jésus. La Passion est l'événement qui déroule ces diverses actions historiques. Cet exposé suffit aux non-croyants.

Les chrétiens par contre savent que la Passion est l'apogée de la mission de Jésus dans le monde. Il a été envoyé par le Père pour cet acte ultime. La Passion est l'événement principal du christianisme tout entier. C'est par la Passion que Dieu sauve l'humanité de son état limité, mortel, souffrant, pour lui permettre d'accéder à un état d'humanité dégagé du monde et de sa corruption.

Pourquoi Jésus souffre t'Il sa Passion ?

Pour les chrétiens, Jésus est véritablement Dieu, non créé. Il ne s'agit pas du tout d'un homme extraordinaire dont les mérites exceptionnels l'auraient finalement constitué comme un dieu, fusse t'il le "seul dieu". De manière bien plus étonnante, Jésus est véritablement Dieu l'Unique. Et même en temps qu'homme, il est très peu exceptionnel en ce sens que Jésus n'a pas été un homme riche, il n'a pas été un roi puissant, il n'a pas été un découvreur de choses extraordinaires.

Au contraire, sa Passion est rendue possible parce que Jésus a été un homme faible, petit, qui manifestait une amitié pour ses amis tout en restant ouvert à tous les êtres humains pour leur annoncer des temps nouveaux , un salut permettant de ne plus seulement mourir dans un monde corrompu, mais de naître à un monde nouveau.

Historiquement, les gens qui ont écouté Jésus ont très souvent été émerveillés par ses discours. D'autant qu'Il n'a jamais caché qu'Il était vraiment Dieu et qu'Il était le Maître de la Vérité. Pour prouver l'authenticité de son Etre, Jésus a réalisé des miracles extraordinaires qui ont convaincu de nombreux assistants. Ces miracles Lui permettaient de s'annoncer comme Dieu dan sune modalité très spéciale, inconnue alors : celle de Trinité, dans laquelle Il est le Fils.

Ce sont ces miracles et son insistance à se dire Dieu qui ont contraint les autorités religieuses juives - auxquelles Jésus était soumis puisqu'il était de naissance juive - à le condamner à mort dans une révolte de haine démente contre Lui qui n'offrait que la Bonté, la Justice et la Vérité.

Mais cet exposé de raisons à la Passion est notablement insuffisant. Il explique plus le comment de la chose que son pourquoi.

Ce que révèle la Passion est encore bien plus extraordinaire.

On comprend bien que le Conseil religieux des juifs ne pouvait laisser un Juif se proclamer Dieu. Il s'agissait évidemment d'un blasphème et si la Passion n'était que l'effet d'un tel blasphème, il n'y aurait tout simplement pas de christianisme. Un pauvre homme se prenait pour Dieu. Certains le croyaient et d'autres en étaient révoltés.

La Passion est bien au-delà de cela.

Tout d'abord, il faut se souvenir que les témoins des miracles de Jésus, les auditeurs de sa Parole, ont été des témoins authentiques. Ils ont été tellement convaincus de la vérité de ce qu'ils avaient vu et entendu que beaucoup d'entre eux sont morts, en affirmant la divinté de Jésus et devenant victimes de la même haine des hommes que celle qui a vaincu Jésus.

Cette défaite n'est pourtant que l'apparence de l'Histoire. En effet, Jésus après avoir souffert sa Passion est mort et est ressuscité. Et il a suscité les mêmes témoins qui avaient vu ses miracles et entendu sa Parole pour dire au monde entier que Dieu fait homme a été mis eà mort et qu'Il est ressuscité dans cet état de gloire qu'il avait annoncé pour l'humanité.

Mais ceci est la suite de l'Histoire.

Au Vendredi Saint, l'humanité corrompue, mortelle, haineuse, voit passer le Maître de la Vie marchant à sa mort sous les quolibets de la foule, manipulée par les autorités religieuses.

Plus que la flagellation, plus que la crucifixion, c'est ce déchainement de haine des humains qu'Il est venu sauver qui est la source de la souffrance immense du Christ. Et cette haine est toujours vivante, nous ramenant aujourd'hui au même état historique que sous le règne de l'empereur Tibère, Caïphe étant le maître religieux et Pilate le gouverneur civil. Avec un Jésus trahi par les Judas et renié par les Saint Pierre qui sont toujours là, terrible actualisation.

Voilà pourquoi la célébration liturgique du Vendredi-Saint est bien plus dramatique qu'une simple commémoraison historique.


Revue THOMAS (c) 2016