Quelques observations sur l'état social et politique en France en mai 2016

Quelques observations sur l'état social et politique en France en mai 2016

Philippe Brindet - 23.05.2016

Cet article ne vise pas à donner un panorama complet ni même objectif de la situation. Il se limite à quelques observations et réflexions sur la situation sociale et politique en France.

Deux mouvements concurrents se sont lancés, initiés par la loi prétendue de réforme du Code du Travail :

  1. le mouvement "Nuit debout"

    Lancé, d'après les rumeurs, par un journaliste et un économiste de l'extrême-gauche festive, ce mouvement est une désolante illustration de la médiocrité politique régnante. Il a d'ailleurs été brocardé par de nombreux intellectuels qui, bien que venus de la "gauche", ne supportent plus l'effrayante nullité intellectuelle qui règne dans leur sphère. La moindre contestation de ce mouvement a été immédiatement dénoncée par les média. Mais, les intellectuels se sont rebiffés et ont poursuivi leurs commentaires acerbes.

    Ce que demande le mouvement "Nuit debout" est simple : le retrait immédiat de la loi "Travail". Mais en fait, la médiocrité du mouvement et de ses initiateurs leur font utiliser les réflexes pavloviens de la tourbe imbécile qui les rejoint pour d'autres causes vaguement anarchisantes et festives. En fait, très bêtement, les organisateurs utilisent les troupeaux qui les rejpoignent Place de la République - comme une masse d'émeutiers prêts à des missions de déstabilisation du régime hollando-sarkozyste.

    A côté des jeunes employés endimanchés et les yeux perdus dans le vague de leurs rêves formatés par les média et l'Education Nationale, il y a des escadrons de fils de bourgeois, encagoulés et vêtus de noir, prêts à faire le coup de barre de fer sur tout ce qui représente à leurs yeux la société qui les nourrit grassement. Et ils tapent sans discernement sur les policiers et les automates bancaires avec le sentiment satisfaisant leur conscience de faire avancer la Révolution. Leur problème, c'est qu'ils jouent à ce que faisaient papa et maman en Mai-68 remis à la sauce des jeux vidéo qui forment le fond de leur barbarie.

    Muets d'horreur, les hollando-sarkozystes au pouvoir - donc les hollandistes survivants - comprennent que, s'ils veulent survivre au désordre qu'ils ont instauré, ils vont devoir taper durement sur leurs propres "enfants", sur des gens qui partagent leurs "valeurs" de progrès et de révolution. Leur problème, c'est que à "Nuit Debout", on vit le rêve d'une révolution jacobine brouillonne, quand à l'Elysée et Matignon, on croît avoir établi un régime jacobin d'ordre et de tranquillité bourgeoise.


  2. le mouvement syndical

    Les syndicats politiques (CGT, Sud, FO, CFDT) ont tentés d'approcher "Nuit Debout". Ils ne sont pas parvenus à s'entendre ce qui montre la parfaite médiocrité de "Nuit Debout", drapée dans la robe de la Place de la République qui lui appartient. Comprenant un peu tard que l'idée de s'entendre avec des abrutis qui préfèrent machin truc en Eagle Metal à l'Internationale, ne les conduira à rien, bien que la loi ait été votée depuis "longtemps" sans déclencher leur ire. Un peu piteux d'avoir été "dépassés" par les bourges de "Nuit debout", ils on lancé récemment un conflit dur, mais hétéroclite, à la SNCF d'abord, puis dans le transport routier et les raffineries.

    Là aussi, le mouvement social est divisé entre les quasi-fonctionnaires du vieux syndicalisme politique, allant de la défunte LCR au moribond PCF, d'une part, et les activistes qui rêvent d'un "bordel monstre", d'autre part. La loi Travail, ils s'en fichent comme d'une guigne. De toute façon, le Code du Travail leur appartient et ils en font ce qu'ils veulent depuis cinquante ans et plus.

    Dans le motif des "grèves" qu'ils ont déclenché, il y a aussi la révolte contre l'ouverture à la concurrence européenne du secteur des transports. Mais, là, les syndicats savent qu'ils n'ont aucun espoir. Ils auraient pu tenter de faire quelque chose il y a plus de vingt ans en s'alliant avec le syndicalisme allemand. Mais, déjà, ils étaient si différents que le rapprochement était alors impossible. Les vieux syndicalistes ne peuvent plus changer. Ils rencontrent de jeunes syndicalistes qui ne rêvent que de flanquer le bordel, parce que le travail est devenu impossible en France. Trop cher, trop normalisé, trop tiraillé entre la gabegie socialiste et le capitalisme libéral, pourtant d'accord ensemble. Et son horizon est compris entre la faillite de l'employeur et le licenciement du salarié ...

Concluons en soulignant l'égalitarisme dans la médiocrité entre "Nuit debout" et les "syndicats", tous perdus dans des illusions nourries par la barbarie et les compromissions de plus de trente ans. La haine des français à l'encontre des politiciens, déjà bien connue, est en train de se partager sur les activistes infra-politiciens de "Nuit debout" ou des syndicats.

Le pouvoir politique et l'approche des présidentielles de 2017

Actuellement, le personnel politique comporte deux mastodontes : Hollande au pouvoir et Sarkozy sans pouvoir. Leurs réputations se limitent à 15% d'affidés, trop âgés pour changer de lider maximo ... Et les trois-quarts des citoyens ne veulent pas les revoir à l'élection présidentielle 2017.

Le reste du personnel politique ? De simples comparses sans envergure.

Sans envergure ? Nous le pensons. Mais deux personnalités émergent dans le bouillon médiatique : Marine Le Pen et Alain Juppé. Leur différence ? Juppé est un européiste militant, Le Pen ... non. Et c'est là où la chose devient amusante. Le Pen pourrait ne pas être anti-européenne pour deux raisons.

  1. Elle compte diriger le peuple français à l'aide de l'actuelle Fonction Publique. Elle s'y est récemment infiltrée, notamment grâce à des hommes comme Philippot, mais bien d'autres aussi. Elle sait que, sans la Fonction Publique, elle ne pourra pas tenir l'Etat. Si elle rejette l'Administration européenne, elle est totalement désarmée face à la Fonction publique française. Or, celle-ci est en place depuis Richelieu et elle n'a ni bougé, ni changé. Seulement en surface.

    Très simplement, Le Pen ne peut pas contrôler la Fonction publique française sans utiliser l'Union européenne. Elle ne pourra pas alors contrôler les français. Il serait donc suicidaire pour elle, de quitter l'Europe.

  2. La deuxième raison, c'est que l'Etat français est en faillite. Il a déjà vendu beaucoup du "patrimoine" et les riches "foutent le camp". Seuls reviennent, déguisés en "repentis fiscaux", les petits vieux qui pensent que "pour laisser ses os, y'a qu''la France" (Audiard). Si, en plus, Le Pen sort de l'Europe, elle sait que la dette deviendra exigible. Et elle sait qu'il n'y a plus rien dans les caisses.

    Le Pen ne veut sortir de l'Europe que pour arrêter l'hémorragie qui consiste à vider l'Etat français au profit de l'Union. Or, depuis longtemps, l'Etat français est "vidé". Sortir pour faire quoi ? Pleurer dans son coin sur la grandeur perdue ? Autant rester comme colonie de la Grande Allemagne, non ?

Si d'aventure, Le Pen l'emportait en 2017, certains de ses électeurs qui ont trop gardée la mémoire des discours du papa Le Pen, feront une attaque ... Mais, cela ne changera rien.

Maintenant, que Le Pen l'emporte est tout sauf certain. Ce n'est pas improbable. Mais, la route est longue jusqu'à l'Elysée. Et que ce soit Le Pen ou n'importe qui, il va se trouver devant trois réalités :

  1. la faillite

    La médiocrité du personnel politique depuis trente ans, largement responsable de la faillite, empêche l'émergence d'idées politiques énergiques, et d'hommes capables de les porter en décisions gouvernementales. La situation a été rendue inextricable à coups de "patrie des droits de l'homme" et de "diamètre des fèves de cacao" ....

    Or, en situation de crise - et la faillite en est une - il faut des idées simples et justes. Et il faut les appliquer avec l'énergie la plus extrême.

    Pendant ce temps, un possible candidat à l'élection de 2017 nous apprend en plein Journal Télévisé du soir qu'il convoquerait au commissariat les casseurs qui s'invitent dans les manifestations politiques ... Et que croyez vous qu'il se passat ? Cela plût aux personnes âgées, la moitié de l'électorat. Et "cela" ne changera absolument rien à quoi que ce soit. Et au même moment, le Premier Ministre annonce qu'il n'accordera pas la nationalité française à un célèbre "intellectuel" suisse qui, d'ailleurs, ne la demande pas ...

    Avec de pareils médiocres, que l'Etat soit pratiquement en faillite est une conséquence normale. Les politiciens au pouvoir n'ont qu'une seule solution pour reculer la déclaration de failllite. Et cette solution est probablement arrivée au bout du bout : monter les impôts de tous genres et emprunter encore plus - ce qui revient à augmenter les impôts de demain. Or, cela fait trente ans que cela dure. Depuis que Giscard avait noté que la faillite arrivait quand l'Etat prélevait plus de la moitié du revenu national. C'est d'ailleurs lui qui l'avait instauré ...

  2. la Fonction publique

    Nous ne visons pas, bien entendu, le dévoué instituteur, l'admirable infirmière et encore moins le bénin policier qui patrouille pour faire régner partout la concorde et la sécurité ...

    La Fonction publique est un Corps Autonome, animé par une caste sociale fermée : la haute Fonction publique qui joue sur les leviers de manipulation de ses troupes et des hommes politiques qui croient la régenter. Et dans le même temps, il existe des liens consanguins entre cette caste et le patronat français, idéalement illustré par le "pantouflage" qui permet à de hauts fonctionnaires de se déformer les poches de veste avec des jetons de présence aux conseils d'administration des sociétés les plus inattendues, depuis la société de la belle-mère jusqu'à celle d'un ancien survivant d'un contrôle fiscal.

    Et tel haut fonctionnaire qui s'est illustré par des menées parfaitement conformes au républicanisme le plus sourcilleux, devient un patron le plus attentif à ses revenus et au rendement servi aux actionnaires, ses frères et cousins.

    Ce genre de critique est extrêmement délicate. Cela fait des décennies que cet état de fait est dénoncé sous divers prétextes, souvent érigés en remontrances moralisatrices. Tel n'est pas notre propos.

    Il y a bien plus grave. La haute administration est nativement une caste autonome qui se reproduit depuis des générations. Elle prétend être au service de la République pour bien marquer qu'elle n'obéit à aucun pouvoir politique. Les gouvernements passent, les hauts fonctionnaires demeurent ...

    Or, le fondement de l'état républicain moderne exige que l'Administration soit aux ordres du gouvernement. Tout indique que cela n'est plus vrai depuis longtemps. D'ailleurs, même lorsque un accord existe sur ce point, les exigences de l'Administration en matière de réglementation sont toujours affirmées de sorte que l'Administration exerce un pouvoir absolu par le biais du réglement. Et quand le pouvoir politique a des citoyens devant lui, l'Administration n'a que des asujettis.

    La différence n'est pas énorme. Le citoyen insatisfait ne donne plus son suffrage au politicien. L'asujetti naïf mais insatisfait va en prison. Tout le monde ne voit pas bien la nuance ...

    Le hiatus qui existe entre la Loi et le Réglement se traduit en confrontation entre le Gouvernement et l'Administration. Le problème ne se perçoit souvent que parce que le citoyen est identique à l'asujetti. Et il est possible de transformer ainsi une démocratie libérale en une dictature totalitaire qui se pare des oripeaux de la liberté. Pour éviter le conflit, le politicien est souvent un fonctionnaire. Ainsi les deux-tiers des parlementaires sont des fonctionnaires et dans le gouvernement, les ministres sont pour la plupart des fonctionnaires.

    Il y a donc une entente entre la classe politique et la haute fonction publique contre la démocratie qui reste, largement en France, une comédie jouée par des cyniques d'opérette

    Un pouvoir politique, inspiré de démocratie vraie, et qui ne remet pas de l'ordre dans l'équilibre entre lui et le pouvoir administratif se condamne à la servilité. C'est le cas en France.

  3. L'administration de Bruxelles

    Le problème est encore accru par le mouvement européiste. On peut dire qu'il a largement été une construction administrative, réglementaire et qu'il ne se reconnaît dans les faits que des asujettis quand ces derniers se prétendent "citoyens". L'Union européenne a été largement voulu par un club de chefs d'Etat qui, le plus souvent ont bafoué la souveraineté qu'ils avaient détournée du peuple qui les avait nommé.

    Lorsque le divorce a été trop profond, les politiciens européistes ont placé des lois d'approbation de leurs menées pour s'exonérer de toute trahison. Ils ont installé de lamentables référendums, souvent trahis comme en France. Ils sont allés jusqu'à "inventer" un Parlement de députés élus que les peuples ignorent totalement parce qu'ils restent secrets.

    Dans les faits, l'Union européenne a été une construction administrative qui s'est d'abord dotée d'un corps de fonctionnaires avant toute chose et d'un budget pour les nourrir. Ce n'est que lorsque certains idéalistes se sont alarmés de ce qu'ils appelaient alors pudiquement "un déficit de démocratie" ... qu'ils ont tenté de masquer la manoeuvre par des institutions qui évoquent la démocratie. Mais, l'administration pré-existe et domine.

    Certains ont pu croire que la co-existence de deux ordres administratifs, national et unioniste, défendrait la démocratie. Dividit ut regnare ... Il n'en a rien été. Les deux ordres coopèrent sur ce qui leur plaît et s'ignorent pour le reste, de sorte que l'asujetti national est aussi un asujetti européiste.

    Et à quel pouvoir politique obéissent les fonctionnaires de l'ordre européiste ? La réponse est claire : comme ceux de l'ordre national : à leur haute fonction publique.

Qui que ce soit qui ne se pose pas ces trois problèmes liés et qui n'y apporte pas la réponse énergique qui s'impose ne parviendra à rien d'autre qu'à poursuivre la dégringolade accélérée de la France ...


Revue THOMAS (c) 2016