La normale nullité des mariages sacramentels dans le catholicisme concilaire

Philippe Brindet - 02.07.2016

Le pape François a insinué une de ses petites phrases ravageuses dont il a le secret et qui occupent pendant quelques jours les esprits, les détournant de réflexions plus intelligentes. Par exemple, le mensuel La Vie, appartenant à un groupe de presse progressiste et donc particulièrement fanatique du pape François, commence l'un de ses articles de la façon suivante :

« Une partie de nos mariages sacramentaux sont nuls. » La petite phrase improvisée du pape François a surpris, même si tous les observateurs s’accordent à dire que le nombre de demandes de reconnaissance de nullité de mariage est en hausse. Serait-ce que les mariés catholiques sont moins bien préparés au mariage qu’avant ?

Était-on mieux marié par le passé ? Maud et Alex Lauriot-Prévost, anciens responsables de la pastorale conjugale et familiale du diocèse d’Avignon, n’y croient pas : « On prépare sans doute bien mieux au sacrement de mariage aujourd'hui qu'il y a vingt ou quarante ans. » Le père François Potez, curé de la paroisse Notre-Dame-du-Travail (Paris), qui a mis en place une préparation au mariage soutenue, en est également convaincu : « On ne préparait sûrement pas mieux au mariage autrefois » , que ce soit il y a soixante ans ou il y a trente ans. « La génération de mes parents n’a fait absolument aucune préparation au mariage, et même la génération de mes frères et sœurs, il y a trente-quarante ans, n’en a pas fait, ou pratiquement. »

En fait, la citation plus complète fournie par Le Figaro et Jean-Marie Guénois est :

"La majorité des mariages sacramentels sont nuls, parce que les jeunes disent 'oui, pour toute la vie', mais ils ne savent pas ce que cela signifie", a déclaré jeudi soir le pontife dans la basilique Saint-Jean de Latran, selon ses propos rapportés par l'agence spécialisée sur le Vatican I.Media.

Je partage l'idée que, pour l'Eglise catholique, la majorité des mariages sacramentels qu'elle distribue sont des mariages nuls, mais pas pour la raison qu'en donne le pape François.

Le problème essentiel alors est celui de l'irresponsabilité des autorités ecclésiastiques de maintenir une institution dont la majeure partie de la production est frappée de nullité.

Le problème du pape François

Mais, il faut remarquer toute la fausseté de la phrase du pape François.

Pour l'Occident, allant de l'Europe à l'Amérique du Nord, mais aussi une grande partie de l'Amérique centrale et de l'Amérique latine, il n'existe plus aucun mariage de "jeunes". On ne se marie plus à douze ans comme à l'époque médiévale. On se marie à trente ans et plus. Et la plupart sont bardés de diplômes et de formations au cours desquelles ils ont assimilées des notions autrement plus difficiles que celles dont découle l'indissolubilité du mariage. Et on n'est plus du tout un "jeune", du moins pas un jeune qui pourrait - comme le prétend faussement le pape François - ignorer ce que veut dire 'oui, pour toute la vie'.

Les gens qui se marient dans le culte catholique concilaire savent parfaitement que le mariage sacramentel est indissoluble et ils s'en moquent absolument. Et ils s'en moquent à la fois par mauvaise foi et de bonne foi !

Ils s'en moquent par mauvaise foi, notamment parce que ils sont adhérents d'une barbarie dans laquelle la volonté individuelle a pris une priorité absolue sur toute obligation. Aussi quand l'autorité ecclésiastique les avertit du caractère indissoluble du mariage sacramentel, ils acquièscent sans l'ombre d'une hésitation en pensant par devers eux : "Causes toujours, je ferais ce que je veux ..." Après tout, l'engagement matrimonial devant un vieux curaillon n'est jamais qu'une obligation morale ...

Mais dans le même temps, ils adhèrent à l'indissolubilité du mariage parce que ils conçoivent l'indissolubilité du mariage en cohérence avec le caractère intrinsèque de leur amour et de leur projet familial qui exige la permanence de l'union. Or, comme l'amour humain est présent lors de la discussion préalable au mariage sacramentel, même si elle se réduit à fixer la date de la cérémonie, on sait que dans l'immense majorité des cas, l'indissolubilité du mariage est à la fois acceptée et perçue comme une condition moins contraignante que celle de l'amour humain qui pousse les conjoints l'un vers l'autre.

L'idée que le mariage sacramentel serait imposée à de jeunes écervelés incapables est donc d'une fausseté radicale.

Le problème de la formation au mariage sacramentel

En revenant à l'article de La Vie, deux braves gens s'y demandaient gravement : "Était-on mieux marié par le passé ?", pour dire ensuite qu'"ils n'y croient pas" ! .... Le problème de ces gens-là, c'est que depuis la nuit des temps leurs prédecesseurs avaient exactement la même opinion. Et elle n'a strictement aucune espèce d'importance, parce que la formation au mariage n'a strictement aucune espèce d'importance.

Les gens qui souhaitent se marier, savent par leurs parents de quoi il retourne. Ils n'ont besoin d'aucun diplôme particulier à ajouter à la triste liste que la barbarie moderne les contraint à réciter à chaque fois qu'on leur demande qui ils sont. Pour dire les choses autrement, la formation au mariage sacramentel dans l'Eglise catholique n'a jamais été meilleure et elle est parfaitement nulle. Pour ne pas dire mauvaise.

Depuis le pontificat de Jean-Paul II, et sous son impulsion parce que elle était l'un de ses apports majeurs, se sont répandues d'effarantes théologies du mariage dont l'application au mariage réel est vraiment délétère.

Le problème de la théologie du mariage chez Jean-Paul II est double :

  1. Tout d'abord, elle exige que les gens qui veulent s'en occuper aussi bien pour en vivre que pour en parler, devraient d'abord croire en Dieu. Et c'est très loin d'être le cas et dans les deux populations, aussi bien celle de donneurs de leçons que celle des soi-disants écoutants ...
  2. Ensuite, cette théologie est un retournement de la tradition théologique catholique. Au fil des temps, les scolastes, ces intellectuels dans les universités catholiques qui réfléchissent à la théologie, ont développé des doctrines dont beaucoup sont passées dans le magistère de l'Eglise. Or, beaucoup de notions théologiques développées sont d'une grande complexité et, prenant modèle sur la Bible, des théologies ont utilisé l'amour humain et le mariage comme formes pour exposer certaines de ces notions. Je n'ai pas d'opinion à ce sujet. Je veux dire par là que je n'ai ni bonne ni mauvaise opinion des théologiens qui se sont livrés à cette chose. Mais, le problème commence lorsque certains théologiens ont "retournée" la démarche théologique en faisant croître une doctrine sur le mariage qui le charge d'obligations découlant des images que la théologie "classique" avait développées. Je ne souhaite pas développer ici une critique construite de ces démarches théologiques. Qu'il suffise de considérer que le fait de transférer des charges théologiques au prétexte qu'elles ont été illustrées à partir de réalités propres au mariage n'autorise en rien le transfert rétrograde de ces charges théologiques sur le mariage.

De ces considérations, ô combien critiques, il résulte que, si l'on suit la théologie nouvelle du mariage, il n'est en effet plus permis de se marier sans disposer d'une licence de théologie complète !

Et de ce point de vue, l'immense majorité des mariages catholiques - et surtout ceux du passé - sont donc nuls comme le proclame le pape François.

L'Eglise catholique concilaire souffre de nombreux problèmes plus urgents que celui de la "formation" au mariage !


Revue THOMAS
02.07.2016